Hamid Grine choisit son expérience dans la publicité – il désigne peut-être ici son expérience chez l’opérateur Djezzy où il a occupé le poste de chargé de la communication – comme sujet d’une des chroniques de son livre. Il parle avec un peu de sincérité de cette expérience en partant d’une règle établie par lui-même dans la préface de l’ouvrage: « La meilleure façon de s’adresser à l’autre, la façon la plus honnête au moins, restera à mon avis celle de parler de soi. Pas en se regardant avec exagération mais en fixant sa propre bosse, la bosse que chacun de nous porte sur son dos » (page 12)*.
« La vie n’est pas un long fleuve tranquille, mais une rivière agitée, rapide et capable de nous emporter. Il s’agit de savoir s’accrocher à la bonne branche, et il est préférable d’apprendre à nager et de savoir de temps à autre où nous mène le courant. La fameuse « indolence » des sages ». Cette définition de la vie, le ministre Hamid Grine l’a écrite dans la préface de son recueil de chroniques, « Cueille le jour avant la nuit » (Editions Alpha, 2008), traduit vers l’arabe et publié à l’occasion de l’événement « Alger capitale de la culture arabe » en 2007.
La description informe sur un côté de la personnalité de Grine qui considère le choix de « la bonne branche » comme la condition la plus importante non seulement de la survie mais aussi du succès. C’est peut-être ce qui a permis à l’auteur de sauter de la branche de la presse au grand arbre de Djezzy avant d’atterrir aux portes de la forêt dense du pouvoir.
Grine choisit son expérience dans la publicité – il désigne peut-être ici son expérience chez l’opérateur Djezzy où il a occupé le poste de chargé de la communication – comme sujet d’une des chroniques de son livre. Il parle avec un peu de sincérité de cette expérience en partant d’une règle établie par lui-même dans la préface de l’ouvrage: « La meilleure façon de s’adresser à l’autre, la façon la plus honnête au moins, restera à mon avis celle de parler de soi. Pas en se regardant avec exagération mais en fixant sa propre bosse, la bosse que chacun de nous porte sur son dos » (page 12).
Il essaie dès le début de se décrire avec la plus grande clarté possible. Il dessine une image réaliste du domaine de la publicité dans lequel il travaillait, et nous explique ses relations avec ses supérieurs et les opérateurs du domaine.
Il écrit, sans artifices: « Quand je proteste et montre mon agacement des annonceurs qui nous traitent comme des chiens, mes collègues ne comprennent pas ce que je dis. Nous sommes bien payés (le double de ce que l’on touche en tant que rédacteurs dans le journal où nous avons travaillé) et c’est pour cette raison que nous devons supporter ces harcèlements. Harcèlements? Je parcours les textes et les slogans écrits correctement avec musique et rime, puis un chef de produit sans importance m’offense en protestant que ce n’est pas du français. Si ta patience est sans limites, tu peux demander des explications: Pourquoi ce n’est pas du français? Et ils te répondent: ça ne se dit pas, c’est tout. Et si tu insistes le budget s’envole, puisque tout est commercial. Le créatif de l’agence n’est pas évalué selon son niveau de créativité mais selon la satisfaction du client vis à vis de cette créativité » (page 18).
Ce sont les règles du jeu dans le domaine de la publicité telles que rapportées par Grine de par son expérience. Le traitement de chiens qu’il faut vivre avec selon le principe de s’accrocher à la bonne branche. Et puis, tout est argent et deals commerciaux après tout. C’est la logique dominante et il n’y a pas lieu de s’encombrer des principes pour la condamner. Pis. Il ne faut jamais penser à se retirer, il faut avancer sur cette voie car s’arrêter signifie qu’on a échoué.
L’image de l’échec est terrifiante, telle que vécue par Grine et telle que décrite sur la page 18: « Tu peux être un génie. Une star de la créativité, mais si par malchance trois ou quatre de tes campagnes publicitaires échouent, ta valeur commerciale recule. Si ça continue, tu seras sans valeur. Tu es évalué selon l’appréciation de l’annonceur sur tes créations. J’ai vu des créatifs complètement détruits suite au refus de leurs campagnes. Leur statut dévalué et ils étaient sur le point de partir. Le monde de la pub est un monde sans pitié ».
Celui qui a ramené Grine au ministère de la Communication a-t-il lu ce livre? Ou cet article précisément? J’en doute fortement. Mais ce qui est certain, il a eu l’occasion de connaître sa personnalité pour lui affecter le rôle qu’il joue aujourd’hui: faire de la presse un monde semblable au monde sans pitié de la publicité. N’utilise-t-il pas la publicité pour mettre fin au rôle de la presse? Il le fait avec un mandat explicite du clan au pouvoir. Et il considère la chose, avec un langage de communication acceptable, quand il lie ce qui se passe avec une crise économique due à la chute du prix du baril.
Ce n’est pas tout car Grine a été ramené sur ce fond pour promouvoir un discours officiel que personne ne peut promouvoir, pour faire du bâillonnement une marchandise commercialisable sous le slogan de la professionnalisation et de l’éthique professionnelle. C’est ce qui lui donne une valeur commerciale qui préserve ses chances au gouvernement. Il n’a rien à perdre, et il ne peut pas reculer car il n’a pas envie de se retirer.
Grine traite les journalistes comme il a été traité par ses supérieurs. Il a dégainé l’arme de la pub. Il se comporte avec les patrons d’aujourd’hui comme il a été subjugué par les patrons d’hier même si le traitement mérite la description « de chiens » qu’il a employé. Ça explique l’audace du ministre dont le nom sera retenu par l’histoire, mais dans quelle case? La réponse est reportée pour le moment.
PS: Dans l’ère Grine, on ne peut publier ce texte que sur Facebook!
(*) Ce texte a été publié initialement sur le Huffington Post Algérie, qui l’a repris de la page Facebook de l’auteur où il avait été publié en arabe.