Sera-t-il libéré ? A deux jours du verdict du procès de Ihsane El Kadi, directeur du pôle éditorial de Radio M et Maghreb Emergent, ses nombreux confrères et ses soutiens à travers le monde caressent l’espoir de le voir recouvrer sa liberté.
Un espoir d’autant légitime que lors du procès en appel, la dizaine d’avocats de la défense ont réussi à démontrer la vacuité du dossier et les multiples violations qui ont entaché son dossier depuis son arrestation jusqu’à son procès en première instance.
Le journaliste a été arrêté la nuit sans présentation des charges retenues contre lui. Le lendemain de son arrestation, la mise sous scellés des bureaux d’Interface Médias s’est faite sans qu’aucune autorisation du procureur n’ait été présentée.
« Les scellés des locaux d’Interface Médias ont été apposés sans décision de justice », a expliqué Me Zoubida Assoul. « Son arrestation est arbitraire et le procès-verbal d’audition du 24 décembre est caduc car ne comportant ni date, ni durée, ni accusation », a relevé pour sa part, Me Abdellah Heboul.
Et contrairement à ce que voulait accréditer l’accusation et relayée par ses contradicteurs, un prétendu financement étranger, il semble qu’au regard du procès en appel c’est plutôt la web radio qui dérangeait les autorités, comme en témoigne les propos du procureur.
Il a évoqué la « jeunesse » de l’État algérien et le danger que pourrait constituer la presse si elle est « négativement orientée », ainsi que « l’obligation de l’intervention des autorités dans une telle situation ». Pour étayer son propos, il cite l’exemple du rôle de la presse et son soutien à l’invasion de l’Irak.
Ces propos du procureur n’ont pas échappé aux avocats de la défense qui, tour à tour, ont pointé du doigt les raisons cachées de l’arrestation de Ihsane El Kadi.
« Cette poursuite est un acharnement, car tout simplement le contenu de Radio M qui est la voix du peuple dérange » a affirmé Me Fetta Sadate.
« Ihsane El Kadi est poursuivi pour la quatrième fois parce qu’il a ouvert ses médias aux débats », soutient-elle.
« Radio M est une institution médiatique qui a décidé seule de pratiquer la Constitution en assurant le droit à l’information », a expliqué de son côté Me Nabila Smail.
Concernant le prétendu financement, le procureur a simplement dit « qu’il s’agit d’un volet purement technique », sans détailler, en dépit de l’absence de preuves matérielles.
« C’est une honte qu’on ramène quelqu’un et qu’on l’accuse de chefs d’inculpation dont la peine est de sept ans de prison ferme, et on lui dit qu’il a reçu un financement de l’étranger pour faire de la propagande politique, et qu’on ne mentionne aucun fait précis » a soutenu Me Abddelghani Badi.
« Il faut dépolitiser ce procès, il faut se conformer à la Loi, il n’y a aucune preuve matérielle pouvant étayer les accusations de financements », reprend Me Heboul.
Comme pour Khaled Drareni ou encore Rabah Kareche pour ne citer que ces deux exemples, la détention de Ihsane El Kadi est liée à bien des égards à son travail de journaliste comme l’ont relevé unanimement ses avocats mais aussi ses soutiens qui ont appelé à sa libération.
« Le journaliste Ihsane El Kadi est en prison parce qu’il refuse de se soumettre aux pressions de ceux qui gouvernent le pays et qui voudraient faire de lui un journaliste de contrefaçon. », ont écrit récemment des personnalités célèbres comme Noam Chomsky et le réalisateur anglais Ken Loach.
Ces grands intellectuels de divers horizons qui ont signé une lettre ouverte au président algérien, Abdelmadjid Tebboune, ont également noté que Ihsane El Kadi qui « est accusé d’avoir trahi son pays », a « au contraire, chevillé l’amour de cette terre à son travail de journaliste indépendant ».
Pour beaucoup d’observateurs, la détention du journaliste, ciblé auparavant par d’autres accusations, ne cache à vrai dire qu’une volonté d’étouffer ses médias dont le seul tort est de donner la voix aux sans voix et de s’ouvrir au débat contradictoire. Reste maintenant à savoir si justice lui sera rendue lorsqu’on sait que dans ce genre de dossiers, il y’a souvent des interférences politiques. Lors du procès en appel, le procureur avait requis l’aggravation de la peine contre Ihsane El Kadi.