Lors de son passage à l’émission l’Entretien de Radio M, la webradio de Maghreb Emergent, Toufik Hamel, chercheur en histoire militaire et études de défense, également membre du comité de lecture de la revue Géostratégique, exprime son scepticisme quant l’aboutissement et l’applicabilité de l’accord sur le nucléaire iranien.
Conclu le 2 avril entre les grandes puissances et l’Iran, l’accord-cadre sur le nucléaire iranien « dépasse largement la question du nucléaire en soi », estime Toufik Hamel. Pour lui, si cet accord sera maintenu, « nous assisterions à un bouleversement des alliances dans la région, notamment celles concernant les pays arabes –qui ont peur- et Israël qui -s’y oppose- ».
Pour ce spécialiste des questions militaires, « les iraniens sont en train de négocier leur place au sein du Moyen Orient, et il se pourrait qu’une place centrale leur soit réservée ». Dans cette nouvelle configuration qui se dessine, quelle sera la place de l’Arabie Saoudite et de l’Egypte ? M. Hamel pense que les pays arabes et Israël sont dans le même camp, à tel point que l’Etat hébreu « se montre de plus en plus ouvert à la vente des armes américaines pour les pays arabes, à leur tête l’Arabie Saoudite ».
Sur la question du nucléaire en soi, l’invité de Radio M rappelle que les pays en voie de développement qui ont commencé à développer l’énergie nucléaire à partir des années 60, dont l’Algérie, l’ont fait «pour répondre à leur demande énergétique tout d’abord, puis pour aller vers le développement de l’arme nucléaire qui n’est pas en contradiction avec le traité de non-prolifération ». Et de préciser que « les Iraniens ont suivi exactement ces mêmes démarches ».
L’Iran n’a donc pas contrevenu aux conventions internationales
L’Iran n’a donc pas contrevenu aux conventions internationales en la matière. Simplement, son émergence en tant que puissance régionale aurait un effet psychologique sur tous les chiites habitants les pays arabes, et qui sont, pour la plupart d’entre-eux, marginalisés. « Cela encouragerait les chiites à s’émanciper », a opiné le spécialiste des questions militaires qui ne croit pas au caractère ethnique ou communautaire de ces conflits tel qu’on les présente. « Ces conflits ne sont, en effet, qu’une guerre pour l’accession aux ressources naturelles de la région », a-t-il déduit.
Relevant la contradiction de la politique américaine- qui tient d’un coté un discours contre la prolifération des armes nucléaires, mais qui, en réalité, a aidé l’ Israël, l’Inde et le Pakistan à développer leurs armes nucléaires-, M .Hamel doute de la volonté des Américains d’aller jusqu’au bout de la signature de cet accord prévu le 30 juin prochain.
« Je doute que cet accord soit respecté », a-t-il lancé. Et d’expliquer : « Il suffit juste d’observer l’opposition des Républicains et même de beaucoup de Démocrates du Congrès américain ». A ce facteur intra-Congrès, Toufik Hamel ajoute celui de « l’implication des autres alliés régionaux des Etats-Unis, comme Israël, les pays du Golfe notamment ». Car, « l’intervention militaire des Saoudiens et leurs alliés au Yémen n’est que l’une des premières réactions à cette signature du pré- accord nucléaire », a-t-il encore expliqué.
L’Arabie saoudite va chercher à développer l’arme nucléaire
L’invité de la webradio pense, par ailleurs, que l’Arabie Saoudite emboitera le pas à l’Iran et cherchera à développer son propre armement nucléaire, tout comme d’autres voisins du Golfe et même l’Egypte. Il cite, dans ce sens, « des échanges très tendus entre des sénateurs américains et des responsables saoudiens, qui menaçaient de développer leurs capacités nucléaires militaires au cas où on permettrait à l’Iran de le faire ». M. Hamel rappelle aussi que le Bahrein et les Emirats ArabesUnis, ont déclaré publiquement qu’ils iront dans le cas échéant, vers le développement leurs capacités nucléaires et militaires. L’Egypte pourrait faire de même.
Pour lui, le choix d’un pays de développer son armement nucléaire obéit à des facteurs sécuritaires et non pas à sa possession de compétence ou de savoir-faire. « En termes techniques, ce qui distingue le civil du militaire dans le développement du nucléaire au sein d’un pays, c’est une question d’enrichissement. Mais dans le fond, c’est une question politique. Car, on peut avoir les capacités et le savoir-faire sans développer l’arme nucléaire. C’est le cas, par exemple de l’Allemagne et du Japon », a-t-il expliqué.
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