La pomme de terre est à cent dinars le kilo, malgré l’aide de l’Etat. Ce qui pousse M. Fouad Chehat, directeur de l’Institut national de recherche agronomique (INRA), à préconiser une refonte du système de l’Etat.
Fouad Chehat tord le cou aux idées reçus. Le directeur de l’institut national de recherche agronomique (INRA) estime que l’Algérie n’a pas forcément besoin d’augmenter ses surfaces agricoles, ni d’envisager des rendements très élevés pour améliorer sa balance agricole. Au cours d’un débat à la radio, M. Chehat a estimé qu’il suffit pour le moment d’aller à un rendement de 30 quintaux à l’hectare, contre 17 actuellement, pour améliorer considérablement la production algérienne de céréales. C’est un objectif « raisonnable », a-t-il dit. Selon lui, il est inutile de brandir comme objectif des rendements de 60 ou 70 quintaux à l’hectare, qui « ne seront jamais atteints ».
Dans le même registre, il estime que l’Algérie n’a pas besoin d’augmenter considérablement les superficies cultivées, mais de travailler sur les rendements, et sur une rationalisation de la production. Selon lui, les 8,5 millions d’hectares, qui représentent pourtant à peine 3,5% du territoire algérien, peuvent suffire pour approcher l’équilibre de la balance alimentaire de l’Algérie. Pour cela, il faut « revoir les mécanismes d’aide et le niveau de soutien, pour les adapter aux vraies situations sur le terrain ».
L’objectif du ministère de l’agriculture de passer de 350.000 à 600.000 hectares de céréales irriguées n’exige pas seulement d’importants investissements, mais impose aussi des révisions dans les modèles d’aide et de gestion de l’agriculture. Cela dépendra d’abord de la disponibilité de l’eau, car « il faudra aller dans de nouvelles régions, où il n’y a pas de barrages », selon M. Chehat. Il faudra donc mobiliser de la ressource, y compris par de grands transferts.
Méthodes dépassées
Dans le même temps, il faudra avoir le souci d’une utilisation « rationnelle et intelligente » de cette eau, issue d’une « ressource non renouvelable », la nappe albienne, qui s’étend sur de vastes superficies au Sahara central et oriental. Selon M. Chehat, il faut aussi « modifier l’ensemble des mécanismes pour réguler les filières ». Il critique les mécanismes actuels, qui « réduisent le coût pour le consommateur, mais n’encouragent pas la production nationale ». Il déplore que ces mécanismes n’aient « pas du tout découragé les importations », tout en « induisant d’énormes gaspillages ».
Il s’en prend aussi aux méthodes traditionnelles et aux campagnes inefficaces contre le gaspillage. « Je ne crois pas aux campagnes de sensibilisation. Ce ne sont pas les méthodes les plus valables », a t-il dit, affirmant sa préférence pour « les moyens économiques ». De même, il a critiqué la méthode de contrôle du marché de la pomme de terre, même si le principe de départ était bon. « Il faut utiliser les moyens de son temps », a t-il déclaré.
Il a cité l’exemple précis de la pomme de terre, à travers le système Cyrpalac (garantie d’un prix minimum au producteur), affirmant que « l’objectif est bon, les mécanismes de régulation non ». Il en conclut qu’il « faut garder le principe, et réviser le mécanisme ». Les mécanismes mis en place à travers le système Cyrpalac ont donné des résultats encourageants, en favorisant la production. Cela a même donné lieu à une surproduction.
Le prix du pain « indécent »
Mais le système a rapidement produit de graves dérives. Au lieu de soutenir les producteurs, il est devenu un moyen de contrôle du marché par des propriétaires de chambres froides. « Il faut augmenter les capacités de froid, et avoir le courage de revoir la mécanique mise en place », en révisant notamment « les prix, les procédures et le suivi du déstockage », selon M. Chehat.
Sur la question des subventions, M. Chehat a un point de vue tranché. Il a déclaré trouver « indécent de vendre le pain au prix actuel, pour le donner ensuite aux poulets et aux vaches ». Selon lui, c’est « le prix le plus bas au monde ». Pour lui, l’Algérie a choisi « les subventions à la consommation et pas à la production, ce qui constitue un handicap certain pour le développement d’une production nationale agricole ».
Autre terrain sensible, celui des semences. Seule le secteur de la pomme de terre connait un programme en mesure d’atténuer la dépendance. « Pour le reste, on reste totalement dépendant », déclare M. Chehat.