Jean-Michel Mas, un expert de la Banque Mondiale, plaide pour le développement du partenariat public-privé. Mais le PPP « ne substitue pas au manque de ressources budgétaires ».
En période de vaches maigres, le gouvernement cherche des alternatives à la baisse des ressources financières de l’Etat. Le partenariat public-privé, vulgarisé sous le sigle PPP, est souvent perçu en Algérie comme une partie de la solution. Mais les conditions de son développement ne semblent pas réunies en Algérie, selon les observations relevées lors d’une rencontre organisée mercredi à Alger par le réseau Care (Réseau d’action et de réflexion sur l’entreprise).
Jean-Michel Mas, expert de la Banque Mondiale, a présenté les conditions générales entourant ce type de projet. Il s’agit, dans la plupart des cas, de ce qui relève en Algérie de la gestion déléguée ou du contrat de management, pour mieux gérer un service public ou réaliser un projet dans des délais rapides. Cela peut s’étendre à un financement du projet par des entreprises privées, avec une participation de banques, qui seront rémunérées directement ou pourront bénéficier de l’exploitation du projet pendant une longue durée.
Contrairement aux idées reçues, « l’Etat reste présent » dans le projet, « il n’y a pas de détérioration du service », et l’opération est au bout du compte « profitable malgré les coûts », grâce notamment à l’efficacité du privé, selon Jean-Michel Mas. Une étude britannique a montré que70% des projets réalisés en PPP l’ont été sans surcoûts, contre seulement 27% dans les marchés traditionnels. Les délais sont également respectés dans 70% des cas contre 30%. Il met toutefois en garde : le montage du projet « doit provenir de l’administration ». Quand ça vient du privé, « c’est louche », dit-il.
La phase de préparation, « cruciale »
Le PPP est considéré comme une solution en période de récession, lorsque l’Etat manque de ressources financières. Mais cette formule « ne substitue pas au manque de ressources budgétaires », affirme Jean-Michel Mas. Ceci va clairement à l’encontre de ce qu’espère le gouvernement algérien, soucieux d’abord de pallier à l’insuffisance des ressources budgétaires à la suite de la chute brutale de la fiscalité pétrolière.
Autre difficulté, la phase la plus délicate est celle de la préparation du projet. Elle est « longue et coûteuse, souvent négligée de la part de l’administration », selon Jean-Michel Mas, qui invite précisément à « faire l’effort sur cet investissement initial », en insistant notamment « sur les ressources juridiques et financières à mobiliser dans cette phase ».
La capacité managériale de l’administration algérienne est particulièrement limitée. Celle-ci est manifestement incapable d’accompagner des projets aussi complexes, comme le montrent les scandales entourant la réalisation de l’autoroute est-ouest et les grands contrats signés par Sonatrach.
Un marché de capitaux
Le développement du PPP exige aussi « un marché des capitaux vigoureux pour mobiliser les financements nécessaires ». Dans les pays du sud, la présence des bailleurs de fonds internationaux est « largement requise » pour la réussite des opérations, mais au départ, il faut que les banques locales aient préparé le terrain.
Par ailleurs, le spécialiste a évité d’évoquer un volet délicat, celui des arbitrages et de l’environnement légal. Ce type de projet donne lieu à de grands transferts d’argent, souvent source de corruption, en l’absence de transparence, de bonne gouvernance et d’institutions solides. Au vu du fonctionnement de l’économie algérienne, le terrain est particulièrement favorable aux dérapages.
Faut-il faire adopter une loi spécifique pour encadrer le partenariat public privé? Cela dépend de chaque pays, et du nombre de projets envisagés, répond Jean-Michel Mas. Il note toutefois que les pays qui ont adopté des lois l’ont fait après quelques expériences, pour bien cerner la question.