Mouloud Hedir, qui était hier l’invité de Radio M, estime que les derniers chiffres publiés sur les performances du commerce extérieurs algérien constituent des signaux d’alerte. Eclairant la signification du déficit commercial enregistré, pour la première fois par notre pays depuis de nombreuses années, au 1er trimestre 2014, il relève que « contrairement à nos voisins marocains ou tunisiens qui peuvent se permettre un déficit commercial, notre balance des services est structurellement déficitaire ».
Pour l’Algérie un fort déficit commercial en fin d’année va se doubler d’un déficit important de la balance des services et des mouvements de capitaux. Le consultant en commerce extérieur, Mouloud Hedir en veut pour preuve les récentes prévisions du FMI qui « passant outre à sa prudence habituelle annonce pour notre pays, au titre de l’année 2015 ainsi que pour l’année prochaine, des déficits de la balance des paiements supérieur à 20 milliards de dollars qui vont réduire sensiblement nos réserves de change ».
Rien n’est fait pour contrôler les dépenses publiques de fonctionnement
Pour l’ancien directeur général du commerce extérieur, «ces chiffres traduisent une situation financière difficile et on aurait dû tirer la sonnette d’alarme ». « Le gouvernement n’a pas pris suffisamment la mesure de la tourmente qui s’annonce », a-t-il constaté. Et d’afficher son scepticisme à l’égard des mesures prises ou annoncées par le gouvernement au cours des derniers mois : « On n’a rien fait sur le budget de fonctionnement et on a même déjà reculé dans ce domaine par rapport aux décisions annoncées sur le gel des recrutements et le blocage des salaires ». Mouloud Hedir craint en réalité que « le plus gros de la réduction des dépenses de l’Etat soit supportées par les dépenses d’équipement qui est le seul domaine dans lequel le gouvernement pense disposer encore d’une marge de manœuvre ».
L’échec des mesures de 2009
La mise en œuvre de « mesures éparses » comme les restrictions des dernières semaines sur les importations de véhicules ou l’instauration prévue de licences d’importation pour les produits pesant le plus sur la balance commerciale inspire également une grande réserve au spécialiste algérien qui rappelle qu’ « on a déjà vu ça en 2009 avec des résultats très décevants et qui n’ont pas empêché les importations de continuer à augmenter très rapidement ». « La politique du commerce extérieur, ce n’est pas quelque chose dont on discute tous les matins. Nous n’avons aucune espèce d’évaluation. Il nous faut une stratégie globale, un plan de route qui s’appuie sur un système de pilotage inexistant à l’heure actuelle », a expliqué M.Hedir. Selon lui, si ce système de pilotage vient à exister, ce sera un « cabinet secret qui décide de ces questions ».
« La règle du 51/49 est absurde »
La politique du commerce extérieur que Mouloud Hédir appelle de ses vœux devrait de son point de vue affronter deux problèmes majeurs. « Il faut d’abord regarder ce qui se passe en amont et fixer des objectifs en matière de réduction des dépenses budgétaires sans toucher aux investissements », a-t-il recommandé. Ensuite, le climat des affaires doit également être réformé profondément. Mouloud Hédir juge en particulier « absurde » la règle 51/49. « N’importe qui peut importer, n’importe quoi en créant une société avec quelques dizaines de milliers de dinars mais quand il s’agit d’investir dans le pays et de produire les mêmes articles en Algérie on impose, sans discrimination et dans tous les secteurs, des règles qui sont complètement dissuasive pour la plupart des investisseurs ». En guise de résultat de cette politique, l’expert algérien cite les chiffres de la CNUCED : « Le stock des IDE représente chez nous 12% du PIB contre 19 % en Libye, 34 % en Egypte et plus de 60% en Tunisie ».
Pour des politiques commerciales actives
La gouvernance algérienne doit également élaborer des « politiques commerciales extérieures actives qui tiennent compte de l’état actuel de notre appareil productif et de nos choix stratégiques sur son développement futur ». Mouloud Hedir cite l’exemple du secteur du médicament ou une telle politique « a donné des résultats positifs » avec des investissements importants et une croissance de la production de 17% ces dernières années. « Pourquoi seulement le médicament ? » interroge- t-il. « On voit depuis plus de 10 années la facture des importations de véhicules gonfler inexorablement ; Elle dépasse actuellement les 7 milliards de dollars par an ; Qu’est ce qu’on a fait de vraiment significatif pour développer l’industrie mécanique locale ? ».
Le container importé coûte 45% plus cher en Algérie
Autre exemple particulièrement illustratif de cette absence de politique commerciale active. « Il y a un rapport, commente ironiquement Mouloud Hedir, qui s’appelle le Doing Business. Il signale chaque année que le coût du container importé par l’Algérie revient 45% plus cher en devises que dans les pays voisins. C’est une situation qui dure depuis 15 ans. Pourquoi ? C’est un véritable scandale. Dans tous les pays du monde, il y a un pavillon national dont le rôle essentiel est justement de faire jouer les coût du fret à la baisse. Personne ne semble se poser cette question. Je me demande ce qu’on fait dans certains ministères …. ». En matière d’infrastructures, ajoute M. Hedir, « on a dépensé des centaines de milliards de dollars depuis 15 ans mais on a oublié de moderniser nos ports qui datent du 19ème siècle. Nous avons besoin de 2 ports de taille mondiale ; les délais de transit des marchandises sont encore chez nous de près de 30 jours, aux frais des producteurs algériens, alors qu’ils ne dépassent pas 2 jours dans la plupart des pays du monde ».
Extraits vidéo : http://bit.ly/1G6zBma
Ecouter l’émission :