En matière de stratégie d’industrialisation, l’Algérie est trop tournée vers l’Union Européenne et ne prend pas assez cas de l’expérience des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), estime l’économiste Alexandre Kateb, maitre de conférences à Science Po Paris et spécialiste des économies émergentes.
C’est le premier constat fait par l’invité du « Direct » de Radio M, la web-radio libre de Maghreb Emergent, également présent à Alger pour la Conférence sur le développement économique et social, dédiée à la relance du tissu industriel en Algérie. « Il y a une forte effervescence parmi les décideurs publics et privés algériens, mais on reste quand même sur notre faim en matière d’annonce d’une réflexion stratégique, » regrette Alexandre Kateb. « Il y a certes une prise de conscience concernant le problème de la diversification économique mais il y a comme une impression que cela tourne en rond, qu’il n’y a pas de vision de ce que sera l’Algérie dans 20 ou 30 ans, » explique l’économiste, qui est également directeur du cabinet-conseil Compétence Finances.
Alexandre Kateb considère que l’Algérie est trop orientée vers l’Europe, de par sa proximité et l’accord d’association qui lie le pays avec l’UE, « alors qu’elle devrait s’inspirer des expériences qui ont fait des BRICS et certains pays comme la Malaisie et l’Indonésie des puissances émergentes, » estime le jeune expert franco-algérien. « Il faut d’abord avoir une vision, une stratégie et ensuite la décliner de manière pragmatique, car ce qu’a fait l’Indonésie est différent de ce qu’a fait la Chine, » a-t-il dit.
Une économie « droguée à l’importation »
L’analyse de l’économie algérienne développée par Alexandre Kateb n’est pas différente du constat de la plupart des experts algériens et étrangers. « L’économie est droguée à l’importation (…) cela crée une accoutumance car il est plus facile d’importer que de produire, » a-t-il dit. Mais le « sevrage » devrait intervenir rapidement car la balance commerciale sera déficitaire dans les prochaines années avec un prix du baril en chute libre et une production d’hydrocarbures en déclin, avertit l’expert. « Il y a urgence à revenir à plus de pragmatisme, à débureaucratiser l’économie et améliorer l’attractivité pour les investissements, » préconise l’économiste. « C’est ce qui a permis aux Brics de s’insérer dans une économie mondiale libéralisée, de devenir des puissances émergentes, » poursuit-il.
Priorité à l’épargne locale sur les IDE
Selon Alexandre Kateb, les investissements directs étrangers (IDE) ne sont pas le principal levier dans les processus d’industrialisation, comme cela a été observé dans de nombreux pays émergents. « L’investissement étranger a été secondaire mais certes essentiel, en particulier pour le transfert de technologie et l’amélioration de la productivité car il a eu un effet d’entrainement sur les entreprises locales, » estime l’économiste. « Mais toutes les réussites en matière d’industrialisation ont reposé sur la mobilisation de l’épargne nationale, » dit-il avec insistance.
Alexandre Kateb a déploré le « laxisme » qui a caractérisé la signature des gros contrats d’équipements publics dans les domaines de l’aéronautique et de la Défense qui auraient pu donner naissance à un tissu de PME industrielles en Algérie, grâce notamment à la clause dite « offset programme » comme cela s’est fait dans plusieurs pays à travers le monde. « A cause de la crise mondiale, les fournisseurs sont prêts à faire toutes les concessions possibles en matière de transfert de technologies pour avoir des marchés, » explique l’économiste, qui se réjouit tout de même que des groupes publics comme Sonelgaz et Ferovial aient amené l’américain General Electric et le français Alstom à investir en Algérie dans le montage des équipements importés. « Ce sont de bons exemples à reproduire, » a-t-il dit.
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