L’Arabie Saoudite vient, donc, de rentrer dans le livre des records, en procédant à la plus importante opération obligataire pour un pays. Le Royaume vient en effet de lever plus de 17,5 milliards d’euros, sur les marchés. Un emprunt qui a généré un vrai rush des investisseurs internationaux puisque le carnet d’ordre a atteint 64 milliards d’euros. Autrement dit, Riad aurait pu lever, bien plus d’argent, tant son emprunt a convaincu le marché.
Arguments convaincants
La presse financière internationale s’est penchée sur les raisons de ce succès. Pour elle, il y a d’abord le fait que l’Arabie saoudite demeure une valeur sûre et un emprunteur solvable comme en témoigne le AA- dont la gratifie l’Agence ‘Fitch’.
Poids lourd de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), le pays dispose de confortables réserves de change (plus de 400 milliards de dollars) sans oublier que son sous-sol recèle de plusieurs centaines de milliards de barils d’hydrocarbures conventionnels et non conventionnels. Autrement dit, le risque que cet emprunteur fasse défaut à l’avenir a été jugé faible. Or, on le sait, les marchés adorent prêter aux riches…
L’autre explication met en exergue la réussite du plan de communication ayant précédé l’opération. De Londres à New York, en passant par Singapour et Tokyo, ce « road show » a mené de jeunes cadres saoudiens, dans toutes les grandes places financières du monde. Et à chaque fois, le message a été le même.
L’Arabie saoudite a besoin d’argent, non pas parce que les cours du brut ont baissé et que cela aggrave son déficit budgétaire, mais parce qu’elle a besoin de fonds pour financer ses réformes structurelles.
La « story » vendue est désormais connue : Riad a décidé de tourner la page de la dépendance au pétrole et s’engage dans la diversification économique avec de nouvelles pratiques de gestion des dépenses publiques.
Libéralisation, baisse des subventions diverses, privatisations à venir, refonte de l’environnement législatif pour l’investissement : les représentants saoudiens ont servi le discours que les investisseurs – et l’hebdomadaire The Economist – adorent entendre.
Ont-ils raison d’être confiants ? La question mérite d’être posée. Visiblement, les prêteurs n’accordent que peu d’intérêts aux interrogations concernant l’avenir de la monarchie des Saoud, dans la situation géopolitique que l’on sait.
Dans un contexte où la succession future du roi Salmane alimente nombre de scénarios, les investisseurs ont donc tranché : pour eux, il y aura continuité et le plan de diversification à 2000 milliards de dollars, vanté par le vice-prince héritier Ben Salman (MBS) est pérenne.
L’avenir dira si ce pari était fondé mais, quoi qu’il arrive, on sait, aussi, que les marchés récupèrent toujours leur mise, quelle que soit la manière, pour eux, d’y arriver.
Qui parle du Yémen ?
Il y a, enfin une question fondamentale qui aura échappé aux souscripteurs et qu’aucune campagne menée par les « opinions publiques » n’aura mise sur la table. Il s’agit, bien sûr, de la guerre au Yémen, menée par les troupes et l’aviation saoudienne.
L’idée que les fonds levés puissent financer ce conflit dévastateur pour les populations civiles yéménites n’a pas constitué d’obstacle majeur pour la levée de fonds. Elle aurait dû être, pourtant, au cœur du débat pendant le « road show » car, qu’on le veuille ou non, les investisseurs qui ont prêté leur argent à Riad sont, désormais, impliqués dans ce conflit et porteront une responsabilité quant à sa persistance.