L’Arabie saoudite a présenté lundi un ambitieux programme de réformes visant à mettre fin à l' »addiction » du royaume au pétrole et à transformer celui-ci en puissance financière mondiale.
Le vice-prince héritier Mohammed ben Salmane a expliqué que Ryad voulait plus que décupler les capitaux alloués à son fonds d’investissement souverain, pour les porter à 7.000 milliards de riyals (1.650 milliards d’euros) contre 600 milliards aujourd’hui. Pour ce faire, l’Etat prévoit notamment de vendre jusqu’à 5% du capital du géant pétrolier public Aramco.
Le plan qu’il a détaillé inclut aussi des réformes visant à faire évoluer les structures sociales de ce royaume ultra-conservateur, par exemple en favorisant le travail des femmes et en améliorant le statut des travailleurs étrangers.
« Nous avons développé une sorte d’addiction au pétrole en Arabie saoudite », a dit le prince Mohammed dans un entretien télévisé à la chaîne Al Arabiya, qui appartient à la famille régnante, ajoutant que Ryad devait rompre sa dépendance aux revenus de l’or noir.
Avant même la chute des cours du baril à partir de la mi-2014, économistes et analystes jugeaient les structures économique et budgétaire saoudiennes intenables à long terme. Mais la chute des revenus pétroliers depuis un peu moins de deux ans a exacerbé ces difficultés.
Le déficit budgétaire du royaume a ainsi atteint 367 milliards de riyals l’an dernier, soit 15% du produit intérieur brut (PIB) et le budget 2016 prévoit un déficit de 326 milliards.
Au centre du plan « Vision 2030 » dévoilé lundi figure la restructuration du fonds souverain PIF (Public Investment Fund), appelé selon le prince Mohammed à devenir le noyau des investissements internationaux saoudiens, entre autres en levant des fonds par le biais de la vente d’actions Aramco.
« Nous avons restructuré le fonds. Nous avons intégré de nouveaux actifs dans le fonds, Aramco et d’autres actifs, et résolu les problèmes des actifs actuellement détenus par le fonds public d’investissement, à la fois en termes d’entreprises et de projets », a-t-il dit.
« vivre sans pétrole » d’ici 2020
« Selon les données initiales, le fonds contrôlera plus de 10% des capacités d’investissement globales. » Pour préparer sa privatisation partielle, Aramco sera réorganisé en holding du secteur énergétique et le prince a estimé que l’ensemble devrait être valorisé 2.000 milliards de dollars, ajoutant que jusqu’à 5% du capital seraient vendus dans le cadre d’une introduction en Bourse.
Aramco, fort des énormes réserves pétrolières du royaume, bénéficie d’une valorisation telle que même la mise sur le marché de 1% de son capital constituerait la plus importante introduction en Bourse jamais réalisée, a-t-il ajouté.
Il a précisé que plusieurs filiales d’Aramco devraient être introduites en Bourse, tout comme d’autres entreprises publiques, en soulignant que ces opérations permettraient d’améliorer la transparence des comptes de ces sociétés et de limiter la corruption.
Le prince Mohammed, âgé de 31 ans, a bénéficié d’une ascension éclair au sein du pouvoir saoudien depuis que son père est monté sur le trône il y a 15 mois. Peu connu jusqu’alors, il est considéré aujourd’hui comme l’un des principaux promoteurs de la transition de l’Arabie saoudite vers l’après-pétrole.
Il a précisé lundi vouloir porter la part du secteur privé dans l’économie de 40% à 60%, ramener le taux de chômage de 11% à 7,6% et porter les revenus non-pétroliers à 1.000 milliards de riyals contre 163 milliards aujourd’hui, mais n’a pas précisé par quels moyens.
Le plan « Vision 2030 » prévoit aussi de faire passer de 22% à 30% la part des femmes exerçant une activité professionnelle, une proportion qui a déjà nettement augmenté ces cinq dernières années.
Il prévoit par ailleurs l’instauration d’ici cinq ans de « cartes vertes » permettant aux étrangers arabes et musulmans de vivre et de travailler durablement dans le pays.
La Bourse de Ryad a effacé ses pertes après ses annonces et gagnait 2,53% en clôture. « Je pense que d’ici 2020, si le pétrole s’arrête nous pourrons survivre », a dit le prince Mohammed, expliquant que le plan était fondé sur l’hypothèse d’un baril à 30 dollars. « Nous en avons besoin, c’est un fait, mais je pense qu’en 2020 nous pourrons vivre sans pétrole. »