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Algérie

L’architecte Halim Faidi sur Radio M : « On a construit beaucoup d’infrastructures mais on a oublié les gens »

Par Yacine Temlali
avril 13, 2016
L’architecte Halim Faidi sur Radio M : « On a construit beaucoup d’infrastructures mais on a oublié les gens »

Halim Faidi éprouve une véritable nostalgie pour les années 1970. Une époque où l’Algérie disposaient « d’institutions, d’entreprises et de méthodes d’urbanisme en phase avec le développement du monde ». A l’image du «COMEDOR qui était un sorte de conseil interministériel se réunissant une fois par mois pour tracer les grandes lignes du développement urbanistique de la capitale ».

 Pour l’architecte et urbaniste Halim Faidi, qui était mardi 12 avril l’invité de Radio M, le bilan des années Bouteflika sur le plan de l’architecture et de l’urbanisme, « c’est à la fois des choses réussies et des choses ratées » : « On a construit beaucoup d’infrastructures mais on s’est peu intéressé à l’humain. On a oublié les gens. » L’exemple le plus emblématique de cette démarche est celui de la construction des cités à la périphérie des grandes villes : « Un modèle qui est en train de tomber », selon lui.

Halim Faidi déplore la construction de cités dortoirs à un rythme effréné. Une « production industrielle dénuée d’architecture » : « Le logement type social ne s’intéresse pas aux gens, à l’humain. Il se contente de faire du chiffre.C’est un modèle qui naît au ministère des Finances, qui cadre et définit des prix au mètre carré et attribue des budgets qui atterrissent au ministère de l’Habitat. Il n’y a qu’un certain type de projets qui rentre dans les gabarits définis de cette manière. »

 

« Construire de nouveaux quartiers et pas des cités-dortoirs »

 Quelle alternative ? Selon Halim Faidi, « l’urbanisme est au service de la société. Si la ville est malade la société tombe aussi malade, et inversement ». Dans la construction des cités d’aujourd’hui,les espaces extérieurs sont abandonnés et les logements sont dénués de toutes commodités : « Il ne s’agit pas de construire des cités-dortoirs mais de nouveaux quartiers. »Il faut construire de nouvelles villes autours des villes plus anciennes.

En même temps, la mise en œuvre de quelques projets de « villes nouvelles » n’échappe pas à la critique de l’architecte algérien : « Elles ont, le plus souvent, été confiées à des bureaux d’études coréens ou libanais, on ne s’est pas inspiré de nos standards architecturaux, type ksar, casbah ni même ville moderne type XIXème siècle. On a préféré générer des modèles bâtards, conçus in vitro à l’étranger dans les laboratoires d’entreprises de construction. »

 

« Revenir à la planification urbaine »

 Adepte de la planification urbaine, Halim Faidi éprouve une véritable nostalgie pour les années 1970. Une époque où l’Algérie disposait « d’institutions, d’entreprises et de méthodes d’urbanisme en phase avec le développement du monde ».Les années 1980 ont été marquées par la perte de ces institutions, deces méthodes et de ces instruments d’urbanisme. A l’image du «COMEDOR qui était un sorte de conseil interministériel se réunissant une fois par mois pourtracer les grandes lignes du développement urbanistique de la capitale ».

Aujourd’hui «la relation verticale entre le politique et le technique a été perdue. Le pouvoir réel en matière d’architecture et d’urbanisme est exercé par une couche intermédiaire de fonctionnairesinstallés dans les wilayas, les wilayas déléguéeset les daïras ». Il s’agit dereprendre le fil de la stratégie :« On savait faire des choses dans les années 1970 qu’on ne sait plus faire aujourd’hui. »

 

Un « manque de continuité » pour le plan Alger 2030

 Le plan pour le développement d’Alger à l’horizon 2030 n’est- il pas, justement, un exemple de ce retour de la planification stratégique dans le développement de la ville ? Peut-être,semble concéder Halim Faidi, qui est loin d’approuver tous les aspects de ce plan d’urbanisme qui a été préféré, à l’époque de son adoption,  à celui qu’il proposait conjointement avec un célèbre architecte espagnol. « Il s’agit d’un plan d’ensemble qui a permis à l’ex-wali d’Alger, qui disposait des appuis nécessaire,de parler d’égal à égal avec les ministres. Quand le ministre des Transports décidait de construire 50 trémies dans la capitale, il y avait quelqu’un à la wilaya qui lui disait non. »

L’architecte algérien s’interroge, cependant, sur un « manque de continuité et de passation » dans la démarche de l’actuel wali, qui semble mettre l’accent sur des aspects tels que «l’éradication de l’habitat précaire » et « l’embellissement » de la capitale. Halim Faidi exprime également un certain scepticisme à, propos de quelques grandes infrastructures construites au cours des dernières années dans la capitale, type Opéra d’Alger et grand stade de Baraki« qui ont atterri au milieu des terres agricoles sans qu’on réfléchisse à créer leur environnement »