Interrogé par Maghreb Emergent, l’ex-PDG de Sonatrach, Abdelmadjid Attar, estime que le caractère graduel de l’augmentation prévue de la production pétrolière iranienne s’explique par les moyens modestes dont disposent l’Iran pour la relancer et le fait que la réhabilitation des champs pétroliers dépend du retour des grandes multinationales pétro-gazières dans le pays.
Le ministre iranien du Pétrole, M. Bijan Namdar Zanganeh, a annoncé samedi une augmentation de la production pétrolière de son pays à 3.900.000 de barils de brut par jour « dans les tout prochains mois ». L’Iran compte donc rajouter 1.000.000 barils/jour à sa production actuelle estimée à 2.85 millions de barils/jours, et se rapprochera ainsi du niveau de sa production avant les sanctions euro-américaines qu’elles a subies à cause de son projet nucléaire et qui devraient être progressivement levées suite à la signature, il y a deux semaines, d’un accord avec les grandes puissances sur ce projet.
Cette augmentation ne se fera pas avant la fin de l’année en cours, date de la levée officielle des sanctions internationales qui pèsent sur le pays depuis 2003. Elle se fera de manière graduelle (une augmentation de 500.000 b/j comme première étape), vers le début de l’année 2016.
Interrogé par Maghreb Emergent, le consultant pétrolier et ancien PDG de Sonatrach, M Abdelmadjid Attar, explique que le caractère graduel de l’augmentation prévue de la production iranienne s’explique par les moyens modestes dont disposent les Iraniens pour la relancer et le temps que nécessitent les travaux de restauration et de réhabilitation des anciennes installations.
La réhabilitation des champs pétroliers et, partant, la hausse de la production iranienne dépendront du retour des grandes multinationales pétro-gazières telles que Total, Shell, Exxon Mobile et autres dans le pays, estime M. Attar pour qui « les Iraniens n’ont pas les moyens d’entreprendre de tels projets tous seuls ».
Si de nombreux observateurs qualifient le régime iranien d’inflexible en matière négociations relatives à sa production énergétique, pour l’ex-patron de Sonatrach, il suffit aux Iraniens de changer leur mode de contrat : « La problématique n’est pas aussi insoluble qu’elle est souvent présentée, car il suffit que les Iraniens substituent à leurs contrats de services, qui sont ‘’des contrats à risques’’, des contrats de partage de production. Ils attireront ainsi plus de multinationales et (…) l’Iran deviendra le pays le plus attractif de la région en matière d’investissement dans les énergies fossiles. »
L’Iran se battra pour réinstaurer le système des quotas à l’Opep
La valeur des hydrocarbures sur le marché va continuer à baisser selon M. Attar, en partie « à cause de l’Iran qui cherche à revenir à sa production initiale de 3.8 b/j, dans les prochains mois ». A la question de savoir si l’annonce de la hausse de la production iranienne n’est pas paradoxale, après que l’Iran a mené en 2014 des batailles diplomatiques, aux côtés du Venezuela, du Mexique et d’autres pays pour demander la réduction de l’offre du pétrole sur un marché saturé, l’ex-PDG de Sonatrach répond négativement. Pour lui, ce pays a bataillé et se battra certainement pour la réinstauration du système des quotas de production à l’intérieur de l’Opep arrêté en 2011, et qui définissait ceux-ci en fonction des demandes et des besoins internes.
Le marché des hydrocarbures sera déprimé durant toute l’année 2016
M. Attar prévoit une guerre sur les prix à l’intérieur des pays de l’Opep : les quotas seront difficilement établis et « jamais respectés », prévient-il : « Le déséquilibre des marchés pétroliers se poursuivra, et la spéculation sur les prix baissera dans les prochains mois, voire années à venir. ». Ceci, explique-t-il, ne sera pas dû uniquement à l’arrivée de grandes quantités du pétrole iranien sur le marché mais aussi à d’autres facteurs : le ralentissement de la croissance chinoise la stagnation de la demande énergétique européenne, l’autosuffisance des marchés américains grâce au gaz de schiste, l’arrivée du GNL des pays de l’Afrique de l’Est tels que le Kenya et la Tanzanie… Aussi, « faudrait-il attendre les décisions de la Conférence internationale sur le climat qui aura lieu à Paris à partir du 30 novembre prochain, concernant la réduction de la production des matières fossiles et la promotion des énergies vertes, etc. ».
Pour l’ancien PDG de Sonatrach les prix n’iront pas en deçà de 40 dollars le baril car cela « n’arrangera pas les intérêts des multinationales ». « Les prix moyens du baril s’établiront entre 50 et 60 dollars durant l’année 2016 », prédit-il. Quant au prix du gaz, il baissera également car indexé sur celui du pétrole et le marché gazier sera fortement influencé par l’injection de grandes quantités de gaz iranien dans les marchés mondiaux : « L’Irak va produire à pleine capacité, et l’Iran, grand producteur de gaz, réinvestira en force les marchés. Les prix du gaz vont baisser d’ici la fin 2016. »