Un homme politique sérieux doit avoir la prétention, légitime néanmoins, de proposer une société à assumer ou à construire. Il tend, à travers ses actions, à s’occuper de l’humain, son action et ses efforts vont en direction de ses concitoyens et veut leur offrir le meilleur. L’économie, de l’avis de tous, est le moteur du bien-être (*).
Le bon politique, affirmait J.F. Kennedy, « c’est celui qui sait garder ses idéaux, tout en perdant ses Illusions ».
Un homme politique, tout averti qu’il soit, pourrait être tenté de nous embrouiller sur le fait que c’est un politique, pourquoi devrait-il parler économie ? Mais l’économie est trop politique ! On serait tenté, nous même, de lui répondre.
Un homme politique sérieux doit avoir la prétention, légitime néanmoins, de proposer une société à assumer ou à construire. Il tend, à travers ses actions, à s’occuper de l’humain, son action et ses efforts vont en direction de ses concitoyens et veut leur offrir le meilleur. Il y a donc un lien direct, certain et fort entre son action et le bien-être de ses concitoyens. L’économie, de l’avis de tous, est le moteur du bien-être.
Ce qui me ramène à dire, par construction, qu’économie et politique ne peuvent et ne doivent être dissociés. Le politique poursuit le bien-être social et ne peut l’atteindre que s’il réalise le bien-être économique.
Un politique s’occupe, tout le temps ou du moins la majorité du temps, de problèmes économiques non résolus. Il devient, alors, primordial pour lui, dans le monde d’aujourd’hui, de parler d’économie; ce qui suit en est la démonstration :
Premièrement, rôle de l’Etat à travers le politique:
Pour fonctionner, les sociétés humaines ont besoin de s’organiser autour de règles qui permettent à chacun de connaître l’étendue de ses libertés. En économie, le terme « État » recouvre l’ensemble des pouvoirs publics et des organismes qui dirigent un pays en fixant ses règles de fonctionnement.
Le rôle de l’État au sein des économies a profondément évolué au cours du XXe siècle. De simple régulateur du marché, il a été amené à jouer un rôle de plus en plus important. En effet, il intervient aujourd’hui, de différentes manières et à différents degrés, à la fois dans la production de biens et de services, mais aussi au niveau social, en redistribuant les richesses. Il est ainsi un acteur économique majeur dans la plupart des pays développés.
Deuxièmement, Etat, économie politique et politique économique:
L’économie étant science des choix : face à des besoins illimités, des ressources limitées, il faut faire des choix, des arbitrages. C’est le rôle de la science économique qui étudie la façon de satisfaire des besoins illimités grâce à des ressources rares. Elle étudie plus particulièrement la production, la répartition et la consommation.
La politique économique est l’ensemble des interventions des administrations publiques sur l’activité économique pour atteindre des objectifs (croissance, plein-emploi, justice sociale). Ces objectifs permettent de corriger les déséquilibres (inflation, chômage, déficit des finances publiques, excès de création monétaire).
Usuellement, les économistes distinguent les politiques économiques conjoncturelles qui visent à orienter l’activité économique à court terme et les politiques économiques structurelles qui viennent à modifier le fonctionnement de l’économie sur le moyen ou long terme.
L’étude des conséquences économiques de ces interventions est généralement dénommée l’économie politique. Elle représente une vaste branche de la science économique, en particulier dans les domaines de la macroéconomie, de l’économie du développement et de la taxation optimale.
Troisièmement, les réponses économiques de l’homme politique:
La déconnexion de plus en plus affirmée entre le politique et la société trouve une partie importante de sa justification dans son incapacité à régler les problèmes économiques de ses concitoyens. Cela a conduit, peu à peu, particulièrement en ces temps de crises, à une régression du spectre d’intervention du politique au profit de l’économique.
Face à la montée du populisme, à l’émergence des mouvements sociaux en dehors des cadres politiques et à la reconnaissance, par défaut, de l’action des experts, l’homme politique, vu son éternelle renaissance, relèvera le défi par ses capacités d’adaptation, ses capacités à se transcender pour imaginer de nouvelles façons de conduire les débats politiques et de retrouver ses concitoyens.
Le politique, pour y parvenir, doit inéluctablement satisfaire à certaines conditions. Je discerne personnellement au moins trois :
– avoir, de bonne foi, cette croyance de légitimité de servir ses concitoyens ;
– être capable de prendre ses distances critiques par rapport à l’existant, et être intellectuellement outillé pour relativiser et déconstruire le modèle dominant ;
– être en mesure d’imaginer le changement. Pour cela: autonomie, liberté et espérance sont de mise.
S’il veut survivre dans notre monde d’aujourd’hui et reconquérir l’intérêt du citoyen, le politique doit être en mesure d’entamer des discussions et de formuler des avis éclairés sur quatre questions essentielles que sont:
• L’emploi ;
• Le partage de la richesse entre Capital et Travail ;
• Le développement économique (poids de l’industrie) ;
• Les arbitrages Etats ou Marchés.
• De l’emploi :
Dans sa quête du développement du pays et de l’élévation du niveau de vie de ses concitoyens, le politique devra s’intéresser à résoudre le problème du chômage et du sous-emploi.
L’homme politique assure, depuis toujours en fait, qu’il détient la formule magique pour créer des emplois, en général en dépensant de l’argent – qu’il n’a plus d’ailleurs-. Comment dépenser cet argent pour faire baisser le chômage et créer des emplois ? Et pourtant, il va falloir se résigner, nous allons d’échec en échec sans jamais rien créer ou rien pérenniser.
Ces échecs, à bien y penser, sont parfaitement compréhensibles. Nous ne posons pas la question qu’il faut, nous allons devoir problématiser différemment et simplement et au lieu du comment, disons qui. Qui crée de l’emploi ? La réponse est simple, unanime : C’est les entrepreneurs. Ces porteurs de projets et d’objectifs économiques, prêts à prendre des risques.
Les entrepreneurs, privés ou publics d’ailleurs, les vrais, ceux qui mettent leur argent, s’endettent et acceptent de vivre avec des couts certains (salaires et autres charges) et des revenus et des marchés incertains (dividendes et Chiffre d’affaires).
A partir du moment où nous adoptons ce glissement sémantique, nous saurons sur qui compter et qui soutenir et à partir de là qui sera responsable de la création de l’emploi. Cette tâche n’est pas décrétable.
Le politique devra alors maintenir un dialogue sincère et efficace, non seulement avec les représentants des travailleurs mais aussi des employeurs.
Il devra accorder l’attention voulue à l’extrême importance que présente la création, dans les secteurs public ou privé, d’industries qui utilisent les matières premières et les sources d’énergie disponibles dans le pays.
Il devra s’efforcer à proposer et conduire des politiques efficaces, dans le but d’atteindre un stade de développement industriel qui assure, non seulement, la création de l’emploi, mais, son maintien et son renouvellement, de favoriser une production efficace et peu coûteuse, tout en utilisant la main d’œuvre locale et de diversifier l’économie.
• Du partage de la richesse entre capital et travail:
L’économie, de par le monde, a connu de grands bouleversements avec la réduction drastique du poids de l’agriculture, le passage d’une économie industrielle à une économie de services et une révolution industrielle avec les technologies de l’information. Pourtant, le partage « Un tiers, deux tiers » entre TRAVAIL et CAPITAL semble quasi-universel alors même que les structures économiques sont fort différentes et que l’on constate d’un secteur à un autre des taux de marge allant de 10 à 70 %.
En moyenne, la part salariale des 1 % les mieux rémunérés s’est accrue de 20 % ces deux dernières décennies dans les pays pour lesquels on dispose de données. En revanche, malgré la hausse de l’emploi au bas de l’échelle des qualifications, la part salariale des moins qualifiés s’est effondrée.
Le coût du travail est systématiquement stigmatisé sans jamais qu’il soit fait la moindre référence au coût du capital. Les salaires sont fixés au terme d’âpres négociations entre le patronat et les salariés, dans une relation particulièrement déséquilibrée en faveur du patronat alors que les actionnaires, au pouvoir exorbitant, déterminent eux même leur rémunération sous des modes de plus en plus complexes, et de moins en moins transparents.
La rémunération du capital emprunté est négociée entre l’emprunteur et le prêteur. En revanche, la rémunération du capital social, c’est-à-dire des actions, est sans limite, sans garde-fous et sans négociation.
D’autres formes de prélèvements sont, alors, apparues avec la montée en puissance des groupes. Des frais dits de management (frais de siège, ou frais d’assistance) sont facturés aux filiales de production, constituant une ponction pure et simple sur leur chiffre d’affaires. On trouve même des entreprises familiales qui adoptent cette méthode en créant une holding qui ponctionne, au travers de facturations en tout genre, l’entreprise de production.
Mais un des modes de rémunération le plus utilisé aujourd’hui est constitué par les prix de transfert: l’entreprise est découpée en plusieurs entités, celles qui fabriquent, celles qui vendent, celles qui gèrent, celles qui encadrent.
Leur production est vendue à une filiale de commercialisation qui, elle, dégage d’énormes bénéfices. Mais l’appétit des actionnaires est illimité. L’entreprise elle-même devient objet de spéculation : elle est achetée et revendue dans le seul but de dégager une plus-value. Non seulement l’entreprise ne perçoit rien de cette plus-value mais elle va devoir la financer.
Il est urgent pour l’homme politique d’œuvrer à la limitation des prélèvements de l’actionnaire, sous toutes leurs formes, à un taux maximum. Diminuer le coût du travail, en diminuant les salaires, est une catastrophe économique et sociale car elle réduit la consommation des ménages, et affecte l’épargne et in fine les investissements.
• Du développement économique (poids de l’industrie) :
On remarque une corrélation entre un tertiaire important et la croissance et le développement. Mais si cette relation est vérifiée pour les pays riches, elle n’est pas automatique pour les pays pauvres : le développement d’activités de survie dans le tertiaire est aussi une caractéristique des pays en voie de développement. Un poids élevé du tertiaire dans l’économie n’est donc pas une condition suffisante pour caractériser la richesse et le développement d’un pays, il faut aussi regarder quelles sont ces activités tertiaires.
Un pays peu développé et même pauvre peut avoir un poids élevé des services dans l’économie.
En effet, un poids élevé des activités de services peut résulter de la pauvreté et des inégalités existant dans un pays, ce qui est signe de la faiblesse du développement. Ainsi quand les écarts de revenu sont très forts, qu’il y a une minorité de très riches et une majorité de très pauvres, un certain type d’activités tertiaire apparaît.
Une tertiarisation de l’économie peut résulter de la richesse et du développement d’un pays : ce sont alors des services qualifiés type soin de santé et loisirs, ou de la pauvreté et de l’absence de développement : ce sont alors des « petits travaux » de service.
La tertiarisation de l’économie n’est donc pas un critère de développement ; ce n’est pas non plus un facteur, car c’est l’industrie qui reste, encore aujourd’hui, la principale source de richesses et d’amélioration du sort de la population.
En effet , les différences de croissance et de développement des pays résultent plus du poids de l’industrie dans l’économie que celui des services: l’Allemagne et la Corée du Sud ont la même part de population active dans les services ( 64 % ) et pourtant l’IDH de l’Allemagne est nettement plus élevé que celui de la Corée du Sud ( 0,925 contre 0,882 en 2000 ) , les différences résultant du poids de l’industrie dans l’économie : 32,9 % pour l’Allemagne , 27,8 % pour la Corée du Sud en 2000 .
Le niveau de croissance et de développement paraît donc plus lié à l’importance du secondaire qu’à celui du tertiaire. L’industrie reste définitivement le moteur essentiel de l’économie.
La première raison est la « tertiarisation de l’industrie » : de nombreuses activités de services comme « la maintenance, la restauration, le service après-vente » étaient intégrées dans les entreprises industrielles et leur personnel compté comme des actifs de l’industrie. Or, aujourd’hui, ces activités ont été externalisées.
La réduction des effectifs du secondaire ne serait donc pas totalement réelle, mais résulterait uniquement d’un nouveau mode d’organisation des entreprises du secondaire.
La seconde raison de cet apparent déclin est les gains de productivité : en étant plus efficace, l’industrie a donc pu produire plus. Ces gains de productivité vont donc avoir deux destinations : comme l’industrie peut produire autant avec moins de monde, elle libère des actifs qui seront employés dans les services ; comme le coût du travail par unité produite diminue il y a « une baisse des prix industriels » qui assure une augmentation du pouvoir d’achat des ménages : en dépensant moins pour les produits industriels, ils peuvent dépenser plus pour les services. La croissance du secteur tertiaire résulte donc des performances de l’industrie qui reste, pour le politique, le principal chantier.
4. Quatrièmement : des arbitrages Etats ou marchés :
Les marchés sont défaillants et imparfaits. Ils sont défaillants puisqu’ils ne tiennent pas compte des externalités et ne peuvent, en définitif, fournir les biens collectifs. Par définition, les biens collectifs ne sont pas rentables (il n’y a que des dépenses et pas de recettes), le marché ne peut les fournir. C’est donc à l’État de le faire.
Par ailleurs, les marchés sont imparfaits du fait des ententes d’un cotés et de l’asymétrie de l’information de l’autre côté. L’État, à travers le politique, doit alors agir pour rétablir une information transparente et disponible à tous.
Finalement, relativisons quand même :
Cette technicisation de la gestion des affaires de la cité, cette dépolitisation systématique des débats sociétaux, discrédite nos modes de scrutin et jette l’anathème sur nos personnels politiques : c’est une régression grave dans l’histoire de notre démocratie si chèrement payée, un appauvrissement regrettable de nos institutions déjà sous-gouvernées, et une brèche dans notre modèle de société pas encore clairement défini. Nous voulons que les solutions à nos problématiques soient en cohérence avec la société à laquelle nous aspirons.
Les experts, lorsqu’ils sont mis à contribution dans ce genre de problématiques, proposent des solutions éprouvées chacun dans son domaine d’expertise. La somme des solutions expertes n’est malheureusement pas une solution satisfaisante. Il est nécessaire, au contraire, que le politique, de par sa qualité, d’individu- collectif, et sa légitimité à penser pour le collectif, arrive à nourrir des réflexions conduites par des experts, à chercher au plus profond de la société ses aspirations et ses espérances, et de là, à imaginer des solutions non pas optimales, mais satisfaisantes, issues du collectif pour le collectif.
Enfin, nous ne voulions pas mettre notre cher personnel politique, toutes catégories confondues, en difficulté, nous n’avons pas parlé, pour le moment, de développement durable et, ce n’est pas parce que le sujet recèle moins d’importance.
En 2016, selon une ONG canadienne, le lundi 8 août, l’humanité avait consommé l’ensemble des ressources que la planète peut renouveler en une année. Cette date marque le jour du dépassement de la Terre, symbolisant le moment où l’humanité a épuisé les capacités régénératrices de la Terre. L’année d’avant c’était le 21 août, en 2003 c’était le 22 septembre, en 1993 le 21 octobre, en 1980 le 3 novembre, en 1970 le 23 décembre alors qu’en 1960, l’humanité consommait seulement la moitié de la capacité régénératrice de la Terre.
A ce rythme, le jour du dépassement, qualifié de meilleure approximation scientifique, pourrait tomber fin juin, en 2030, c’est-à-dire qu’en 2030, à l’issue des six premiers mois, l’humanité aura consommé ce que la Terre ne peut renouveler qu’au bout d’une année, c’est ce qui est communément appelé « vivre à crédit ».
Ça nous paraît hors d’atteinte nous autres Algériens. Il est vrai que, rapporté à l’échelle pays, nous demeurons, Dieu merci, très loin derrière les champions japonais à qui il faudrait plus de cinq planètes pour répondre aux besoins de leur population, mais dans un monde de plus en plus globalisé, le politique, le bon, va devoir pourtant s’y mettre.
(*) Ce texte a été publié initialement sur le Huffington Post Algérie.Brahim Chahed est cadre dans une entreprise publique.