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Hydrocarbures

L’ombre de Mohamed VI dans la vente de l’unique raffinerie du Maroc, un dossier devenu sensible

Par Yazid Ferhat
février 4, 2017
L’ombre de Mohamed VI dans la vente de l’unique raffinerie du Maroc, un dossier devenu sensible

Le dossier de la mise en vente de l’unique raffinerie du Maroc, ‘’Samir’’, mise en liquidation judiciaire, et propriété d’un milliardaire saoudien, a pris les proportions d’un serpent de mer. Après sa liquidation judiciaire, sa mise en vente a été décidée par le tribunal de commerce de Casablanca pour payer des créances évaluées à 44 milliards de dirhams.

 

Depuis le 30 janvier dernier, le dossier de mise en vente de la Société marocaine de l’industrie du raffinage (Samir) s’est encore épaissi, avec cette étrange interdiction de la procureure du roi près la Cour d’appel du tribunal de commerce de Casablanca de laisser les journalistes couvrir une audience capitale sur la décision effective de mise en vente de la raffinerie. Déjà, fin décembre 2016, une offre de reprise de près de trois milliards de dollars avait été faite pour la raffinerie de Mohammadia. Mais, le tribunal de commerce de Casablanca sur avis du juge-commissaire chargé de cette affaire avait décidé de reporter au 2 janvier la nouvelle audience qui devait fixer le prix minimum de cession de la raffinerie. Un appel à manifestation d’intérêt devait être lancé également. Depuis, deux autres audiences ont été tenues, dont celle, capitale, du 30 janvier. Mais, aucun écho des résultats de cette audience, restés  »secrets », selon les dénonciations de la presse spécialisée marocaine, empêchée par la procureure du roi de suivre les débats de cette audience. Dans son édition du 31 janvier dernier, L’Economiste s’emporte et s’interroge:  »la liquidation de la raffinerie Samir est-elle devenue un secret d’État? Programmée à la Cour d’appel de commerce de Casablanca, l’audience du 30 janvier a tourné court pour les journalistes venus couvrir les débats. La procureure du Roi a interdit l’accès à la salle aux médias sous prétexte qu’il faut obtenir une autorisation du ministère de la Justice. » Le correspondant d’un journal en ligne, Media24, qui a fuité l’information sur l’offre de reprise de la Samir présenté par un cabinet d’avocats de Bologne (Italie), a, lui également été interdit d’accès à la salle d’audience et convoqué au bureau du procureur du roi.

 

Une offre de 3 milliards de dollars

 

 »La couverture des audiences publiques est désormais subordonnée à une autorisation », et  »l’interdiction a également été justifiée pour la sensibilité du dossier », selon les interlocuteurs du journaliste sur place. C’est le 28 décembre 2016 que l’expert-comptable en charge du dossier de la liquidation de la raffinerie, le syndic Mohamed El Krimi,  a reçu une offre de rachat de trois milliards de dollars (soit 31 milliards de dirhams). « Nous avions l’intention de lancer des manifestations d’intérêt cette semaine, mais nous avons reçu une offre de 3 milliards de dollars d’un conglomérat étranger », a-t-il indiqué à Reuters. « Nous estimons qu’il s’agit d’une offre sérieuse jusqu’à preuve du contraire, mais le tribunal va convier d’autres manifestations d’intérêt », a-t-il ajouté. Le syndic a seulement indiqué que l’offre a été présentée par un cabinet d’avocats italien, Mazzanti and Partners, selon le site d’informations économiques Media24. Une offre pourtant bien au dessus des espérances des liquidateurs, qui tablaient sur un prix plancher de mise en vente de la raffinerie entre 18 et 22 milliards de dirhams.

 

 »Nous avons été bernés »

 

Mais, le dossier de la mise en vente de la Samir traîne en longueur. C’est en juin 2016 que la Cour d’appel de Casablanca avait confirmé la décision du tribunal de Commerce de placer en liquidation judiciaire la Samir, dont les dettes culminaient à 44 milliards de dirhams (environ 4,4 mds de dollars). La raffinerie de Mohammedia est détenue à 67,26% par Corral Petroleum Holdings, société du milliardaire Saoudien Mohammed al-Amoudi, les autres parts du portefeuille étant détenues par des groupes industriels marocain et des institutionnels. La raffinerie avait cessé ses livraisons de produits pétroliers en août 2015. Le marché local est approvisionné par tankers, affrétés par des compagnies pétrolières comme Shell, Mobil Oil ou le groupe marocain Afriquia. Trois jours avant l’audience du 30 janvier dernier, le ministre de l’Économie et des Finances, Mohamed Boussaid, a estimé que  »l’État n’a pas bien choisi les investisseurs dans ce dossier ». ‘’C’est un dossier sur lequel nous avons été bernés. Nous devons mieux choisir les investisseurs à l’avenir », a-t-il suggéré.

 

L’ombre de Mohamed VI

 

Dans les coulisses de ce dossier  »sans fin », certains suggèrent que l’option d’une vente de la Samir est due à une injonction du roi Mohamed VI. La Samir doit beaucoup d’argent à des banques comme la BCP et Attijariwafabank que le monarque contrôle via son groupe, la société nationale d’investissements, dont le principal actionnaire est SIGER, la holding de la famille royale. Dans le détail, la Samir a une dette bancaire et obligataire de plus de 10 milliards de dirhams, outre des impayés aux douanes estimés à 13 milliards de dirhams. A cela s’ajoutent près de 10 milliards de dirhams vis-à-vis des fournisseurs. Les dettes cumulées de la Samir s’élèvent à plus de 40 milliards de dirhams. Sa cotation à la bourse de Casablanca est suspendue depuis mai 2015.

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