Le ministre du Commerce est devenu la cible des islamistes en décidant de ne plus faire valoir une instruction prise par son prédécesseur, Hachemi Djaaboub (islamiste, membre du MSP), soumettant l’activité du commerce de gros des boissons alcoolisées à une autorisation préalable. Il n’a été soutenu pour le moment que par l’Association des producteurs Algériens de boissons (APAB)*.
« Benyounès mène la guerre à Dieu ! ». Le propos, lancé sur une chaîne de télévision « privée » au statut de correspondant « étranger », reflète le durcissement de la campagne menée depuis plusieurs semaines contre la « libéralisation » de la vente des boissons alcoolisées. Une campagne fortement appuyée et relayée par les télévisions privées et les journaux arabophones qui ciblent de manière directe Amara Benyounes, le ministre du Commerce, accusé de déverrouiller le dispositif mis en place par son prédécesseur pour entraver le commerce des boissons alcoolisées.
Amara Benyounes, qui paraît bien isolé, a reçu l’appui d’Ali Hamani, président de l’Association des producteurs Algériens de boissons (APAB). Dans une déclaration rapportée par El Watan, ce dernier estime que le ministre du Commerce n’a fait que supprimer une disposition prise de manière « illégale » par son prédécesseur.
Le ministère du Commerce n’a fait que remettre « de l’ordre dans la boutique », a indiqué le président de l’APAB précisant que cela ne concerne que le commerce de gros car la « revente par les détaillants est toujours soumise à autorisation ».
Mohamed Aïssa marque sa distance
Maigre consolation pour le ministre du Commerce, dont la décision suscite l’embarras de son collègue des Affaires religieuses, Mohamed Aïssa, qui tient avec une relative discrétion à marquer sa distance.
Tous les Algériens, a-t-il déclaré, savent que le vin (et par extension toutes les boissons alcoolisées, NDLR) est à la base de « tous les vices » et ils n’ont pas besoin d’un discours ou d’un guide sur le caractère « illicite de sa consommation et de sa vente ». Il a révélé, affirme Echourouk, qu’il a « blâmé » le ministre du Commerce pour cette décision que le « ministère des Affaires religieuses ne peut empêcher car relevant des seules prérogatives du ministère du Commerce ».
Mohamed Aïssa est clairement dans l’embarras alors que la campagne contre la vente des boissons alcoolisées monte en intensité fortement soutenu par les télévisions privées, qui ouvrent largement leurs antennes aux religieux de l’establishment et aux salafistes.
Une « prohibition » léguée par Hachemi Djaaboub
La campagne utilise également les réseaux sociaux comme cette page Facebook intitulée « Tous pour une Algérie sans vin ». On a enregistré les premières manifestations publiques anti-vin (et anti-Benyounes), vendredi, à Mecheria et Ksar El Hirane.
Amara Benyounes est devenu la cible des islamistes et des conservateurs de l’establishment en décidant de ne plus faire valoir une instruction prise par son prédécesseur, Hachemi Djaaboub (islamiste, membre du MSP), soumettant l’activité du commerce de gros des boissons alcoolisées à une autorisation préalable.
L’instruction de Hachemi Djaaboub, prise en 2006, se défaussait en fait sur les walis qui avaient la « latitude » de décider de l’octroi ou non de l’autorisation préalable. Les walis ne faisant pas usage de cette « latitude » pour éviter des contestations, l’instruction Djaaboub introduisait une « prohibition » de fait.
Le ministre du Commerce a été la cible, en juin 2014, d’une campagne menée, par le très controversé salafiste Hamadache Zeraoui, du Front de la Sahwa (éveil) salafiste libre, qui l’accusait de vouloir accorder des autorisations pour l’ouverture des bars.
Une campagne qui n’a pas drainé les foules. A la différence de la campagne « solitaire » de Hamadache, en juin dernier, la nouvelle campagne contre la « libéralisation » de la vente du vin bénéficie d’une couverture médiatique intense et elle est relayée dans les mosquées.
L’OMC, le vin, le porc et la prostitution
Les salafistes et les imams « cathodiques », tel Chemseddine, sont ouvertement en guerre contre le ministre du Commerce et multiplient les attaques virulentes contre lui. Les islamistes l’accusent de s’attaquer aux « valeurs de la société » pour répondre aux exigences de l’organisation mondiale du commerce (OMC).
Sur Ennahar-TV, cheikh Chemessedine accuse Benyounes de mener la « guerre contre Dieu » et de vouloir faire tomber l’Algérie entre les mains du « lobby sioniste ». Après le vin, l’OMC va exiger de libéraliser la « vente du porc » et après celle-ci, « exigera la libéralisation de la prostitution » a-t-il ajouté dans un discours enflammé.
La mobilisation « contre le vin » des « télévisions privées » algériennes, au statut encore flou mais en général très proches du pouvoir, intrigue. Sur les réseaux sociaux, certains ne sont pas loin d’y voir une manœuvre de diversion politique sur un thème où les démagogues ont la partie facile.
(*) Cet article a été publié initialement sur le Huffington Podt Algérie