Alors que l’Algérie peine à déployer la 3G, que la 4G n’en est encore qu’à ses balbutiements en France, la Corée du Sud évoque déjà la 5G, qu’il espère pouvoir lancer dans le courant de l’année 2017. La Chine suit de prés le mouvement et annonce d’importants investissements à l’horizon 2020. Mais l’objectif n’est pas simplement de pouvoir surfer plus vite sur le web.
Une fois de plus, le pays du matin calme se réveille tôt. Très tôt. Et cela fait partie de sa stratégie de développement. La Corée du Sud, qui est déjà un des pays les plus « connectés », et qui souhaite rester le leader mondial dans le domaine des réseaux mobiles, a révélé le 22 janvier un projet de 1.600 milliards de wons (1,1 milliard d’euros) pour la mise en place d’un réseau de cinquième génération (5G). Leader mondial de la fibre optique ou encore de la 4G, la Corée du Sud n’entend pas relâcher ses efforts et trace clairement les perspectives de cette technologie mobile qui fera passer la 4G pour un modem de 56 ko… Le ministère sud coréen de la Science s’est fixé une échéance de six ans pour ce projet. « Nous avons aidé à la croissance du pays avec la 2G dans les années 90, avec la 3G dans les années 2000 et la 4G aux alentours de 2010. Il est temps à présent de se mettre en mouvement pour développer la 5G », a indiqué le ministère sud-coréen. « Des pays en Europe, la Chine et les Etats-Unis ont redoublé d’efforts pour développer la technologie de la 5G (…) et nous pensons qu’il y aura une énorme concurrence sur ce secteur dans quelques années », a-t-il ajouté.
Des débits de 1 Gb/seconde avec la 5G
Mais quelle différence entre la 4G et la 5G ? Une histoire de débit, bien plus élevé pour la 5G (on parle d’1Gb/s contre « seulement » 150Mb/s pour la 4G, ces débits étant bien entendu théoriques). En terme de vitesse, on évoque la possibilité de télécharger un fichier de 800 Mb (c’est-à-dire un film) en une petite seconde, alors que la même quantité de données ne sera téléchargée « qu’en » 40 secondes avec une (bonne) connexion 4G. Théoriquement, la 5G va pouvoir donc fournir des débits 10 à 100 fois plus rapides qu’aujourd’hui. En mai 2013, Samsung avait indiqué avoir testé avec succès la 5G, qui a permis la transmission de données de plus d’un gigabit par seconde sur une distance de 2 km. Des performances incroyables, surtout que l’on parle de débits mobiles. Si le pays est si prompt à déployer de nouveaux réseaux, c’est grâce également à une topographie favorable et une concentration urbaine très forte. Mais l’objectif n’est pas simplement de pouvoir télécharger ou de surfer plus vite sur le web. Télécharger un film en une seconde par exemple, tout en voyageant dans un train à très grande vitesse, c’est un peu le quotidien des Coréens. Car dans la péninsule, la connexion Internet est comme une seconde nature. Tout un chacun a sa tablette ou son Smartphone, qu’il recharge dans n’importe quel commerce. L’État a aussi numérisé la plupart de ses services il y a cinq ans déjà.
Renforcer les parts de marché mondiales des équipementiers
La 5G sera donc surtout utile pour gérer les milliards d’objets connectés en usage à l’horizon 2020, et la masse de données mobiles qu’ils supporteront, tout en consommant moins d’énergie. La 5G devra répondre à l’enjeu de l’explosion de la consommation data qui sera multipliée par 10 entre 2013 et 2019 en Corée du Sud (par 9 en Europe de l’Ouest) pour atteindre le chiffre record de 10 exaoctets (1). Selon le projet du gouvernement Sud-coréen, un service test sera mis en place en 2017, avant d’être commercialisé en décembre 2020. Le ministère estime que l’installation du réseau génèrera 331 milliards de wons de chiffre d’affaires (230 millions d’euros) pour le secteur des équipements télécoms. Car Séoul ne vise pas seulement la satisfaction des besoins de sa population déjà comblée avec la 4G, mais aussi les marchés extérieurs. Les fabricants sud-coréens occupent 30% de part de marché mondiale pour les appareils mobiles (téléphones portables, Smartphones, tablettes…), grâce notamment à Samsung, numéro un mondial sur ce secteur, et LG. Le pays souhaite aujourd’hui renforcer le secteur des équipementiers en infrastructures télécoms qui ne détiennent que 4,4 % de part du marché mondiale avec des exportations très limitées. Les Chinois, dont Huawei, sont passés de 12% en 2007 à 26% en 2012. Séoul vise 20% d’ici 2020.
La Chine et l’Europe en outsiders
La Chine n’est pas en reste dans cette course à la technologie de pointe. Huawei avait annoncé en novembre un lancement commercial de la 5G pour 2020, avec un investissement de départ de 600 millions de dollars (442,5 millions d’euros). Une manière d’affirmer la volonté des Chinois de rattraper leur retard technologique en matière d’innovation et de se placer à l’orée 2020-2030 comme incontournable dans l’élaboration des futures technologies de pointe. Et l’Europe alors ? Elle espère bien rattraper son retard après avoir loupé le virage de la 4G en se lançant beaucoup plus tard que les américains et les asiatiques. Bruxelles a annoncé en décembre dernier la mise en place d’un partenariat public-privé dédié à la Recherche-Développement sur la 5G baptisé « 5G PPP ». Il sera doté d’un budget de 700 millions d’euros d’ici 2020 et présidé par l’équipementier finlandais NSN (ex-Nokia Siemens Networks). Objectif : répondre aux besoins croissants en consommation data en rendant la 5G effective en 2020. « Je souhaite que le secteur européen assume un rôle pionnier, en s’appuyant sur la recherche européenne et en créant des emplois en Europe – et nous y mettrons l’argent qu’il faut. », explique Neelie Kroes, la commissaire européenne aux affaires numériques. Pour l’Europe, les enjeux économiques sont importants et la bataille s’annonce rude avec l’Asie et les Etats-Unis. Car celui qui prendra de l’avance avec les technologies de l’Internet, aura trouvé la carte pour conserver une longueur d’avance économique sur le reste du monde.
(1) Unité de mesure de quantité d’information numérique, valant 1018 octets, et dont le symbole est Eo.