Le CPP se déchire. Beaucoup de questions provoquent des échanges houleux. Mais il y a un sujet qui fait toujours consensus : l’incompétence du gouvernement. Sa gestion de la question du gaz de schiste l’a encore confirmé.
Ramtane Lamamra devait-il participer à la marche républicaine organisée le dimanche 11 janvier à Paris, au lendemain de l’attentat contre Charlie Hebdo ? Souhila Benali a fait mouche en soulevant cette question qui fâche, lors du CPP, le Café Presse Politique de Radio M, du jeudi 15 janvier. Pour El Kadi Ihsane, le ministre des affaires étrangères ne devait pas aller à cette marche à partir du moment où le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, devait y aller. « Je pense clairement que la présence de Lamamra derrière Netanyahou est une faute politique grave ». Netanyahou est « un criminel de guerre notoire, éligible au tribunal de La Haye ». Sur ce dossier, l’Algérie a fait « une concession inutile », estime El Kadi Ihsane. Dans le même sens, Khaled Drareni pense tout simplement que « l’Algérie ne refuse rien à la France » dans la conjoncture actuelle.
Plus nuancé, Saïd Djaafar met en cause « les lourdeurs des mécanismes politiques en Algérie ». La décision de faire participer Lamamra à la marche républicaine « a été prise avant Netanyahou. Ensuite on s’y est tenu, on n’a pas changé », alors qu’il n’y avait « aucun mal à dire qu’avec ce criminel qui s’impose (dans la marche), on ne vient pas, on ne veut pas être à côté d’un criminel de guerre ». Abed Charef abonde dans le même sens, en soulignant que « le système politique algérien ne fonctionne pas » et ne permet pas de s’adapter en situation de crise. Il relève aussi que « sur la sécurité et la politique étrangère, il n’y a pas de voix discordante dans les autres pays, en France, au Maroc ou ailleurs, ce qui n’est pas le cas en Algérie ».
« Choroukisation »
A Paris, Lamamra « a fait de la représentation », selon Saïd Djaafar, qui relève qu’on a « demandé à la communauté musulmane de se désolidariser » des auteurs de l’attentat de Paris. « Comme si, de manière implicite, on considère que les musulmans sont co-responsables du carnage ». Abed Charef considère que pendant la semaine qui a suivi l’attentat de Charlie hebdo, tout le monde est passé dans la communication, et que « la France a réussi un coup médiatique exceptionnel. Elle a retourné un attentat terroriste en grand évènement d’émotion et de représentation, c’est le signe d’un système qui marche ».
Les attentats de Paris ont donné lieu à « un grand moment d’émotion », souligne Kadi Ihsane, qui rappelle que « Charlie Hebdo est possible en France, pas en Israël ou aux Etats-Unis ». Et en Algérie ? En Algérie, on est dans « la choroukisation des opinions, un chemin inverse de la liberté d’expression », dit-il en référence au journal Echorouk. El Kadi Ihsane met aussi les pieds dans le plat en défendant une pétition signée par des intellectuels musulmans appelant à la « la nécessité d’engager le champ religieux » dans de sérieuses réformes. La pétition invite notamment à considérer caduques « des pratiques du texte sacré incompatibles avec le monde moderne ».
Incitation à la haine ?
Et l’humour dans tout ça ? Et l’esprit Charlie Hebdo ? « C’est le public qui définit jusqu’où on peut aller dans l’humour », affirme Abed Charef, ajoutant qu’entre les sociétés musulmane et européenne, « il y a un décalage culturel que les Européens ne perçoivent pas ». Est-ce que les Algériens ont lu Charlie hebdo, se demande-t-il.
Khaled Drareni rappelle que des journaux français ont été interdits de vente en Algérie après l’affaire Charlie Hebdo. Saïd Djaafar précise que « la loi algérienne interdit le blasphème. Il faut respecter la loi ». Pour lui, l’hebdomadaire français « Marianne devait respecter cette loi ». Quant à « demander un changement de la loi, c’est un autre sujet ».
Autre question qui fâche : oui ou non, les dessins de Charlie Hebdo constituent-ils une incitation à la haine ? « Non », répond El Kadi Ihsane. « Oui », affirme Khaled Drareni. Ça dépend de qui lit le journal. « A Aïn-Defla, oui, c’est une incitation à la haine », estime Abed Charef.
Autre sujet abordé, le gaz de schiste. La crise révèle indéniablement « un problème de confiance », affirme Saïd Djaafar. Il y a « un problème de démocratie », dit-il, ajoutant qu’il il y a « une préoccupation réelle que le message officiel n’arrive pas à apaiser » la contestation qui s’est étendue dans la plupart des villes du sud.
Tout le monde sait
Pour Abed Charef, dans un pays où « il n’y a pas d’institutions qui fonctionnent, pas d’hommes politiques crédibles, la situation ne peut que dégénérer », sur un fond de « régionalisme et de tribalisme ». El Kadi Ihsane estime, lui, que le gouvernement n’a pas joué carte sur table. L’Algérie a une capacité d’exportation de gaz de 85 milliards de mètres cube. Elle en a exporté 42 milliards m3, à peine la moitié. Si le ministère de l’Energie avait clairement dit qu’il faut aller au gaz de schiste parce que le gaz conventionnel manque, il aurait peut-être été écouté », dit-il.
Ce serait donc le moment de changer de gouvernement, demande Souhila Benali. El Kadi Ihsane estime que « l’attelage qui a organisé le 4ème mandat s’est fissuré, la confiance s’est brisée, et Saïd Bouteflika veut changer Sellal », qui, peut-être « a tenté de jouer sa propre carte, n’est plus loyal ». El Kadi Ihsane estime aussi qu’on « va rentrer dans le dur en 2015, alors que trop de ministres sont incompétents. Il faut donc aller chercher dans un autre répertoire ». Il cite la formule d’un ancien ministre de Bouteflika : « Sur le plan économique, tout le monde sait ce qu’il faut faire, mais tout le monde sait que ça ne se fera pas ». Abed Charef botte en touche. « Le gouvernement n’est pas chargé de gérer le pays ni de faire de la croissance, il est chargé de gérer le 4ème mandat ».
Extraits vdéo : http://bit.ly/1DKyKLp