C’est un classique : quand la production de la pomme de terre de la plaine du Chéliff arrive sur le marché, les prix baissent. Mais cette année, le marché s’est littéralement écroulé.
La pomme de terre ne trouve plus d’acheteur. Dans les marchés de gros de la plaine du Chéliff, la production, récoltée dans des conditions pénibles pendant le Ramadhan, frôle les dix dinars le kilo, ceci quand elle trouve preneur.
Un fellah d’El-Amra, dans la wilaya de Aïn-Defla, raconte ses mésaventures au marché de Chlef. Au deuxième jour du ramadhan, il s’était rendu dans ce marché avec une cargaison de 15 quintaux, à bord de sa camionnette. Après une journée d’attente, il en a vendu seulement la moitié, et il a été contraint de rentrer chez lui avec le reste de la cargaison.
Un peu plus loin, un autre fellah, très jeune, exprime sa résignation. «La récolte est mûre. Elle ne peut plus attendre. Il faut donc procéder à la récolte et vendre à n’importe quel prix», dit-il. Il souligne pourtant que la récolte a été à peine moyenne, 150 à 200 quintaux à l’hectare, contre 300 pour une bonne saison. L’effet cumulé de la mauvaise récolte et de la baisse des prix va donc laisser une partie des fellahs sur le carreau. Il leur sera difficile de rebondir pour la saison prochaine.
Convergence de plusieurs facteurs
Ce niveau des prix, extrêmement bas, est le résultat de plusieurs facteurs. En mai – juin, arrive sur le marché la production de la plaine du Cheliff. C’est le pic de l’année, pour la production, ce qui provoque de manière systématique une baisse des prix. Cette année, la baisse est amplifiée par l’effet Ramadhan : les restaurants, les gargotes, les établissements scolaires et collectifs, gros consommateurs de pomme de terre, sont fermés, ce qui provoque une baisse de la demande, rappelle Boualem, fellah de Aïn-Defla.
A la tête d’une plantation de cinq hectares, avec son associé, ce jeune fellah estime que la récolte paiera « la moitié des frais, pas plus». «Avec une faible récolte et un prix aussi bas, impossible de s’en sortir», ajoute-il.
Ces prix sont cependant ceux des marchés de gros. Au détail, c’est un autre monde, régulé par les commerçants, notamment les propriétaires de chambres froides, qui sont les principaux bénéficiaires de la situation.
Effets pervers du Syrpalac
La principale défaillance réside dans le fameux Syrpalac (Système de régulation du marché de la pomme de terre), mis en place depuis bientôt dix ans, et largement détourné de ses objectifs initiaux. Le Syrpalac offre une subvention à ceux qui stockent la pomme de terre dans les chambres froides, en leur assurant un prix minimum, quelle que soit l’évolution du marché.
Un propriétaire de chambre se contente d’acheter la pomme de terre, de déclarer un tonnage précis, pour la revendre quand il veut, au prix du marché. Cela se passe généralement vers septembre-octobre, au moment où les prix remontent. Il en profite aussi pour encaisser une compensation substantielle. A cela s’ajoute un immense trafic qui s’est mis en place, avec fausses déclarations et complicités au sein de l’administration, permettant d’encaisser des subventions pour une production fictive.