Entre oubli, silence et surévaluation, la mémoire est sujette à de multiples utilisations qui ne sont pas sans incidence sur les relations entre les Etats. Qu’en est-il de la France et l’Algérie ? Une conférence intitulée « La mémoire et après? » organisée à Alger en a exploré les chemins.
« Tourner la page », « prendre de la distance par rapport à nos identités », « transformer la négativité du passé », « construire un rapport égalitaire », telles ont été quelques-unes des pistes de réflexion évoquées, lundi à Alger, par les intervenants invités à participer à la conférence « La mémoire et après? » organisée par l’agence de communication française All Contents à l’occasion du lancement de leur nouveau magazine AlgerParis.
Fin connaisseur de l’histoire des relations franco-allemandes, le politologue et sociologue Alfred Grosser a évoqué la « mémoire créatrice », seule capable d’aboutir à la construction de nouvelles relations. « Il faut transformer la négativité du passé en positif, » a déclaré l’octogénaire qui a cité l’écrivain « Français d’Algérie » Jean Pélégri, auteur de « Les Oliviers de la justice » et « Ma Mère l’Algérie », comme figure de proue « d’essayeurs de conciliation » entre la France et l’Algérie. « En Algérie comme ailleurs, il est aussi important de considérer ses propres identités que de prendre de la distance par rapport à elles », a-t-il poursuivi.
Vision nouvelle de la jeunesse
Wassyla Tamzali, présente dans le débat, donne sa réplique en contestant le terme de « franco-algérien », lui préférant celui « des Algériens et des Français ». L’écrivaine et militante féministe algérienne, considère ainsi qu’il est nécessaire de « préparer ce moment où l’on pourra tourner la page vraiment ». « La responsabilité des Algériens et des Français est simple et modeste », a-t-elle dit. « Il faut préparer l’arrivée de cette réconciliation entre les deux pays qui ne saurait tarder et va se faire », a-t-elle ajouté avec conviction.
Pour l’écrivaine, c’est de la jeunesse, algérienne et maghrébine, que viendra le changement dans les relations entre la France et l’Algérie. « La jeune génération a une vision plus libérée de cette mémoire. Elle n’en a rien à faire cette histoire. Elle veut vivre et voir le monde « , a-elle déclaré, non sans susciter quelques vives réactions parmi le public dont certains ont estimé que ces propos portaient atteinte à « la mémoire des ancêtres ». «
Le rôle des archives
Interrogé sur l’utilisation des archives, l’historien Benjamin Stora a répondu qu’il « fallait prendre le problème dans toutes ses dimensions », aussi bien par l’accès aux archives en France que celui des archives françaises en Algérie, qu’il a appelé à « recenser ». A une question d’un journaliste sur la situation de la commission mixte algéro-française sur les archives, Benjamin Stora a indiqué qu’il y avait participé « une fois, il y a cinq ans environ », mais « qu’elle avait disparu depuis ». Quant au projet d’un manuel d »histoire commun entre les deux pays, à l’image de ce qui s’est fait pour la France et l’Allemagne, l’historien a déclaré qu’il « n’était pas prévu ».