L’hypothèse que les saoudiens aient conclu une « alliance » avec les USA dans le but de pénaliser des grands producteurs de pétrole comme la Russie et l’Iran est la plus plausible aux yeux de l’ancien PDG de Sonatrach, Abdelmadjid Attar.
La réunion des pays membres de l’OPEP de jeudi 27 novembre s’est terminée sur un maintien de la production suivant la ligne de conduite tracée par l’Arabie Saoudite pour maintenir le plafond de production à 30 millions de barils/jours. Les Saoudiens qui sont les plus gros producteurs de pétrole au sein de l’organisation poursuivent en réalité des objectifs diamétralement opposés aux intérêts des pays membres de l’OPEP. Et si la stratégie de l’Arabie saoudite a « fonctionné » en 1985 en mettant « à genou » des producteurs « non OPEP »- mais avec des effets dévastateurs sur l’Algérie-, en réussissant à geler les cours et à faire fermer des gisements en mer du Nord et d’autres contrées, en devenant le producteur de référence, la conjoncture actuelle est différentes. Et les objectifs aussi. Pour Abdelmadjid Attar, ancien PDG de Sonatrach et consultant international en énergie, qui a été l’ « Invité du Direct » de Radio M, la webradio de Maghreb Emergent, les Saoudiens ont certes réussi dans les années 1980 à contraindre les pays non OPEP à l’image de la Russie et le Canada, notant que cette fois ci, la conjoncture est quelque peu différente. Les Saoudiens disent s’attaquer aux gaz et pétrole non conventionnels qui ne sont produits qu’aux Etats Unis et à une bien moindre proportion au Canada. Cette hypothèse ne tient pas la route, selon M. Attar.
La production du gaz et du pétrole de schiste aux USA va se poursuivre au-delà de 2015
Pour lui, l’hypothèse que les Saoudiens aient conclu une « alliance » avec les USA dans le but de pénaliser des grands producteurs comme la Russie et l’Iran se pose véritablement. « Si les Saoudiens pensent combattre les gaz de schiste aux USA, ils sont en train de se tirer une balle dans le pied, car la production du gaz et du pétrole de schiste aux USA va se poursuivre en 2015. Et même au-delà », a soutenu l’ancien PDG de Sonatrach. De plus, il y a plus de 200 000 puits qui produisent des gaz et pétrole non conventionnels aux USA et ont les quantités d’après les données de M. Attar s’élèvent à 2,6 millions barils par jour. Selon lui, les petits producteurs américains ont déjà investi et ont des obligations à respecter. En termes plus clairs, un baril à 70 dollars ne va pas faire renoncer les Américains à exploiter leurs gisements. Ils continueront à produire. Abdelmadjid Attar pense que les prix seront toujours aussi bas jusqu’à la prochaine réunion de l’OPEP. « La tendance baissière des cours pétrolier va durer au minimum 6 mois », a-t-il précisé. D’après lui, la production de gaz et pétrole non conventionnels continuera encore au minimum pendant une année. Ce qui soutient davantage, d’après lui, l’hypothèse d’une alliance Arabie Saoudite-Etats Unis. Et les effets commencent à se faire ressentir : la Russie vient d’annoncer qu’elle sera en récession en 2015. « Personnellement, je soupçonne quelque part, au-delà de la bataille contre les gaz de schiste aux USA, une alliance entre les pays du Golfe et pas seulement l’Arabie saoudite et les Etats unis et peut-être même les européens. Car un pétrole moins cher va permettre, d’une part, à l’Europe de souffler et même renouer avec la croissance », a estimé l’invité de la webradio de Maghreb Emergent. Et d’autre part, il y a une énorme bataille entre l’Europe et les Etats Unis d’un côté, et la Russie de l’autre qu’on veut absolument « mettre à genou ». Et la seule façon d’y parvenir n’est pas en évitant de leur livrer les fameux bateaux de guerre Mistral (que la France refuse toujours de livrer aux Russes à cause du conflit en Ukraine, Ndlr), mais d’user de l’arme du pétrole. D’autant que l’industrie pétrolière russe dépend de la technologie américaine. Les répercussions se font aussi ressentir sur le plan financier, le rouble s’étant substantiellement décoté.
L’Algérie aurait du se prononcer franchement pour une baisse de la production
Pour M. Attar, la question russe est venue s’ajouter au problème iranien. L’Iran première réserve de gaz au monde se trouve être le concurrent de l’Arabie saoudite, des Emirats arabes unis et du Qatar. Au-delà de la Russie et de l’Iran, l’ancien PDG de Sonatarch estime qu’il est aussi question pour l’alliance pays du Golfe-USA-Europe d’affaiblir le Venezuela qui a fait l’objet de tentatives de déstabilisation depuis l’accession au pouvoir de feu Hugo Chavez. Face à la stratégie de l’Arabie saoudite et quelle que soit sa motivation, que pouvaient faire des pays comme l’Algérie ? A ce propos, Abdelmadjid Attar estime que l’Algérie aurait dû se prononcer franchement pour une baisse de la production, d’autant que le Venezuela et l’Iran l’ont exprimé publiquement. « L’Algérie aurait dû afficher carrément une position très claire et en demandant notamment à l’Arabie Saoudite de réduire sa production et de dire c’est à vous de supporter une bonne partie de la baisse », souligne-t-il. Pour lui, l’Algérie a tout simplement manqué de solidarité envers le Venezuela et l’Iran.
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