La tension grandissante entre le candidat Ali Benflis et l’équipe qui mène campagne par procuration pour le président sortant Abdelaziz Bouteflika a atteint un pic à la veille de la clôture de la campagne électorale. Les lendemains du 17 avril risquent de ne pas être de tout repos. L’accumulation d’erreurs du camp présidentiel pourrait avoir été favorisée par une « réserve » dans laquelle se tiendrait le DRS.
La campagne d’Ali Benflis a gagné en intensité ces derniers jours. L’ancien Chef du gouvernement a été très combatif comme en témoigne sa pugnacité durant l’émission « Des questions et des programmes » sur l’ENTV, où les journalistes ont été particulièrement agressifs à son encontre. Durant cette émission, où une journaliste lui a demandé, dans un lapsus révélateur : « Si vous gagnez les élections, accepterez-vous la défaite ? », Ali Benflis a martelé qu’il n’acceptera pas la fraude électorale et qu’il ne se contentera pas de rentrer chez lui, comme en 2004. « Je ne me tairai pas. Quand un voleur vient chez moi pour me prendre mon bien, vous ne vous attendez pas à ce que je lui dise bienvenue… Les millions d’Algériens qui sont avec moi n’accepteront pas de se taire !»
L’idée d’une contestation dans la rue d’une éventuelle « fraude flagrante » est désormais évoquée ouvertement par des partisans d’Ali Benflis. Ahmed Lakhdar Bensaïd, ancien secrétaire général de la Coordination des enfants de chouhada, l’a affirmé au cours d’un meeting : « En cas de fraude avérée aux élections, nous occuperons la rue. Nous observerons, dans un premier temps, des sit-in permanents et pacifiques devant les sièges des commissions de surveillance des élections au niveau local et devant le Conseil constitutionnel. »
Ali Benflis ne veut pas être un « lièvre »
Cette détermination de Ali Benflis, qui semble refuser de se contenter de jouer le rôle de « lièvre principal », perturbe les partisans d’Abdelaziz Bouteflika dont le discours a consisté, justement, à mettre en avant la « stabilité » et à mettre en garde contre le « recours à la rue ». Le camp présidentiel a également, par ses bévues, contribué à renforcer la campagne de l’ancien Chef du gouvernement. Le gag sur les Chaouia de Abdelmalek Sellal à causé des gros dégâts pour ce camp à l’est du pays. Une bipolarisation de fait s’est instaurée entre les deux candidats reléguant au second plan les autres.
Le cours de la campagne avec ses bévues, ses incidents et ses violences ne s’est pas déroulé comme prévu pour le camp présidentiel. Du coup, même s’ils se considèrent gagnants d’avance, les défenseurs du 4ème mandat sont pris par le doute. La pugnacité et la combativité apparentes de Ali Benflis leur fait craindre une contestation de la victoire annoncée.
Un procès en règle
Le communiqué rendu public aujourd’hui par la direction de la campagne d’Abdelaziz Bouteflika fait un procès en règle à Ali Benflis. Ses partisans sont accusés d’être derrière toutes les violences, y compris celles de Ghardaïa, où, pourtant, elles se sont installées dès la fin 2013. Le principal rival du président sortant est accusé de « menacer » les walis et les chefs de daïras et de « semer le doute sur la transparence des élections », se posant « de façon anticipée en victime de fraude et posant sa victoire comme inéluctable, malgré les signes, qui ne trompent pas, d’une débâcle électorale annoncée le concernant ».
Le camp Bouteflika est certain de la « très probable défaite » de Ali Benflis et l’accuse d’être animé d’«ambitions égoïstes » et de semer la « discorde » et la « division ». Une diatribe violente qui risque de ne pas être dissuasive, Ali Benflis estimant que les conditions sont réunies pour que 2014 ne soit pas un remake de 2004 où, martèle-t-il, « c’est la fraude qui a gagné ».
Le DRS aux abonnés absents ?
La nouveauté pour 2014 est que l’élection présidentielle se déroule sur fond de crise sérieuse au sein du régime. Cette crise s’est exprimée à travers la charge – sans précédent pour un homme politique du système – d’Amar Saïdani contre le chef du Département du renseignement et de la sécurité (DRS), le général de corps d’armée Mohamed Mediene dit Toufik.
Un des buts de cette attaque virulente a été d’obtenir que le DRS n’interfère pas dans l’élection présidentielle. Le vœu a été amplement exaucé selon les observateurs, et l’accumulation des erreurs et des bévues du camp présidentiel en a été un « indice ». Une des fonctions principales de la police politique jusque-là était de s’assurer que les lièvres restent dans les limites du jeu imparti. Mais comme le DRS est aux abonnés absents pour la présidentielles, il pourrait continuer à l’être le 18 avril prochain. Ali Benflis décidera de lui-même ce qu’il fera ce jour-là à minuit en « cas de fraude ». Et cela se passe dans un contexte où une polarisation Est-Ouest, favorisée par les bévues d’Abdelmalek Sellal, commence à s’installer.
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