Les tensions actuelles ne sont que passagères selon les informations recueillies auprès d’importantes personnalités de l’hexagone reconnaissant que le quotidien « le Monde » a commis une bourde en affichant la photo du président Bouteflika à la Une qui n’est pas concerné et qui n’a jamais été cité personnellement par le contenu de l’article, au lieu du ministre de l’industrie cité dans l’enquête de « Panama papers ». Nos interlocuteurs soulignent que l’intensification de la coopération ne sera possible que si la France a une approche réaliste se fondant sur un partenariat gagnant-gagnant loin du mercantilisme.
Les deux pays doivent avoir une vision commune de leur devenir afin également de contribuer ensemble à la stabilité régionale conditionnée par un véritable co-développement. Il ne s’agit nullement d’occulter la mémoire indispensable pour consolider des relations durables entre l’Algérie et la France. Il s’agit en ce monde impitoyable où toute nation qui n’avance pas recule, de préparer ensemble l’avenir par le respect mutuel. Pour ma part, j’ai souligné que l’Algérie entend ne pas être considéré sous la vision d’un simple marché. Et c’est dans ce cadre que doit rentrer un co-partenariat entre l’Algérie et la France, loin de tout préjugé et esprit de domination.
1- Quel la destination des échanges commerciaux de l’Algérie? Selon les statistiques douanières, l’Algérie pour 2015 accuse un déficit de 13,7 Mds USD en 2015 en raison de la baisse des cours des hydrocarbures et le taux de couverture des importations par les exportations s’est réduit a été de 73% contre 107% en 2014. Bien que son excédent commercial vis-à-vis de l’UE diminue en 2015, de -95,7% à 457 MUSD en glissement annuel en 2014 de 14,8% à 10,7 Mds USD, avec des flux de 51,1 Mds USD (-27,0% par rapport à 2014), l’UE demeure le premier partenaire commercial de l’Algérie avec une baisse de -36,1%, passant de 40,4 Mds USD à 25,8 Mds USD (soit 68,3% du total des exportations algériennes, contre 64,2% en 2014). Les importations algériennes en provenance de l’UE sont passées de -14,6%, passant de 29,7 Mds USD à 25,3 Mds USD (soit 49,2% du total des importations de l’Algérie). Mais le déficit concerne également l’Asie qui en 2015 est le deuxième partenaire de l’Algérie, avec des échanges commerciaux qui se sont établis à 14,4 Mds USD (- 18,6% en glissement annuel). Selon les statistiques officielles, elle couvre 23,0% des importations alors qu’elle n’absorbe que 6,8% de ses exportations, avec un déficit commercial vis-à-vis de cette région, -9,3 Mds USD, en augmentation de 22,6% par rapport à 2014, où le déficit n’était que de 7,6 Mds USD, en raison du déséquilibre de ses relations notamment avec la avec la Chine. Les échanges entre les pays du Maghreb représentent moins de 3% de leurs échanges globaux et les échanges avec les pays arabes (UMA comprise) ne représentent que 4,8 Mds USD, en baisse de -24,8% par rapport à 2014, soit 5,0% des importations algériennes et 5,9% de ses exportations. Les relations commerciales entre l’Algérie et les pays d’Afrique subsaharienne sont en baisse -19,6% à 442 MUSD, soient 0,7% des importations de l’Algérie et 0,2% de ses exportations. L’Espagne en 2015 est le premier client de l’Algérie, malgré une baisse de 31,2% du montant de ses importations, à 6,6 Mds USD, et l’Italie le deuxième, avec 6,2 Mds USD d’importations, en baisse de 25,6% par rapport à 2014. La France est le troisième client de l’Algérie, avec un montant de ses importations à 4,9 Mds USD (en baisse de 29,2%). Globalement, on observe une concentration de la demande adressée à l’Algérie : ses trois premiers clients représentent 46,7% du total de ses exportations en 2015 alors qu’ils ne représentaient que 39,4% du total en 2014. La France, pour la troisième année consécutive est le deuxième fournisseur de l’Algérie, derrière la Chine. Les exportations algériennes à destination de la France ont été de 6,744 milliards de dollars et les importations de 6,342 milliards de dollars. Les échanges pour 2014 entre l’Algérie et la France sont en valeur de 13,086 milliards de dollars. Pour 2015 la France détient 10,5% de parts de marché, pour un montant de 5,4 Mds USD, la Chine pour 8,2 Mds USD, avec 16,0% du marché; l’Italie est à la troisième place avec 4,8 Mds USD et 3,9 Mds US pour les importations d’Espagne. La France reste pourtant le premier investisseur hors hydrocarbures en Algérie avec un stock d’IDE estimé par l’ambassade de France à Alger à plus de 2,2 milliards de dollars. Les principaux postes d’exportations françaises demeurent les céréales (20,2% du total), les véhicules automobiles (12,2%) et les produits pharmaceutiques (11,1%). En retour, les importations françaises se composent à 95% d’hydrocarbures. Selon les données du trésor français, quelque 6.000 sociétés françaises exportent en Algérie, 450 ayant permis de créer 40.000 emplois directs et 100.000 emplois indirects (1).
2.-Quelles perspectives ? Les échanges peuvent être intensifiées dans tous les domaines agriculture, industrie, services, tourisme, éducation sans oublier la coopération dans le domaine militaire où l’Algérie peut être un acteur actif comme le montre ses efforts en vue de la stabilisation de la région. Aussi, l’intensification de la coopération ne sera possible – tout en n’oubliant pas le devoir de mémoire – que si l’Algérie et la France ont une approche réaliste du co-partenariat, un partenariat gagnant-gagnant loin du mercantilisme et de l’esprit de domination. Les deux pays doivent avoir une vision commune de leur devenir. La symbiose des apports de l’Orient et de l’Occident, le dialogue des cultures et la tolérance sont sources d’enrichissement mutuel. Les derniers évènements devraient encore mieux nous faire réfléchir, évitant cette confrontation des religions car autant l’islam, le christianisme que le judaïsme ont contribué fortement à l’épanouissement des civilisations, à cette tolérance en condamnant toute forme d’extrémisme. La mondialisation est un bienfait pour l’humanité, à condition d’intégrer les rapports sociaux et ne pas la circonscrire uniquement aux rapports marchands en synchronisant la sphère réelle et la sphère monétaire, la dynamique économique et la dynamique sociale. Au moment de la consolidation des grands ensembles, enjeux de la mondialisation, le rapprochement entre l’ensemble des pays du Maghreb est nécessaire pour une intensification de la coopération avec la France et l’Algérie via l’Europe à la mesure du poids de l’histoire qui nous lie. L’intégration du grand Maghreb devrait servir de pont entre l’Europe et l’Afrique, les avantages comparatifs à moyen et long termes étant pour les deux pays en Afrique, continent d’avenir et à fortes potentialités, sous réserve de sous-intégrations régionales, de la valorisation de l’économie de la connaissance et d’une meilleure gouvernance. Par ailleurs, n’oublions pas le nombre de résidents d’origine algérienne en France, estimée en 2012 à 4 millions, dont 2 millions de binationaux. Quel que soit le nombre, la diaspora est un élément essentiel du rapprochement entre l’Algérie et la France, du fait qu’elle recèle d’importantes potentialités intellectuelles, économiques et financières. La promotion des relations entre l’Algérie et sa communauté émigrée doit mobiliser à divers stades d’intervention l’initiative de l’ensemble des parties concernées, à savoir le gouvernement, les missions diplomatiques, les universités, les entrepreneurs et la société civile. Comme le note justement le professeur Jean-Louis Guigou, délégué de l’Ipemed et conseiller du Président français, il faut faire comprendre que, dans l’intérêt tant des Français que des Algériens et plus globalement des Maghrébins et des Européens et de toutes les populations sud-méditerranéennes, les frontières du marché commun de demain, les frontières de Schengen de demain, les frontières de la protection sociale de demain, les frontières des exigences environnementales de demain, doivent être au sud du Maroc, au sud de la Tunisie et de l’Algérie, et à l’est du Liban, de la Syrie, de la Jordanie et de la Turquie, passant par une paix durable au Moyen-Orient, les populations juives et arabes ayant une histoire millénaire de cohabitation pacifique.
3–Dans la pratique des affaires n’existent pas de sentiments, les entrepreneurs étant mus par la seule logique du profit. Mais la mise en œuvre d’affaires saines, comme l’image d’un pays, ne repose plus comme par le passé des relations personnalisées entre chefs d’Etat ou de ministres, mais doit être la résultante de réseaux décentralisés favorisés notamment par l’implication de la société civile d’ONG et d’entreprises dynamiques innovatrices. C’est que l’on assiste au niveau mondial à l’évolution d’une accumulation passée se fondant sur une vision purement matérielle, caractérisée par des organisations hiérarchiques rigides, à un nouveau mode d’accumulation fondé sur la maîtrise des connaissances, des nouvelles technologiques et des organisations souples en réseaux comme une toile d’araignée à travers le monde avec des chaînes mondiales segmentées de production où l’investissement, en avantages comparatifs, se réalisant au sein de sous-segments de ces chaînes. Mais il faut éviter toute vision de sinistrose, la situation étant différente de celle de 1986, ( dette extérieure inférieure à 4 milliards de dollars et des réserves de change de 143 milliards de dollars au 01 janvier 2016 ayant un répit de trois années) l’Algérie pouvant surmonter les difficultés actuelles sous réserve d’une gouvernance rénovée la réussite du partenariat industriel national et international n’est pas réalisable sans une autre gouvernance, une vision cohérente se fondant sur des réformes structurelles tant politiques, sociales (dont le marché rigide du travail) qu’économiques. Il faut éviter de voir l’ennemi extérieur de partout car les réformes dépendent avant tout des Algériens si l’on veut bénéficier des avantages comparatifs mondiaux. Les tactiques doivent s’insérer au sein de la fonction/ objectif stratégique qui est de maximiser le bien-être social de tous les Algériens. L’objectif d’un gouvernement n’est pas d’être forcément populaire (vision populiste de court terme) mais d’engager des réformes structurelles qui hissent l’Algérie comme pays émergent à moyen et long terme. Pour cela, la dominance de la démarche bureaucratique devra faire place à la démarche opérationnelle économique avec des impacts économiques et sociaux positifs à terme. Cela suppose un profond réaménagement des structures du pouvoir. Aussi, face aux nouvelles mutations mondiales, l’Algérie confrontée à la transition vers une économie productive intimement liée à la transition énergétique, a besoin surtout d’une accumulation technologique et managériale.
En résumé, selon les derniers rapports internationaux, l’Algérie est un acteur incontournable pour la stabilité de la région, sous réserve qu’elle approfondisse l’État de Droit et la démocratisation de la société afin de réaliser un développement durable. Les tensions actuelles entre l’Algérie et la France ne sont que passagères selon les informations recueillies auprès d’importantes personnalités de l’hexagone reconnaissant que « le quotidien le Monde a commis une bourde en affichant à la photo du président Bouteflika qui n’est pas concerné par le contenu de l’article, au lieu du ministre de l’industrie cité dans l’affaire des évasions fiscales de l’enquête de « Panama papers », touchant des personnalités de la majorité de la planète. Il s’agit d’entreprendre ensemble dans le cadre du respect mutuel. C’est dans ce cadre que doit rentrer un partenariat gagnant/gagnant entre l’Algérie et la France, loin de tout préjugé et esprit de domination.
Paris le 8 avril 2016
*Professeur des Universités, expert International
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(1)- A l’occasion de la visite du premier ministre français le professeur Abderrahmane Mebtoul a donné une interview à l’hebdomadaire le Point Afrique ( 24/03/2016) et à l’hebdomadaire français l’Express (07/04/2016 Paris) sur les perspectives de la coopération Algérie-France où ont été mis en relief les faiblesses mais également les importantes potentialités de l’Algérie. Ce thème a été développé également par le professeur des Universités expert international Dr Abderrahmane MEBTOUL qui a été l’invité d’honneur pour l’Algérie le 07 avril 2016 à Marseille par l’organisation internationale « La Villa Méditerranée » où il a animé une conférence sur le thème « le partenariat gagnant/gagnant et le dialogue des cultures dans le cadre de la coopération Algérie/France, facteur de stabilité de la région africaine et euro-méditerranéenne » en présence de plusieurs centaines de personnalités politiques et économiques, d’experts internationaux, du Consul général et du personnel diplomatique du consulat général d’Algérie à Marseille.