Le budget alloué à la couverture sociale est de 112 milliards de dinars mais il ne parvient pas à équilibrer les chiffres de la CNAS (Caisse nationale des assurances sociales).
L’Algérie dépense beaucoup d’argent sur le secteur de la santé mais le fait de manière peu efficace. C’est, en substance, ce qu’ont indiqué des professionnels de la santé, réunis ce week-end au colloque international sur la santé organisé par l’université de Tizi-Ouzou.
Les participants à cette rencontre ont rappelé que les dépenses relatives à la santé représentent, en Algérie, 7% du PIB national, ce qui est tout à fait acceptable, les standards fixés par l’OMS (Organisation mondiale de santé) étant de 5% à 6% du PIB. Mais jusqu’à présent, déplorent-ils, la qualité n’est pas au rendez-vous.
Les intervenants se sont accordés pour dire qu’il y avait beaucoup de gaspillage dans le secteur de la santé. Lors de son intervention, le Pr Messaoud Zitouni mettra d’ailleurs l’accent sur le fait que les dépenses sur la santé seront de plus en plus grandes et que le défi sera inéluctablement leur rationalisation.
La tendance sera pareille, ajoute-t-il, en ce qui concerne le plan national anti-cancer. Il y a 50 000 cas en Algérie avec hélas un taux de mortalité plus élevé que dans les pays développés, déplore-t-il.
Hissé aux standards en matière de budget mais encore en retard sous différents aspects, le système de santé algérien manque affreusement d’évaluation. Le Pr Madjid Salmi a mis l’accent sur la nécessaire évaluation périodique des politiques de santé, préconisant à cet effet la création d’un organisme de certification des établissements de santé. Ce défi est une condition incontournable dans la perspective de réussir la transition imposée par plusieurs facteurs comme l’évolution démographique nationale et les conditions prévalant à l’international.
Beaucoup de défis attendent en effet le secteur au niveau national comme international. La gestion de la santé passe d’abord, par l’obligation de réussir la double transition sanitaire et démographique dont les premiers effets se font déjà sentir. La population algérienne vieillit de plus en plus appelant une hausse de la couverture sanitaire. Cette double transition sera difficile, de l’avis des Pr Fourtaki Moufida et Brahmia Brahim qui ont abordé ce sujet dans leur communication.
Le système mondial de santé en proie à l’avidité de l’industrie pharmaceutique
Toutefois, les objectifs de rationalisation des dépenses rencontrent des résistances au niveau local mais surtout à l’international. Le Pr Menasria abordera en ce sens un sujet d’actualité mettant l’accent sur la domination de l’industrie pharmaceutique dans l’élaboration des prix des médicaments.
Si l’Algérie, par ses capacités financières parvient à rogner cette tendance haussière, il n’en est pas de même pour tous les pays surtout dans le Sud de la planète. Aujourd’hui, affirmait le conférencier, une demande se fait sentir quant à la nécessité de mettre en place un organisme chargé d’intervenir dans l’élaboration des prix.
Ce monopole de l’industrie pharmaceutique rend la protection sanitaire très difficile. Pour illustrer cette domination sans limite de l’industrie pharmaceutique, l’orateur citera plusieurs exemples comme la différence qui atteint jusqu’à 300% entre le prix d’un médicament et son bio-similaire, c’est-à-dire son générique. Toujours sur le plan international, les conférenciers se sont accordés pour dire que les maladies non transmissibles et les plus mortels comme le cancer, les maladies cardiovasculaires, les maladies respiratoires et le diabète ne sont pas équitablement réparties entre les pays. 97% des cas sont déclarés dans les pays non développés.
112 milliards de dinars pour couvrir les remboursements des frais de soins
Par ailleurs, il était tout à fait prévisible qu’une grande partie des interventions soient axée sur la question de la sécurité sociale. Les participants au colloque ont rappelé que le budget alloué à la couverture sociale était de 112 milliards de dinars mais il ne parvient pas à équilibrer les chiffres de la CNAS (Caisse nationale des assurances sociales). Mme Abderrahmane Djouher évoquera, dans sa communication, l’origine de la situation qui remonte aux ajustements structurels imposés par le FMI au début des années 90. Ces changements provoqueront, par le chômage induit et les précarités et leurs conséquences, un déséquilibre qui est encore visible. Plusieurs conférenciers mettront, par la suite, l’accent sur la nécessaire rationalisation des dépenses dans ce chapitre important de tout système de santé.
Les présents au colloque ont assuré que la couverture sociale est de plus en plus limitée par les effets de la crise. Pour pallier ce déséquilibre, les conférenciers ont mis en relief plusieurs stratégies qui prennent en considération l’évolution de la transition sanitaire de l’Algérie. Les experts préconiseront, enfin, d’éviter de faire payer les malades les frais des solutions conjoncturelles comme celle de la limitation de l’utilisation de la carte Chiffa à trois ordonnances par trimestre à titre d’exemple.
Enfin, il est à noter la grande importance de cette rencontre qui a regroupé beaucoup d’experts nationaux et étrangers.
Kamel Naït Ameur