Avec une résonance économique planétaire, les stigmates tragiques du Coronavirus resteront indélébiles. Et les enseignements justes devront être tirés sur notre faillite multidimensionnelle: système politique, santé publique, industrie, économie numérique, finances publiques et tutti quanti.
Vastes chantiers pour rattraper tous les retards accumulés qui exigent une forte volonté politique et l’adhésion de tout le peuple dont la citoyenneté et la responsabilité exemplaires ne sont plus à démontrer. Et le chantier de la gouvernance locale dont l’indigence est flagrante n’est pas en reste.
Face à la crise financière qui s’annonce lourdement, la gestion locale doit s’approprier de nouveaux paradigmes pour en finir avec la gestion routinière, qui ne fait aucun effort pour mobiliser des ressources propres, qui s’accommode d’une organisation obsolète, qui délivre des services publics médiocres dont elle n’évalue ni le coût ni la qualité.
L’Etat aussi est astreint à revoir sa copie politique pour une décentralisation réelle qui restitue à la commune son autonomie et un aménagement territorial cohérent. Avec cette pandémie et son confinement socio économique, la prochaine fiche de calcul pour les budgets va être une douloureuse surprise pour les collectivités locales qui n’ont aucune marge de manœuvre fiscale, et encore davantage pour les communes défavorisés habituées à survivre à l’aide de dotations de solidarité ou de subventions d’équilibre qui risquent d’être sensiblement rognées dans le cadre de la prochaine LFC loi de finances complémentaire.
Paradigme de rationalité oblige, les APC ne pourront plus distribuer des subventions à tout-va, comme le font certaines des plus aisées, et doivent se mettre au diapason pour en finir avec le clientélisme et s’assurer de la traçabilité des fonds alloués, affecter des budgets de dépenses de fonctionnement par simple incrémentation d’un exercice à un autre, reconduire sans aucune analyse des enveloppes budgétaires rarement consommées qui alimentent des reports nuisibles, voter des investissements sans impact réel, ou encore geler des masses budgétaires là ou la prévision de pluri annualité est requise, laissant souhaiter une évolution de la comptabilité publique dans ce sens. Adaptation de la gestion budgétaire oblige, les APC doivent s’initier à la pratique du BBZ* Budget Base Zero et à l’arbitrage pour ajuster désormais les dépenses aux ressources disponibles et rechercher les pistes d’économies.
Paradigme de contrôle par la mise en place des procédures de contrôle interne pour lutter contre le gaspillage, éliminer la fraude, préserver le patrimoine des conventions contestables et respecter en permanence les normes légales, l’application de tableaux de bords de maîtrise des budgets avec l’analyse des écarts entre le réel et le prévisionnel pour identifier les causes, les responsabilités et les mesures de correction à engager tant sur le plan des objectifs que de l’organisation. Et une transition vers un dispositif de contrôle gestion indispensable pour mesurer l’efficience et mettre fin, aux politiques de privatisations de services publics tous azimuts (collecte des déchets ménagers – éclairage public – entretien des espaces verts) sans aucune évaluation du rapport coût et qualité de service fourni.
Paradigme de la gestion participative qui devient incontournable au regard de l’évolution sociologique, et la crise du Coronavirus a dévoilé toute la puissance de la citoyenneté engagée partout et avec force par le biais d’associations et de comités de quartiers dans des actions exemplaires de solidarité, d’hygiène publique, de soutien au corps de la santé. Implication du citoyen dans la gestion locale qui doit prendre toute sa place constitutionnelle pour la concrétiser loin de toute instrumentalisation sur des projets de partenariat avec la collectivité dans l’action sociale, l’amélioration du cadre de vie et pourquoi pas à terme sur les budgets communaux participatifs.
Vivement l’après Coronavirus. Et comme le dit l’adage « à quelque chose malheur est bon ». Faut il espérer voire l’Etat s’imposer à l’aune de la révision constitutionnelle une réelle rationalisation de la dépense publique avec des règles transposables sur la gestion locale et fondées sur ces paradigmes ?
Allaoua Mihoubi,
Université de Béjaïa.