Alors qu’elle n’a pas été citée dans le communiqué du parquet du 29 décembre dernier relatif aux poursuites contre Ihsane El Kadi, la société interface médias, éditrice de « Radio M » et « Maghreb Emergent » se retrouve, elle aussi, poursuivie après la requête du juge du 23 janvier demandant une enquête supplémentaire.
Deux jours plus tard, l’autorité de régulation de l’audiovisuel (ARAV), qui s’est constituée depuis comme partie civile dans le dossier, est auditionnée par le juge.
« La constitution de l’Autorité de régulation de l’audiovisuelle (ARAV) comme partie civile dans l’affaire s’est faite sur la base de l’article 107 régissant les activités dans le domaine audiovisuel », a indiqué samedi, lors de la conférence de presse, un des avocats de la défense, Me Said Zahi.
Cet article dispose, en effet, qu’est « punie d’une amende de deux millions à dix millions de dinars toute personne physique ou morale exploitant un service de communication audiovisuel sans l’autorisation prévue (…) la juridiction compétente ordonne la confiscation des matériels et installation utilisés pour l’exploitation du service de communication audiovisuelle concernée ».
«Le procureur a poursuivi la société Interface médias pour exercice sans autorisation, une infraction administrative, et non comme poursuite contre la personne morale, selon le droit public. L’ARAV n’a pas compétence à intervenir étant donné que les médias électroniques sont régis par un décret exécutif qui définit l’infraction et de façon graduelle, à commencer par la mise en demeure », précise, pour sa part, Me Zoubida Assoul.
Daté de décembre 2020, le décret exécutif relatif à la presse électronique stipule, dans une de ses dispositions, « en cas de non-respect aux obligations » contenues dans le texte, que l’ «autorité chargée de la presse électronique ou l’autorité chargée du service audiovisuel en ligne adresse une mise en demeure à l’organe de l’information en ligne, en vue de se conformer à la procédure requise dans un délai de dix (10) jours, à compter de la date de notification par lettre recommandée avec accusé de réception ou par voie d’huissier de justice ». Or, aucune alerte, ni aucune mise en demeure n’ont été notifiés auparavant à interface médias. Il faut aussi noter que le décret en question évoque une « autorité chargée du service audiovisuel en ligne », instance qui n’a pas été créée depuis.
C’est pourquoi, les avocats sont formels : il s’agit pour les autorités judiciaires de justifier la mise sous scellés des locaux de « Radio M » et « Maghreb Emergent » qui s’est faite de « façon illégale ». «Une entourloupe pour créer la confusion afin de justifier la mise sous scellés du siège de la société, qui n’ est pas légale et la saisie de son matériel en tant que personne morale et non des biens appartenant à la personne physique de El Kadi Ihsane », soutient Zoubida Assoul. Le collectif des avocats rappelle que le journaliste a été poursuivi en tant que personne physique par la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), dépendante de la présidence de la République. « Or, pour poursuivre la société qui est une personne morale, la justice s’est basée sur un procès-verbal de 2021 de la gendarmerie de Bir Mourad Rais qui, elle, n’a jamais poursuivi El Kadi Ihsane, ce qui prouve l’impartialité de la justice dans cette affaire », soutiennent les avocats.