Mourad Goumiri et Hassan Haddouche ont démontré, chiffres à l’appui, que le recours à une LFC est complètement injustifié et que les mesures qui sont préconisées dans ce projet sont « des folies » pour les unes et des aberrations « populistes » pour les autres.
Est-il nécessaire de recourir à une LFC dans la conjoncture actuelle ? « Une LFC doit être une exception. Or, on constate ces dernières années que le Gouvernement y fait recours systématiquement. Ce recours veut dire qu’il y a rupture des grands équilibres budgétaires et que le Gouvernement ne maitrises ni les recettes ni les dépenses », a expliqué Mourad Goumiri, expert en finance, lors du Café des Experts Eco de Radio M. De son coté, Hassan Haddouche, également expert en finance, a estimé qu’il n’y a aucune nécessité d’aller vers une loi de finance complémentaire dans la conjoncture actuelle. De fait, après le report de son adoption par le Gouvernement, il n’exclut pas qu’elle soit carrément abandonnée. Car, a-t-il estimé, « rien ne la justifie ». « Je ne comprends pas pourquoi recourir à une LFC pour rallonger le budget de 500 milliards de dinars alors que le Gouvernement est dans un TGV der dépenses depuis l’été derniers », a-t-il indiqué avant d’expliquer, chiffre à l’appui, son point de vue. « Beaucoup d’experts de commentateurs et même des voix officielles disent que nous sommes dans une logique de rigueur budgétaire. Or, c’est de tout le contraire qu’il s’agit. Dans la loi de finance initiale, le budget de fonctionnement a augmenté de 25% et le budget d’équipement a augmenté de 50% par rapport à 2017. Le gouvernement a dégagé un budget de 8500 milliards de dinars, soit 80 milliards de dollars, l’équivalent de la moitié environs de notre PIB, pour 2018 et on vient nous annoncer une rallonge de 500 milliards de dollars », a-t-il relevé en expliquant qu’une telle situation ne justifie nullement le recours à une LFC.
Gérer une année électorale
M. Goumiri considère que la rallonge de 500 milliards prévue dans la LFC de dinars serait peut-être destinée à combler les trous de la Caisses Nationale des Retraites qui a subi lourdement les conséquences des départs anticipés à la retraits de plusieurs milliers de personnes, ainsi que la Caisses nationale d’Assurance Sociale. Mais pas seulement. Il a également évoqué la rallonge affectée, dans le cadre de cette LFC, au ministère de la Défense qui est de 130 milliards environs ainsi que celle destinée aux secteurs qui connaissent des grèves récurrentes, notamment la Santé et l’Education, et qu’il convient de juguler par tous les moyens pour ne pas mettre le Gouvernement sous pression à la veille d’une élection présidentielle dont il est appelé à maitriser le résultat. Même analyse partagée par Hassan Haddouche qui estime que « le Gouvernement n’est pas, comme il se dit, dans une logique de rigueur budgétaire » et que, « tout au contraire », il œuvre à éteindre tous les mécontentements à travers une politique de distribution de type massif.
Taxe de 60% ou de 200% sur les produits importés : « une folie »
Les nouvelles taxes prévues dans le projet de loi de finance complémentaire sont inefficaces du point de vue aussi bien de Mourad Goumiri que de Hassan Haddouche et ne vont rien rapporter à l’Etat. « L’urgence, ce n’est pas d’instaurer de nouvelles taxes qui ne rapporteront rien sinon des miettes à l’Etat, mais d’élargir l’assiette fiscale. Ces nouvelles taxes ne vont rien rapporter à l’Etat, à l’exception des barrières tarifaires qui ont été proposées comme moyen de limiter les importations à la place du contingentement administratif. Toute mesures empêchant l’administration de s’impliquer dans le marché est excellente », a indiqué Mourad Goumiri. Toutefois, l’institution d’une taxe qui va de 60% à 200% pour les produits importés est, selon lui, « une folie » qui ne fera qu’encourager l’informel et la corruption. Hassan Haddouche, de son coté, a estimé que l’ensemble des taxes ne vont rapporter à l’Etat que 6 milliards de dinars au plus, « ce qui ne représente rien ». S’agissant de la taxe sur les produits importés, il s’en est réjoui tout en considérant que parler d’une taxe de 60% à 200% n’obéit à aucune logique et que le Gouvernement ne pourra jamais appliquer une telle taxe qui est complètement en porte-à-faux avec les accords qui régissent le commerce in international. « J’ai toujours été contre la limitation administration des importations. C’’est à travers des barrières tarifaires que cela devra se faire. Mais une taxe qui va de 60% à 200% sur les produits importés, c’est du non-sens », a-t-il affirmé.
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