Le gouvernement algérien n’arrive pas à mettre de l’ordre dans le marché domestique. La campagne lancée en été pour éradiquer le marché informel est un fiasco.
La valse des prix suscite de nouveau la controverse en Algérie. Le prix du lait, pourtant subventionné, a de nouveau subi une forte hausse, alors que la viande de poulet subissait une hausse de 25% à l’approche de la fête du Mawlid Ennabaoui. En cause, pour le lait, la hausse des prix de la poudre de lait sur le marché international, passée 2.500 à 5.000 dollars la tonne, selon le ministère du commerce. Quant au poulet, il ferait l’objet d’une baisse saisonnière dans la production, ce qui pousse les prix vers le haut.
Les opérateurs, eux, ne partagent pas cet avis. Ils mettent en cause l’extrême fragilité des circuits commerciaux. « La hausse des prix est immédiatement répercutée sur le consommateur. Par contre, la baisse des prix met beaucoup de temps à parvenir au consommateur », souligne un commerçant de gros de Bougara, près de Blida, où s’écoule une partie des fruits et légumes consommés dans l’Algérois.
Mohamed Tahar Boulenouar, président de l’Union des commerçants, met en accusation le ministère du commerce, qui n’a pas réalisé ses promesses en matière d’équipements. Une grande opération avait été lancée durant l’été 2013 pour doter toutes les régions de commerces de proximité et de marchés de gros, supposés insuffisants. « Le taux de réalisation de ces infrastructures est d’à peine 30% », selon M. Boulenouar.
Le poids de l’informel
Le gouvernement a créé une entreprise publique chargée de construire et de gérer les marchés. Malgré l’échec des entreprises publiques algériennes dans le domaine du commerce, M. Boulenouar a réclamé le rattachement des marchés, actuellement gérées par les communes, à cette entreprise publique. La gestion par les communes est une « catastrophe », selon lui.
Le gouvernement a aussi échoué à éliminer le marché informel, malgré un discours récurrent sur le sujet. L’Algérie comptait 2.000 marchés informels en 2012. Une campagne lancée il y a dix huit mois, à grand renfort médiatique, a permis de réduire ce nombre à 1.500 environ. Il y aurait donc en moyenne un marché informel par commune, face auxquels le gouvernement a été contraint de céder.
Autres facteurs qui contribuent à déstructurer le marché, l’insuffisance des structures de stockage, comme les chambres froides, et le nombre très limité de marchés de proximité. Selon M. Boulenouar, il y aurait un déficit d’au moins 1.000 marchés de proximité. Le résultat est inévitable, avec une « inadéquation évidente » entre les pris de gros et ceux du détail, selon M. Bouelenour, qui évite de parler de la responsabilité des commerçants. Il reconnait que les bénéfices des commerçants sur un produit de large consommation, comme la pomme de terre, est de 100%, mais il en impute la responsabilité à l’administration.
Produits dangereux
Cette situation provoque de nombreuses dérives, avec, en premier lieu, la forte présence du marché informel. Même si les chiffres sont le plus souvent fantaisistes, M. Boulenouar estime que les transactions informelles causent 300 à 400 milliards de dinars de pertes pour l’Etat. Selon lui, le défaut de facturation est « le premier facteur de la fraude fiscale », dans un secteur où « l’informel représente plus de la moitié » de l’activité ». Ceci « décourage les investisseurs potentiels », dit-il, ajoutant que l’exercice du commerce informel débouche sur un foisonnement de produits dangereux. 50.000 tonnes de produits périmes sont consommés annuellement en Algérie, dit-il, ajoutant que « ce chiffre est probablement sous-estimé ».