Se sentant « humiliés », les habitants du sud algériens demandent l’arrêt total de toutes formes d’exploration et d’exploitation du gaz de schiste et aussi, qu’on arrête de les considérer comme des citoyens de seconde zone.
Au lendemain de l’intervention de premier ministre Abdelmalek Sellal à la Télévision nationale, les habitants des villes d’Ouargla , In Salah, Adrar, Illizi et Tamanrasset, réinvestissent la rue pour dénoncer « la légèreté » avec laquelle leur cause est prise.
Un sit-in a été observé, ce matin, devant la maison de la Culture au Centre Ville de Tamanrasset, nous informe M. Lansari, président de l’association de jeunes Nass Tamanrasset. En réaction aux déclarations jugées ambiguës du premier ministre Abdelmalek Sellal hier,dans l’émission « Hiwar Essaa » où il a affirmé que le gouvernement n’a pas d’ordre de jour pour l’exploitation du gaz de schiste, mais qui serait uniquement en phase d’étude. « Les gens sentent une Hogra, un mépris total de la part des autorités vis-à-vis des appréhensions légitimes des manifestants », témoigne M. Lansari, qui précise que c’est le Mouvement Mafart et le Mouvement Conseil des Jeunes du Hoggar qui organisent les manifestations contre le gaz de schiste depuis le début de ce mois de janvier.
A Ouargla, le Comité National de Défense des Droits des Chômeurs (CNDDC), organise une manifestation à la place du peuple, au chef lieu de la wilaya, apprend-on de son bureau régional. « C’est le sentiment de la Hogra qu’on perçoit aujourd’hui, chez les manifestants de la place de la Résistance à In Salah », nous dit Abdelkader Bouhafs, Ingénieur à Sonatrach et membre du la commission des 22 (commission d’interlocuteurs entre les habitants de In Salah et les autorités, créée spontanément par des ingénieurs, des sociologues, des cadres et des citoyens de la ville, après le 01 janvier 2015). « Les habitants d’In Salah qui attendaient de pied ferme une réponse des officiels après plus de trois semaines de protestations, se sentent humiliées par les déclarations du premier ministre », affirme-t-il. In Salah, ville désormais symbole de la lutte contre l’exploitation de ce gaz non conventionnel, déçue par l’intrépidité du gouvernement, a reçu aujourd’hui une caravane de Solidarité en provenance de Tamanrasset (Hommes, Femmes et enfants), et une autre hier soir, en provenance d’Adrar, nous confirment nos interlocuteurs.
Il y a une méconnaissance de la réalité du terrain et de la population
Des manifestants sont également dans les rues d’Adrar depuis les premières heures de la journée, nous confirme Mouhad Kasmi, fondateur du CNDDC d’Adrar, et organisateur de la marche qui est partie aujourd’hui de la bibliothèque municipale de la ville en direction du siège de la Wilaya. « 1200 personnes ont répondu au premier ministre qui a dit que nous ne sommes que dans une phase d’essai, que nous ne voulons, ni exploitations, ni explorations, ni essaie). Ce militant anti-gaz de schiste trouve que les discours des politiciens et des responsables du secteur de l’énergie traduisent une méconnaissance de la réalité du terrain et de la population. « Les habitants du sud se sont sentis humiliés par ces discours qui insinuent qu’ils seraient sujets à une manipulation ou qu’ils ne comprendraient pas les enjeux de cette énergie non conventionnelle. Les pouvoirs publics ont pris énormément de temps pour réagir avec un discours flou et condescendant », regrette M. Kasmi.
Ce militant rapporte aussi le rejet des habitants du désert de certains vocabulaires qu’ils jugent dégradants, voire péjoratifs. « Il faudrait que les politiciens changent leurs terminologies de Ahlana fi Sahra, khawatna fi Sahra, (Nos familles et nos frères au Sahara), par des Citoyens tout court. Car ce genre d’expressions sonnent l’exploitation sentimentale, et retentissent comme une considération de second degré accordée aux habitants de ce vaste territoire. Les discours politiques doivent s’adresser à tous les habitants de l’Algérie par la même terminologie « Al Mouatine- le Citoyen ».
Mouhad Kasmi fait également part de ses appréhensions quant à une utilisation de ces revendications populaires et légitimes par des parties malveillantes de quelque nature que ce soit.
Le lancement le 27 décembre dernier du premier puits d’exploration de gaz de schiste au bassin d’Ahnet près d’In Salah, a soulevé des mouvements de protestations dans plusieurs villes du sud, qui semblent loin de s’essouffler à la lumière des réponses du gouvernement.