La culture de la pomme de terre met en danger de mort les palmeraies ancestrales du Souf. Les eaux d’irrigation menacent les palmiers et l’Etat semble peu soucieux du développement de la phoeniciculture*.
Dans la région du Souf, à 650 km au sud-est d’Alger, la datte des palmeraies traditionnelles, appelées ghouts, fait la fierté du pays. Mais son existence est menacée. En cause : la remontée des eaux provoquée par l’extension des champs de pommes de terre.
« Sans le palmier, nous n’aurions jamais existé », finissent toujours par dire les plus âgés, quand on les interroge sur la phoeniciculture dans la région du Souf. « La datte cultivée dans les ghouts est unique au monde de par son goût et ses qualités de conservation », indiquent, toutes générations confondues, les habitants du Souf, les Souafa.
La datte ghars se conserve pendant trois ou quatre ans, sans difficulté, dans des greniers. Il se raconte même que pendant la Seconde Guerre mondiale, c’est elle qui a permis de sauver les habitants de la famine. Pour le découvrir, il suffit de prendre la route du Sud, à la sortie d’El Oued, en direction de Touggourt. Là, en plein Erg oriental, entre les dunes de plus en plus denses, au fur et à mesure que l’on s’enfonce vers le Sud, surgissent des tâches vertes : les ghouts.
Lovées au fond d’une cuvette à 10, 15 mètres de profondeur, ces palmeraies traditionnelles, creusées par l’homme dès le début du 15e siècle, ont cette particularité d’être situées près de la nappe phréatique, bénéficiant ainsi d’un système d’irrigation naturel.
Palmeraies traditionnelles vs « palmeraies modernes »
Dans la région du Souf, la plupart des palmeraies appartiennent à des particuliers qui récoltent leurs dattes en famille, de façon artisanale. Il existe très peu de groupes industriels spécialisés dans le domaine.
« Les dattes récoltées sont destinées soit aux grands commerçants qui sont dans l’exportation, soit au marché local », explique Abdelkader Louassaa, un des rares propriétaires de ghouts de la région qui continue à exploiter et à entretenir ses sept palmeraies traditionnelles.
« Je cultive toutes les variétés: la deglet nour, plutôt destinée à l’étranger car elle ne se conserve pas longtemps, le ghars pour le marché local et national et la degla beïda (datte blanche) très demandée en Europe car elle est utilisée comme farine pour bébé et adjuvant pour les yaourts ».
Malgré toutes leurs qualités, nombreuses sont les grappes de dattes nées dans les ghouts dont les fruits ne seront jamais savourés. Les agriculteurs tels qu’Abdelkader Louassaa, pionnier et « amoureux du ghout » comme il se définit, disparaissent progressivement. « Des 10.000 palmeraies de la région, il en reste maintenant quelques centaines », déplore-t-il.
Des tâches vertes d’un nouveau genre de plus en plus envahissantes
Depuis une dizaine d’années, de nouveaux types de cercles verts entachent la région du Souf. Plus petits et d’un vert plus clair que les ghouts, ils se répandent aussi vite que disparaissent les palmeraies traditionnelles. Ce sont des champs de pomme de terre.
« La wilaya d’El Oued est devenu un pôle de culture de la pomme de terre par pivot », explique Azzeddine Zoubidi. Or, cette nouveauté agricole menace directement les ghouts ancestraux. A force d’irriguer, l’eau s’infiltre dans la nappe phréatique qui finit par déborder et endommage les palmiers ». Et d’ajouter : « Les aides octroyées par l’Etat à la culture de la pomme de terre rendent l’activité bien plus rentable et attractive que celle des palmiers-dattiers des ghouts. On a demandé à l’administration d’éloigner les périmètres de la pomme de terre des ghouts et de soutenir le palmier comme elle soutient les autres cultures. On se prépare à faire entendre notre voix. Autrement, le tubercule risque de devenir les nouvelles oasis du désert. »
(*) Cet article a été publié initialement par le Huffington Post Algérie.