Une bonne nouvelle économique la semaine écoulée : Un privé algérien a signé une convention d’investissement importante avec un partenaire étranger. L’événement est passé un peu inaperçu pour cause de crise politique montante à cause de la démence du quatrième mandat. Karim Bencharif, P-DG de Sasace (producteur d’emballages pour les matériaux de construction) s’est associé au sud-africain PPC dans Hodna Cement (HCC) pour réaliser à Magra, sur le site du gisement, une cimenterie de 2,5 millions de tonnes par an. 400 emplois directs et 3000 à 3500 emplois indirects et augmentation de 10% de l’offre domestique de ciment. L’Algérie en importe 3,5 à 4,5 millions de tonnes par an. C’est donc bien une vraie bonne nouvelle. D’autant qu’elle met en scène deux nouveaux acteurs dans la filière dominée par le duo Gica-Lafarge : Karim Bencharif et l’investisseur sud-africain, le plus important cimentier d’Afrique australe. Mais, car il y a toujours un mais dans cette chronique, les délais de transaction algériens sont à nouveau pointés. Des délais qui accouchent de nouveaux coûts.
Le partenariat algéro-sud africain pour réaliser cette usine de ciment aurait dû se concrétiser en 2012. Les négociations ont buté sur la machine politico-bureaucratique du CNI. Le Conseil national de l’investissement, présidé par le Premier ministre, décide de fait, en Algérie, de qui s’associe avec qui et qui à droit à quoi, dès qu’il s’agit d’un investissement où des étrangers sont impliqués. Et où le montant dépasse les 50 millions d’euros. Avec HCC, le montant global de l’investissement est supérieur à 200 millions d’euros. Ce dossier a flotté entre le gouvernement Ouyahia et celui de Sellal. Pour finalement n’obtenir, au bout d’une éternité d’attente, qu’une application «partielle» des dispositions légales prévues pour ce type d’investissement dans les Hauts-Plateaux. Un marchandage abscons pendant que le déficit national en ciment enflait. Tous les financiers le disent. La mise en œuvre d’un projet est un élément-clé de sa rentabilité, et donc de sa réussite. Les plus de deux millions de tonnes de ciment de Magra auraient dû arriver sur le marché algérien au mieux en juin 2014, au pire en juin 2015, mais pas à l’été 2016 à cause d’un pilotage politique de l’investissement étranger en Algérie qui rallonge toujours de plusieurs années les délais de conclusion.
Le Maroc est devenu en 2013 le premier exportateur de voitures de la zone Mena (Moyen-Orient – Afrique du Nord) : C’est le contre-exemple d’un investissement étranger maîtrisé. Celui où les délais de transaction ne sont pas prohibitifs. Si l’investissement de Renault à Mekioussa, près de Tanger, a quelque peu vacillé avant son lancement, ce n’est que pour des raisons strictement d’opportunités de marché. Nissan, l’autre constructeur de l’Alliance, a décidé d’y renoncer en février 2009, au plus fort de la crise financière, avant de finalement revenir. Pas la faute à un blocage de l’administration. La première ligne de production de l’usine a donc pu démarrer en février 2012, dans le bon timing du ressac de l’offre européenne étranglée par l’arrêt continental de la consommation.
Le reste est un enchaînement prévu. Avec la logistique du performant terminal de Tanger Med, à moins de 50 km de Mekioussa, le coût de l’exportation des véhicules made in Maroc s’est ajouté comme un avantage concurrentiel à tous les autres avantages consentis au début de l’investissement par l’Etat stratège. Le 100 000e véhicule exporté le 5 septembre 2013 et un solde de 2,2 milliards d’euros à l’export pour l’automobile en 2013. Le Maroc devient donc le premier exportateur de voitures sur la rive sud Méditerranée devant la Tunisie, l’Egypte, mais aussi l’Iran, pays de la zone Mena. La deuxième ligne de l’usine de Tanger est entrée en production en octobre 2013. Il ne faudra pas tomber à la renverse, à Alger, à la publication des chiffres marocains d’exportation de voitures à la fin de l’année 2014. Juste faire le bilan en opportunités manquées ou décalées par le ralentisseur du CNI ces dernières années.
«25% des carburants consommés en Tunisie» sont des importations informelles à partir de l’Algérie : On peut trouver ce chiffre exagéré. Il émane cependant d’une étude de la Banque mondiale intitulée «Estimation du commerce informel à travers les frontières terrestres de la Tunisie». Il a été dévoilé à Tunis, capitale du pays qui bénéficie objectivement de ces transferts. Car, ajoute l’étude, «les raisons principales derrière ce commerce informel à grande échelle sont les différences des niveaux de subventions de chaque côté de la frontière». La Banque mondiale confirme ce que les Maghrébins savent intuitivement.
Les marchandises circulent dans le sens inverse de la subvention publique la plus forte. Il reste deux grandes options à l’Algérie, qui est la grande pourvoyeuse de produits aidés par le Trésor public. Fermer la dernière frontière avec un pays voisin – toutes les autres le sont déjà plus ou moins formellement – mais Ahmed Ouyahia n’est plus là pour cette option, ou alors revoir son système de prix interne, notamment pour les produits subventionnés. Et cela est totalement impossible pour cause d’accès d’électoralisme démentiel en 2014. La Tunisie vivra encore plus de l’aide informelle algérienne en 2014. Après tout, elle le mérite…
Artjcle paru dans le journal El Watan