Une »seconde » opération de régularisation des migrants en situation irrégulière a débuté au Maroc. L’opération, qui concerne des subsahariens, dont beaucoup sont »bloqués » au Maroc à défaut de partir en Europe via les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, est en quelque sorte une »bravade » du monarque, qui veut montrer sa proximité politique avec le continent noir.
La deuxième opération de régularisation des »sans papiers » au Maroc a débuté après le retour du Roi Mohamed VI d’une tournée africaine. La Commission nationale chargée de la régularisation et de l’intégration des migrants a immédiatement ouvert les bureaux des étrangers chargés de recevoir les demandes de régularisation dès le 15 décembre dernier au niveau de toutes les régions et préfectures. La régularisation sera conduite selon les mêmes conditions exigées lors de la première opération en 2014. »Dans la continuité d’une politique migratoire solidaire et inclusive », estime le ministère de l’Intérieur. Mais, concrètement, il n’y a pas que les subsahariens qui sont concernés par cette régularisation, qui va également profiter aux autres »étrangers », comme les réfugiés syriens ou Irakiens. Les critères fixés par le ministère marocain de l’Intérieur sont en effet assez sévères: sont donc concernés »les étrangers conjoints de ressortissants marocains, les étrangers conjoints d’autres étrangers en résidence régulière au Maroc, les enfants issus des deux cas susvisés, les étrangers disposant de contrats de travail effectifs, les étrangers justifiant de 5 ans de résidence continue au Maroc et les étrangers atteints de maladies chroniques. » Entre »l’instruction royale » et la note du ministère de l’Intérieur, il y a le fossé de la situation réelle des subsahariens, qui n’ont pas de »papiers », pas de travail régulier et donc qui ne peuvent justifier ni de la présence de »cinq ans de résidence », ni de »contrats de travail effectifs ».
Pas seulement les Subsahariens
Cependant, cette opération va également reprendre les demandes des subsahariens déboutés lors de la première régularisation, et dont les dossiers, non conformes, avaient été rejetés par la commission, qui avait annoncé que “la première phase de cette opération” avait concerné environ vingt-cinq mille personnes. Et, surtout, que cette régularisation avait un »caractère exceptionnel et ne prévoyait pas officiellement de seconde phase », selon des déclarations en février 2015 de l’ex-ministre délégué à l’Intérieur, Charki Draiss. La reconduction de cette opération serait une sorte de »bravade » de Mohamed VI, de retour d’une tournée dans plusieurs pays africains et après avoir posé ses conditions pour une ‘’réintégration’’ à l’Union africaine, notamment l’exclusion de la république Sahraouie de l’Instance africaine. Mais, surtout un »pied de nez » aux autorités algériennes, qui avaient reconduit aux frontières plus d’un millier de subsahariens, début décembre.
Les réserves du GADEM
Cependant, Mehdi Alioua, membre du Groupe Antiraciste d’Accompagnement et de défense des Etrangers et Migrants (GADEM), estime que »la première vague n’a pas été suffisamment accompagnée par une politique d’inclusion ». Il a expliqué à »L’Economiste » que »les raisons sont toujours par manque d’expérience, mais également parce qu’on n’a pas prévu qu’au bout d’un an que les régularisés allaient avoir leur carte périmée! » Au Maroc, les cartes de séjour n’ont une durée de validité que d’une année, renouvelable. Les seuls étrangers qui ont une carte de séjour de dix ans sont les Algériens, établis pour des raisons professionnelles ou familiales au Maroc. D’autre part, Mehdi Alioua estime qu’il n’y a pas d’instance nationale dédiée à ce dossier de prise en charge des migrants, »un Comité à l’intégration où siégeraient les ministères et la société civile’’. En outre, »il n’y a toujours pas de loi sur la migration et l’asile, pas de concertation avec la société civile, pas de loi contre le racisme, un code du travail discriminatoire avec la préférence nationale », a-t-il déploré. Selon le ministère de l’Intérieur, entre 25.000 et 40.000 étrangers »sans papiers » vivent au Maroc, et la plupart ont déjà »mis pied à terre » dans le pays, définitivement résolus à abandonner la poursuite de l’aventure vers l’Eldorado européen, qu’ils soient subsahariens, Syriens, Irakiens ou asiatiques.