Un marché intérieur assez conséquent, une production nationale qui couvre déjà 65 % de la demande locale ainsi qu’un accès facile aux marchés européens et africains ont permis au Maroc d’éveiller un intérêt marqué entre les principaux acteurs de l’industrie. Son secteur pharmaceutique reste dominé par des filiales de sociétés multinationales, et les quatre plus grandes d’entre elles contrôlent environ 44 % du marché.
À la fin du mois de mars, les plans pour renforcer le secteur pharmaceutique du Maroc et stimuler la production à valeur ajoutée ont fait un pas en avant essentiel.
Le gouvernement a annoncé avoir signé une série d’accords avec des associations pharmaceutiques locales, ouvrant ainsi la voie au lancement des premiers groupes pharmaceutiques du pays, aussi appelés « écosystèmes ». Bien que l’emplacement de ces groupes doive encore être officiellement communiqué, les médias locaux ont rapporté que le Grand Casablanca et Kénitra pourraient être choisis pour leur développement.
Selon les accords, le Maroc planifie d’accroître la production de médicaments et de dispositifs médicaux – tout cela faisant partie d’un plus grand effort pour stimuler le développement industriel dans le royaume, par le biais du Plan d’Accélération. Ce dernier cherche à augmenter la contribution de l’industrie au PIB de 14 à 23 % d’ici 2020, et à créer 500 000 nouveaux emplois.
Aides aux investissements
Le gouvernement a assigné 444m Dh (soit 40,6 m €) à la création de ces groupes, avec des segments spécifiques – incluant des dispositifs médicaux, des médicaments contre le cancer et biosimilaires, qui sont les versions génériques des médicaments biotechnologiques – destinés à recevoir la majeure partie des aides.
Les deux écosystèmes s’établiront sur sept hectares de terrain, et le premier groupe se spécialisera dans la fabrication de dispositifs médicaux alors que le deuxième se concentrera sur la production de médicaments, ainsi que la recherche et les activités de développement.
Afin de catalyser le développement de nouveaux produits et médicaments, le gouvernement a annoncé des plans visant à accélérer le processus d’homologation des médicaments et à réduire la durée d’obtention de l’autorisation de mise sur le marché.
Des aides financières additionnelles seront également offertes aux laboratoires qui obtiennent 60 % ou plus de leurs apports dans les firmes locales, permettant ainsi un plus grand bénéfice pour le pays.
Intérêt extérieur
Un marché intérieur assez conséquent, une production nationale qui couvre déjà 65 % de la demande locale ainsi qu’un accès facile aux marchés européens et africains ont permis au Maroc d’éveiller un intérêt marqué entre les principaux acteurs de l’industrie. Son secteur pharmaceutique reste dominé par des filiales de sociétés multinationales, et les quatre plus grandes d’entre elles contrôlent environ 44 % du marché.
« Le Maroc est un pays attractif pour les groupes pharmaceutiques internationaux qui souhaitent y établir leurs unités de production, plus particulièrement lorsqu’elles sont petites et spécialisées. Cela est dû à l’ensemble des accords de libre-échange du pays », explique Khalid El Attaoui, directeur de la société Tecnimede Groupe au Portugal, à OBG.
En début d’année, GSK, implantée au Royaume-Uni, a annoncé avoir choisi le pays pour y établir son nouveau centre régional d’Afrique du Nord. Entre temps, Biocad, l’entreprise de biotechnologie russe, a dit avoir prévu de s’associer avec les laboratoires marocains Sothema afin de produire de façon locale des médicaments contre le cancer. Ils avaient déjà collaboré dans le passé en fabricant des médicaments biosimilaires et des traitements contre l’hépatite C.
Ralf Halbach, ancien directeur général de l’entreprise suisse de biotechnologie Roche en Afrique du Nord, a affirmé quant à lui que le Maroc était bien placé pour tirer profit de la demande croissante en produits spécialisés, qui résulte généralement d’un PIB et de dépenses de santé par habitant très élevés.
« Au vu de la concurrence grandissante des entreprises indiennes spécialisées dans le secteur des médicaments génériques, il est probable que la commercialisation de produits spécialisés avec une grande valeur ajoutée devienne la stratégie de croissance privilégiée des multinationales qui opèrent sur le marché marocain », dit-il à OBG.
Échanges
Le gouvernement cherche à accroître les revenus du secteur pharmaceutique de 11md Dh (1md €) et à créer 5 000 nouveaux emplois d’ici 2020. Cela devrait permettre de voir la valeur ajoutée augmenter de 4,2md Dh (394,4m €) et de générer un excédent commercial de 7,8md Dh (713,9m €) dans le secteur.
Le manque d’une production à valeur ajoutée a mené le secteur à un déficit commercial de 6,4md Dh (584m €) en 2014, les dispositifs médicaux étant responsables de 1,7md Dh (155,6m €), soit environ un quart du total.
En spécialisant l’un des groupes pharmaceutiques dans la fabrication de dispositifs médicaux, le Maroc cherche à réduire les coûts d’importation de ces produits et à progresser dans la chaîne de valeur de la production. Actuellement, les productions locales restent très largement limitées avec des équipements à faible valeur ajoutée, comme les cathéters, les fils et les bandages.
Cette stratégie envisage que le Maroc suive les pas de quelques-unes des plus grandes économies mondiales, comme les États-Unis, la Russie, l’Inde et une poignée de pays européens, où les groupes pharmaceutiques permettent déjà de faciliter la recherche et le développement et d’accroître la production locale.
Moulay Hafid Elalamy, ministre de l’Industrie, est confiant quant aux chances du Maroc de développer son industrie et a signalé les atouts du pays, qui incluent selon lui une capacité de production conforme aux normes internationales, des coûts de fabrication compétitifs et une proximité avec les principaux marchés de consommation.
Alors que près de 60 % de la production nationale est déjà exportée, majoritairement vers l’Europe et les pays africains, le ministère de l’Industrie cherche à accroître les ventes à l’étranger, en commençant par le Sénégal et la Côte d’Ivoire et en fournissant une aide financière aux entreprises des groupes pharmaceutiques qui ciblent ces marchés.
Solutions à valeur ajoutée
Les nouveaux groupes pharmaceutiques arrivent après que le gouvernement soit intervenu en 2013 pour fixer les prix d’une variété de produits pharmaceutiques. En utilisant des prix équivalents pour sept pays de référence qui incluent l’Espagne, la Turquie et l’Arabie Saoudite, le gouvernement marocain a réduit de 30 % les coûts des médicaments génériques et brevetés, selon les rapports des médias locaux.
Cette politique avait pour objectif de faciliter l’accès aux médicaments pour les consommateurs marocains, parmi lesquels moins de 65 % bénéficient d’une couverture médicale et sont handicapés par leur pouvoir d’achat limité.
« Réduire les coûts des produits pharmaceutiques les a rendus plus disponibles et accessibles, et donc bénéfiques pour la société », explique Driss Chaoui, directeur général du laboratoire pharmaceutique local Afric-Phar, à OBG. « Toutefois, ces réductions ont transféré les marges de l’industrie pharmaceutique au secteur de la distribution, ce qui restructure l’industrie d’une manière qui ne bénéficie pas nécessairement aux patients marocains. »