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Présidentielles 2014

Le passage en force du président Bouteflika menace la stabilité de l’Algérie- Amira Bouraoui

Par Maghreb Émergent
avril 9, 2014
Le passage en force du président Bouteflika menace la stabilité de l’Algérie- Amira Bouraoui

Amira Bouraoui

Amira Bouraoui, porte-parole du mouvement Barakat, ne veut pas d’un coup d’Etat ou d’une intervention de l’armée. Elle préfère un changement pacifique. La menace vient du « coup de force » que représente le 4ème mandat.

  L’Algérie est « dans un coup d’Etat ». Amira Bouraoui, porte-parole du mouvement « Barakat » a un point de vue tranché sur le quatrième mandat que brigue le président Abdelaziz Bouteflika à l’occasion de l’élection du 17 avril. C’est un passage en force qui déstabilise le pays, dit-elle. Elle refuse toutefois la violence, et souhaite que le pays évite une nouvelle intervention de l’armée. « On aimerait que ce système ne nous mène pas jusqu’au coup d’Etat, que l’armée n’intervienne pas », dit-elle.

Reçue mardi dans « l’invité du direct » de RadioM, Amira Bouraoui évoque l’expérience, toute récente du mouvement Barakat, un carrefour d’activistes fédérés par le quatrième mandat, à la suite du « haut-le-cœur » que fut l’annonce de la candidature du président Bouteflika. Résolument pacifique, Barakat se place sur le terrain politique, mais il refuse d’évoluer vers une organisation politique traditionnelle, préférant être un mouvement citoyen. Amira Bouraoui tente de naviguer dans la marge, très étroite, qui offrirait à de nouveaux militants de se frayer un chemin, sans tomber dans des formes d’organisations qui ont prouvé leur inefficacité. Un pari très risqué, car la tentation partisane est permanente. Amira Bouraoui admet que les membres de Barakat étaient déjà engagés auparavant dans de nombreuses luttes politiques. C’est le quatrième mandat qui a accéléré la naissance du mouvement. « On s’attendait » à cette annonce, dit-elle, mais « le choc fut énorme ». Des militants, qui avaient l’habitude de se rencontrer de manière ponctuelle autour d’actions précises, orientées sur les Droits de l’Homme et syndicales, ont alors senti le besoin de créer un nouveau cadre d’action, dans l’urgence. Barakat est né.

Barakat répondait à un besoin de la société

Le mouvement a rapidement pris de l’ampleur « parce qu’il répondait à un besoin énorme », dit-elle. Le pouvoir a ensuite commis une « première erreur », avec les arrestations, ce qui a « mis les projecteurs » sur Barakat, et aussi « sur un pouvoir qui a prouvé qu’il n’a rien de démocratique ». Barakat a rapidement trouvé des relais dans différentes régions du pays. Il a contribué à ce qu’il y ait « moins de peur ».

Pourtant, dit-elle, quand le président Bouteflika avait utilisé la fameuse formule « tab jnanou », en 2012, pour dire que sa génération devait passer la main, « j’avais cru sincèrement qu’il ne serait pas candidat, et qu’il ferait basculer l’Algérie dans la démocratie avant de partir ». C’était « naïf et utopiste », reconnait-elle. Barakat ne croit pas que la présidentielle du 17 avril apporte du nouveau. « Le match est joué d’avance depuis longtemps. Ils veulent maintenir ce Monsieur, parce que ce Monsieur leur permet de continuer le pillage de la nation », dit-elle. Par contre, elle estime qu’une période de transition est nécessaire. « Tout ce monde va s’asseoir autour d’une table », avec, espère-t-elle, une forte présence des « forces démocratiques ». Mais elle se félicite déjà que des mouvements, traditionnellement opposés, se rencontrent. « Tant mieux », dit-elle, précisant que Barakat travaille actuellement sur une plateforme concernant la transition.

« On ne veut pas d’une révolution arabe »

Amira Bouraoui ne croit pas pour autant que l’Algérie bascule dans le « printemps arabe ». Pour elle, « chaque pays a son histoire ». Celle de l’Algérie souffre d’un système politique devenu un frein à toute évolution, « une menace » pour le pays. Pour elle, « le système prend l’Algérie en otage ». L’Algérie a « son histoire, ses craintes, ses espoirs », dit-elle. « On ne veut pas d’une révolution arabe ». Elle revendique « une révolution citoyenne, pacifique, une révolution de la sagesse ». Pour elle, Barakat « est un sentiment citoyen, un haut le cœur citoyen, un sursaut, un éveil ».

Dans ce cheminement très rapide qui l’a propulsée au rang d’icône de l’opposition au quatrième mandat, Amira Bouraoui doit jongler entre son travail de médecin gynécologue dans un hôpital de la périphérie d’Alger, ses obligations familiales et des sollicitations permanentes. Comme faire 1.600 kilomètres par route pour participer à un sit-in à Labiodh Sid Cheikh, revenir à Alger, pour aussitôt préparer un autre long voyage vers l’est du pays, Batna, samedi prochain et Constantine. Il faut aussi répondre aux coups bas, nombreux, permanents. Mais Amira Bouraoui affiche une grande sérénité.

Coups bas

La main de l’étranger ? Ridicule, dit-elle. C’est le pouvoir qui fait tout pour se justifier aux yeux de l’étranger, tout en ignorant l’opinion des Algériens. Pour elle, ce n’est pas Barakat qui menace la stabilité du pays. « La stabilité du pays est menacée par le passage en force » que constitue le quatrième mandat. Elle note que la campagne électorale du président Bouteflika est basée sur la peur du chaos. « C’est Bouteflika et son système qui représentent le chaos », dit-elle, affirmant que « le seul risque que l’Algérie encourt est le risque de déstabilisation de ce pouvoir ». Elle ajoute, tranchée : « le passage en force est une violence, il risque de déstabiliser le pays ».

Amira Bouraoui a aussi été attaquée sur les réseaux sociaux et par une partie de la presse, qui laissaient entendre qu’elle serait la fille d’un général du DRS, et que l’action de Barakat s’inscrirait en toute logique dans le cadre du conflit qui oppose l’état-major de l’armée et le DRS, le premier favorable à un quatrième mandat du président Bouteflika, le second y étant hostile. Amira Bouraoui précise qu’elle est elle-même médecin gynécologue, et que son père est un médecin militaire qui a pris sa retraite il y a vingt ans pour travailler dans le privé. « C’est mon meilleur ami », mais leurs opinions politiques divergent, ce qui permet d’avoir des rencontres familiales « très animées », dit-elle.

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