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« Le programme tunisien de Smart City pourrait s’appliquer à l’Algérie » (Borhene Dhaouadi président de TSC)

Par Nabil Mansouri
septembre 18, 2022
« Le programme tunisien de Smart City pourrait s’appliquer à l’Algérie » (Borhene Dhaouadi président de TSC)

À l’occasion de la rencontre organisée par Busness Med, le 14 et 15 septembre dernier à Malte, le développement de Smart City, figurait parmi les sujets abordés par les panels. Maghreb Emergent s’est rapproché du président de l’Association « Tunisian Smart Cities » (TSC), Borhene Dhaouadi, qui est aussi architecte et directeur développement Méditerranée chez « Setec International ». Il nous raconte l’expérience tunisienne dans ce domaine.

Maghreb Emergent : Quelle est selon vous, en tant que professionnel et architecte, la définition de Smart City ?

La définition, en tant qu’originaire de la rive sud de la Méditerranée et en tant qu’architecte également, est qu’une ville résiliente et intelligente est une ville qui offre un cadre paysagé urbain et architectural qui favorise le bien être du citoyen. Pour la seconde partie de la définition, c’est une ville aussi, qui fait appel à une technologie, mais ce n’est pas une fin en soi. C’est-à-dire qu’elle n’utilise la technologie qu’au moment convenu en fonction des besoins des gouvernants et des citoyens.

ME : Qu’elle est l’importance d’une Smart City pour des pays émergents comme ceux du Maghreb ?

Dans nos pays du Maghreb, on est en train de subir l’urbanisation. Elle n’est pas maitrisée. Il y a des plans d’aménagements urbains qui ne sont pas respecté et aussi cette problématique de la non-maitrise de l’évolution et du développement urbain.

La ville intelligente et résiliente, c’est celle qui prévoit et anticipe son développement urbain, tout en le contrôlant et le maîtrisant pour mieux, encore une fois, servir les habitants. C’est bien-beau de laisser les gens construire n’importe comment après compléter avec des petites commodités- de l’eau de l’électricité et de l’assainissement- et au final, on se retrouve avec un mélange de style et paysage urbain et architectural qui est ennuyeux et ne favorise pas le bien-être des citoyens.

Aujourd’hui l’enjeu majeur pour les pays émergents est la maitrise du développement urbain, du cadre architéctural des opérations de développement des territoires.

ME : Selon vous, peut-on dire que les gouverneurs et décideurs de ces pays émergents, sont assez impliqués et engagés dans la concrétisation des projets de Smart City ?

En fait, nos gouvernants n’ont pas le choix. Soit ils continuent de gérer la médiocrité quotidienne, avec toute sa lassitude et ses contraintes, ou bien, ils déclenchent un programme de transformation de leur territoire. Et ce dernier, n’est pas un projet à court terme. Il est surtout socioéconomique et politique à long terme.

Alors les politiciens qui veulent du résultat tout de suite, pour se faire élire l’année d’après, forcément ils ne vont pas être intéressés. Ils géreront plus le quotidien et le populisme en disposant quelques aménagements et commodités par-ci et par-là. Nous, on a envie de travailler avec des hommes et des femmes politiques qui veulent transformer réellement et ne pas mentir à la population.

Sur un autre plan, il y a la question de la continuité politique. Si on change de camp politique, de responsable, ou de mère comment garantir la continuité de l’action autour de la Smart City ? pour l’assurer, la vision du territoire à l’horizon 2050 ou même 2100, doit être concertée avec la population dans le master plan de la ville (étude stratégique). Si c’est la population qui décide de ce plan, les politiques, quelle que soit leur tendance, ils appliqueront forcément la volonté des citoyens.

ME : Le tissu d’entreprises et start-up qui existe actuellement dans les pays maghrébins est-il assez développé et consistant pour la réalisation de ces villes intelligentes ?    

Le fait d’avoir des initiatives Smart City dans nos territoires du Maghreb et la rive sud de la Méditerranée, c’est un terrain de jeux pour nos start-up, nos entreprises et nos jeunes. Il faut que ces initiatives existent pour créer et ouvrir des champs de rêve sur nos propres territoires, et laisser les jeux d’expérimenter et développer des solutions chez eux, pour qu’ils puissent les exporter par la suite.  

Sinon, on va se retrouver avec des jeunes qui vont rêver et trouver leurs solutions ailleurs, pour revenir avec des solutions trop chères que nous ne pourront même pas acheter chez nous. Donc, comme nous investissons dans les écoles pour nos enfants il faut faire de même pour créer des champs d’application et du terrain favorable et laisser les jeunes faires des POC (prouve of concept) en leur facilitant la tâche sur leur propre territoire pour éviter qu’ils le fassent ailleurs.

Si on ne créé pas une vraie logique de développement au niveau des zones reculées, à travers les citoyens même de ces zones-là, personnes ne le fera à leur place. Alors, il faut créer des rêves de villes résilientes, durables de demain et surtout, désirables, sur l’ensemble de nos territoires. Laissant nos jeunes travailler là-dessus, pour pouvoir constituer cet écosystème et le faire grandir autour de ces thématiques.   

ME : Concrètement, Que-est-ce qui est aujourd’hui, l’action la plus importante à faire, pour entamer et mettre réellement en œuvre un projet de Smart City, loin des promesses et des plans théoriques qui ne verront jamais le jour ?

Les projets de Smart City se font à l’échelle d’un territoire, d’une ville ou d’un pays. Si nous prenons l’exemple de l’Algérie, le gouvernement doit faire un appel à projet pour les 58 wilayas du pays, afin d’intégrer un programme nationale « Algérien Smart Citys ».  En deuxième étape, on cherche les entreprises qui peuvent travailler dans ce domaine. Après il faut trouver les associations qui veulent rejoindre le projet sur son volet sensibilisation de la population. Ce qui va créer un écosystème national.

Ainsi, chaque ville doit s’engager sur les trois prochaines années, à réaliser un nombre d’objectifs, que nous avons défini chez nous en Tunisie, à 14. Chacun des objectifs, renvoie à un, deux ou trois des objectifs de développement durable qui sont de 17.  

Alors, la première des choses est la vision, après le Master Plan d’implémentation de la vision, vient ensuite le catalogue du projet à réaliser pour entamer la transformation. Après tout ça, il faut définir les périmètres de la Smart City. Comme par exemple, à Alger on définit le port comme premier périmètre de ville intelligente. Une fois ce point réalisé pour chaque wilaya, on aura un programme national de développement de Smart City, dans lequel, on pourra faire un appel à projet aux entreprises privées pour sa réalisation.  

Pour le périmètre choisi, il sera considéré comme une opération d’ensemble et l’Etat va lui donner une réglementation d’urbanisme spécifique ; un cahier des charges pour les infrastructures numériques spécifiques, une fiscalité spécifique (zone franche urbaine) etc.

Cette même opération a été réalisée en Tunisie, à travers le programme national « Tunisian Smart Cities » et qui pourrait être appliquée pour l’Algérie, car entre les deux pays, il existe beaucoup de ressemblances. Mais toutes ces opérations, ne peuvent être actionnées que par les hautes autorités d’un Etat. Si tu veux transformer ton pays, c’est ainsi qu’il faudra procéder ou presque. Ceci va surtout attirer les investissements et ouvrir les initiatives privées et même étrangères.

Entretien réalisé par N. Mansouri à partir de Malte

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