Pour l’expert des questions énergétiques Amor Khelif, « l’Arabie Saoudite ne pourra pas se désolidariser éternellement des autres pays de l’OPEP, dont elle aura probablement besoin dans les risques futurs du marché ».
Pour Amor Khelif, enseignant à l’Université d’Alger et spécialiste des questions énergétiques, les mêmes facteurs qui soutiennent la baisse du prix du pétrole seront à l’origine de sa hausse.
L’excédent de la production mondiale, estimé entre 2 à 3 millions de b/j et dont la suppression est sans cesse demandée par les pays producteurs les plus fragilisés par la chute vertigineuse de prix du baril, est tout à fait absorbable, a-t-il estimé dansune conférence animée ce matin à l’Université d’Alger intitulée « Entre les fondamentaux du marché et les manipulations à court terme ».
Amor Khelif, chercheur au Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (CREAD), a tenté dans son intervention d’expliquer le paradoxe de l’effondrement du prix du pétrole en temps de baisse des réserves et d’augmentation des coûts de production. La baisse des réserves mondiales et l’augmentation de la demande, juge-t-il, devraient de nouveau propulser les prix haut, si l’on s’en tient à la logique des fondamentaux du marché : « Dans les années 1960, les découvertes mondiales d’hydrocarbures étaient évaluées à 8 milliards de tonnes par an, et la consommation mondiale ne dépassait pas les 2 milliards de tonnes par an. En 2013, les marchés mondiaux ont consommé 4,4 milliards de tonnes, alors que les découvertes n’étaient que de 3 milliards de tonnes par an ! » Et d’ajouter : « On ne découvre plus de grands gisements comme celui de Hassi Messaoud ou de Ghour, en Arabie Saoudite. Ces deux gisements, par exemple, ont vu leur taux de récupération diminuer de 50% dans les années 1960 à 20% aujourd’hui, et cela peut être extrapolé aux autres gisements du conventionnel de part le monde. »
M. Khelif rappelle que le pétrole, qui couvrait dans les années 1970 plus de 60% de la consommation énergétique mondiale, n’en couvre aujourd’hui que 40%. L’Arabie Saoudite, avec 10,3 millions de baril/j, « tente d’assurer la pérennité de ses marchés, en handicapant les offres en provenance de l’l’offshore, qui couvre désormais 5% du marché énergétique mondiale, l’industrie du schiste qui produit actuellement 9 millions de b/j, et qui occupe les 10% des parts de la demande globale actuelle, ainsi que toutes les autres formes d’énergies renouvelables ». Dans cette démarche, explique l’expert algérien, le royaume saoudien est appuyé, « pour le moment », par les grandes firmes pétro-gazières internationales, qui détiennent 80% de la production énergétiques privée. D’un autre côté, ces mêmes firmes pétro-gazières, qui produisent notamment dans l’offshore et le non-conventionnel œuvrent à maintenir des prix bas du baril, le temps d’assurer leur transition énergétique, en s’établissant dans l’investissement des énergies renouvelables très couteux. Enfin, a-t-il souligné, les Etats-Unis, veulent gêner la Russie, l’Iran et surtout la Chine, qui sera à l’horizon 2030, le premier pays consommateur d’énergie dans le monde, et ce après l’avoir exclue des marchés énergétiques des pays du golfe Arabique et de la mer Caspienne.
« L’Opep a failli imploser à cause des tensions internes »
Etant donné que le prix du pétrole oriente les prix des autres énergies (gaz, renouvelables, etc.), il accentue les différends à l’intérieur de l’organisation des pays producteurs et exportateurs du pétrole (OPEP). Ce cartel, rappelle Amor Khelif, s’est constitué en 1960 « pour défendre justement les prix du pétrole et concurrencer les pays producteurs non-Opep et les firmes internationales, et non pas provoquer des concurrences entre les pays membres ». Il a échoué lors de sa réunion du 27 novembre dernier à défendre les intérêts pour lesquels il a été conçu : « Les différentes stratégies portées par les acteurs-clés de la production des hydrocarbures se confrontaient en son sein, ce qui aurait pu, à plusieurs reprises, provoquer son implosion ».
« Les prix du pétrole ne vont pas tarder à reprendre »
L’expert des questions énergétique, également ancien de la Sonatrach, pense qu’il y a un raccourcissement de la durée de rattrapage des cours de pétrole. « Quand le prix du baril avait baissé en 1986 de 40 à 10 dollars, son rattrapage n’a été possible qu’après 16 ans. La chute des prix du baril à 30 dollars en 2009, occasionnée par la crise économique de 2008, n’a pu être rattrapée qu’en 2011. Donc, la durée de récupération des prix du 1er trimestre 2014, ne sera pas lente », affirme-t-il. Et d’argumenter : « L’Arabie Saoudite ne pourra pas se désolidariser éternellement des autres pays de l’OPEP, dont elle aura probablement besoin dans les risques futurs du marché. D’autre part, les grandes firmes internationales, qui investissent également à des coûts faramineux dans les gisements offshore, ont un intérêt énorme à récupérer et à valoriser leurs investissements. Enfin, le gouvernement américain va finir sous pression des grandes firmes, par comprendre qu’il doit trouver d’autres stratégies pour bloquer l’avancée économique chinoise. »