Commentant l’ouverture aujourd’hui à Alger du sommet nord-africain du pétrole et du gaz, Abderrahmane Mebtoul rappelle que l’Afrique du Nord détient une part infime des réserves mondiales d’hydrocarbures et que de ce point de vue, elle n’a nul pouvoir sur le marché pétro-gazier mondial.
L’Algérie accueille du 7 au 9 décembre 2014 le Sommet nord-africain du pétrole et du gaz organisé par le cabinet The Energy Exchange, partenaire de Sonatrach. Il faudrait noter que cette réunion avait été prévue avant la baisse drastique des cours du pétrole et la décision de l’OPEP, le 27 novembre 2014, de maintenir le statu quo concernant sa production.
Pourquoi ce sommet nord-africain a-t-il peu de chances d’avoir un impact sur le marché des hydrocarbures ? Force est de reconnaître que les réserves de l’Afrique du Nord sont relativement modestes, tant en pétrole conventionnel (Algérie : 1,5%, Libye : 1,8% des réserves mondiales) qu’en gaz naturel conventionnel (Algérie : environ 2%, Lybie : 0,8%). Les pays de cette région ne peuvent donc influer sur les cours mondiaux des hydrocarbures.
Les plus grands producteurs de gaz conventionnel sont la Russie, l’Iran et le Qatar, qui totalisent plus de 50% des réserves mondiales, sans compter le Turkménistan (11%), l’Arabie Saoudite (4%), les Etats-Unis d’Amérique (3,7%) et le Mozambique qui, horizon 2016/2017, sera le 2ème ou le 3ème réservoir d’Afrique (plus de 3000 milliards de mètres cubes gazeux ), et sans parler des réserves en Méditerranée orientale (plus de 20.000 milliards de mètres cubes gazeux). Pour le pétrole, nous avons les Etats-Unis d’Amérique, avec, notamment, leurs réserves de pétrole de schiste, la Russie et l’Arabie Saoudite (plus de 35% de la production OPEP) et surtout l’Irak, qui a une capacité de production à un coût inférieur de 20% aux pays concurrents.
Vers la stabilisation des prix d brut à un niveau bas
La fixation des cours du pétrole échappe aux petits pays producteurs et les grandes compagnies, même présentes à titre symbolique, sont guidées essentiellement par le taux de profit. Le cours du brut continue sa chute depuis plus de six mois. En moyenne annuelle, une baisse d’un dollar par baril occasionne une perte de 700 millions de dollars. Selon les Echos.fr, dans son édition du 16 novembre 2014, une baisse de 35 dollars du cours du pétrole entraîne un transfert de 3 milliards de dollars par jour entre producteurs et consommateurs, soit plus de 1.100 milliards de dollars en moyenne annuelle.
Le brut devrait s’installer durablement à des niveaux très bas, compte tenu des fondamentaux à long terme du marché pétrolier. L’AIE rappelle que les énergies fossiles sont lourdement subventionnées, avec 550 milliards de dollars en 2013, soit plus de quatre fois les aides aux renouvelables. Elle prévoit que la hausse de la demande de pétrole restera bloquée à 1 million de barils supplémentaires par jour cette année et ne dépassera pas 1,2 million de barils en 2015.
Une baisse prolongée en dessous de 80 dollars n’arrangerait pas les producteurs américains. Une entente entre les USA, l’Arabie Saoudite (pour des raisons géostratégiques, les pays du Golfe suivront) et les plus grandes firmes pour un prix en dessous de 80 dollars pendant quatre années mettra en difficulté la Russie, l’Iran, le Venezuela et l’Algérie, ces pays étant les maillons faibles du marché pétrolier et gazier. La Russie a besoin d’un baril à 110-115 dollars pour boucler son budget, le Venezuela d’un baril de 160, l’Iran d’un baril de 140 et l’Algérie d’un baril à 120-125 dollars en 2014-2015, contre 110 dollars en 2011/2012 (le cours plancher de 37 dollars fixé par la loi de finances est un artifice comptable irréaliste et de peu de signification).
La baisse des prix relancera-t-elle les réformes ?
L’expérience historique de l’Algérie, de l’indépendance à nos jours, montre que seules les réformes structurelles peuvent engendrer un développement durable, créer de richesses et avoir un impact sur l’emploi utile et non des emplois rentes, notamment dans l’administration. Or, ces réformes sont freinées lorsque le cours des hydrocarbures augmente et sont menées timidement lorsque les cours baissent. Lorsque les prix augmentent, on assiste à des subventions généralisées pour acheter une paix sociale éphémère : 60 milliards de dollars entre les transferts sociaux et les subventions non ciblées, soit 27-28% du produit intérieur brut en 2013.
Pour l’Algérie le seuil de rentabilité doit être au minimum 10 dollars le MBU pour les canalisations et plus de 15 dollars pour le GNL. On peut découvrir des centaines de gisements non rentables, les réserves étant fonction du taux de récupération, du vecteur prix international, des différentes sources d’énergie concurrentes et des coûts.
Avec un cours moyen de 70-75 dollars le baril, les recettes de Sonatrach seront inférieures à 50 milliards de dollars. Pour un cours de 70-75 dollars, les pertes sont estimées à environ 25-30 milliards de dollars par an, le prix du gaz représentant plus de 30% de ces recettes. Celles-ci sont d’ailleurs déjà en nette baisse : 73 milliards de dollars en 2010/2011, 63 milliards de dollars en 2013 et 60 milliards de dollars annoncées par le ministre de l’Energie en 2014 mais devant aller certainement vers 55 milliards de dollars à cause de l’actuelle baisse des prix.
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