Le sujet que j’aborde ne touche ni à l’économie des hydrocarbures, ni au secteur financier mais aux relations dialectiques qui se tissent avec l’ensemble tant de la société que de l’économie algérienne en général et aux entreprises créatrices de richesses en particulier.
Le fondement du véritable développement doit reposer sur l’innovation continue, pour faire face à la concurrence internationale et pénétrer des marchés extérieurs, la ressource humaine, étant une richesse bien plus importante que toutes les ressources en hydrocarbures. Plusieurs questions se posent concernant le système financier algérien. Enjeu de pouvoir, cela explique que les réformes structurelles annoncées depuis plus de 40 années soient souvent différées, les banques publiques représentant plus de 85% du crédit octroyé. Cela explique aussi que toutes les mesures conjoncturelles, faute d’une coordination interministérielle-d’où l’importance d’un grand ministère de l’économie couplé avec un grand ministère de l’éducation- et surtout de vision stratégique, de la majorité des ministres des finances de 1970 à 2015, ont eu peu d’effets sur la croissance hors hydrocarbures
1. C’est une évidence d’affirmer que le système financier algérien a besoin d’être réformé, n’existant pas de banques accompagnant les véritables investisseurs et pas de véritables bourse des valeurs. Une hérésie économique des entreprises étatiques dominantes souvent déficitaires achetant des entreprises étatiques déficitaires. Ni Sonatrach, ni Sonelgaz et ni une grande entreprise privée comme Cevital n’étant cotée en bourse et deux importantes sociétés privées entrées en bourse le regrettent amèrement selon les déclarations officielles de leurs PDG. A partir de là, se pose en urgence la refondation du système financier. L’économie algérienne est totalement rentière avec 98% d’exportation d’hydrocarbures avec les dérivés hydrocarbures qui représentent plus de 70% des exportations hors hydrocarbures et important plus de 70% des besoins des ménages et des entreprises publiques et privées dont le taux d’intégration ne dépasse pas 10/15%. Tout est irrigué par la rente des hydrocarbures donnant ainsi des taux de croissance, de chômage et d’inflation fictifs. La sphère informelle, autonome vis à vis des sphères du pouvoir contrôle plus de 40% de la masse monétaire en circulation existant une intermédiation financière informelle. Les dernière mesures ne n’ayant pas cerné les fondamentaux a un résultat mitigé pour ne pas parler d’échec. Quelles sont les raisons de ma démarche réelle ? La richesse nationale créée puise sa source dans la relation du triptyque: stock physique (stock ressources naturelles d’hydrocarbures) – stock monétaire (transformation: richesse monétaire) – répartition (modalités et mécanismes de répartition: investissement-consommation-fonds de régulation). La société des hydrocarbures ne crée pas de richesses ou du moins très peu. Elle transforme un stock physique en stock monétaire (champ de l’entreprise) ou contribue à avoir des réserves de change qui du fait de la faiblesse de capacité d’absorption sont placées à l’étranger. On se demande alors pourquoi continuer à épuiser les réserves sachant qu’à ce rythme l’on ne dépassera pas 15 ans pour le pétrole et pour le gaz traditionnel tenant compte de la forte consommation intérieure et de la rentabilité économique des gisements ? La richesse ne peut apparaître que dans le cadre de la transformation du stock de monnaie en stock de capital, et là est toute la problématique du développement. Puisque cette transformation n’est plus dans le champ de l’entreprise mais se déplace dans le champ institutionnel (problème de la répartition). Dans cette relation, le système financier est-il- passif ou à l’inverse actif ? Un système, par définition, n’est jamais neutre, il porte toujours en lui un ou plusieurs enjeux.
2. Le système financier algérien porte en lui la substance de l’enjeu du fait qu’il cadre parfaitement la politique économique développée jusqu’à présent et son corollaire les sources et les modalités de son financement; du fait que l’on a faire à une économie de nature publique au sens ou la totalité des activités quelques soient leur nature se nourrissent de flux budgétaires c’est à dire que l’essence même du financement lié à la capacité réelle ou supposée du Trésor. L’analyse des lois de finances de et des lois de finances complémentaires et les modalités de répartition du budget de l’Etat sur la période 2000-2015 avec un colossal déficit budgétaire depuis la chute drastique du cours des hydrocarbures qui ira en s’accélérant entre 2016/2017, baisse du fonds de régulation des recettes (risque d’épuisement 2017) , baisse des réserves de change( risque d' »épuisement 208/2019) , accélération de la dépréciation du dinar au cours officiel ( la cotation sur le marché parallèle étant le 08 janvier 2016 à 188 dinars un euro) avec les risques de tensions inflationnistes et de la détérioration du pouvoir d’achat, que l’on comprime artificiellement grâce à la rente par des subventions généralisées et on ciblées; transitoires, le prouvent si besoin est. On peut considérer que les conduits d’irrigation, les banques commerciales et d’investissement, opèrent non plus à partir d’une épargne puisée du marché, éventuellement un reliquat du travail, mais par les avances récurrentes (tirage: réescompte) auprès de la Banque d’Algérie pour les entreprise publiques qui sont ensuite re-financées par le Trésor public en la forme d’assainissement (rachat des engagements financiers des EPE auprès de la Banque d’Algérie, plusieurs dizaines de milliards de dollars entre 1991/2015 alors que plus de 70% de ces entreprises sont revenues à la case de départ. En ce qui concerne la majorité des entreprises privées dont plus de 80% ont une organisation familiale peu ouvertes au management stratégique, il en existe certes mais ce sont des exceptions,, sans vouloir les stigmatiser, une analyse rapide de leur structure du capital et de leur structure de financement montre à l’évidence qu’elles sont dans des positions d’endettement vis-à-vis du système financier. Que ce soit pour leur investissement ou leur exploitation courante. Elles sont entièrement dépendantes de la « monnaie hydrocarbure ». Les entreprises algériennes d’une manière générale ne peuvent être compétitives et encore moins innovantes du simple fait qu’elles ne disposent d’aucun savoir qui, grâce à un faisceau de relations pour les « futées » d’entre elles, arrivent dans le cadre de partenariat à s’insérer dans un marché captif. Une simple observation du champ le prouve aisément. Il est évident que le manque de visibilité dans la politique socio-économique, une non clarté du politique quant au rôle que doit jouer le secteur privé, sur le terrain loin des discours, des institutions qui ne répondent pas aux normes internationales et les nombreux obstacles notamment bureaucratiques découragent les véritables producteurs de richesses à ne pas confondre avec les marchands car le capital argent n’est qu’un moyen et ne crée pas la valeur, et c’est une loi économique universelle.
3. Ainsi, la nature de la richesse, les modalités de sa formation et les mécanismes de sa répartition forment la trame du système économique algérien ne se réfèrent pas aux lois d’une « économie de marché ». Obéit-il à une doctrine ou une théorie économique ? Rien n’est moins sûr, ni évident. C’est un système économique construit sur un ensemble de réseaux portés par des intérêts financiers individuels à court terme, développant ensuite à long terme des stratégies d’enracinement. La théorie de l’enracinement nous enseigne que les élites créent des situations et des processus de manière à ce qu’elles se considèrent, à juste titre, indispensables. Cet enracinement n’est possible en réalité que par le fait de l’absence de définition de stratégie économique. Les erreurs de management quotidien sont couvertes grâce au transfert financier qui transite par le système financier et qui irrigue le système économique. C’est la répartition de la rente par les canaux ou les conduits du système financier. Les erreurs stratégiques sont possibles par le « siphonage des hydrocarbures » dont la conséquence, le modèle de développement par les hydrocarbures devient un obstacle majeur. Si on observe la ligne du temps, c’est-à-dire les dates qui consacrent les moments de stagnation puis de régression ensuite, parfois, des avancées, elle présente clairement certaines caractéristiques propres à justifier la conséquence énoncée plus haut.
En conclusion. La rente des hydrocarbures non autonomisée (syndrome hollandais) freine les réformes et au lieu d’être d’une bénédiction peut devenir une malédiction pouvant entraîner une grave dérive politique, économique et sociale. On peut assimiler pour l’instant la section exportatrice de Sonatrach dominante à travers les sections amont et commercialisation à une grande banque primaire Si on construit un graphique avec en ordonnées, une échelle de date (1970-2015) et en abscisses le prix du baril de pétrole (0-130 dollars), à prix constants, on trace ensuite une courbe, on remarque parfaitement les moments de stagnation et régression d’une part et les moments d’avancées. Plus le prix du pétrole est bas plus il y a émergence de potentiel de développement en ressources matérielles et ressources humaines. En revanche, plus le prix du pétrole s’accroît plus le potentiel de développement décélère, stagne et tend au final à régresser si le renchérissement du prix du baril de pétrole perdure. Tout cela en réalité renvoie à l’urgence d’une planification stratégique au sein d’une gouvernance rénovée. J’ai grand espoir en l’avenir de l’Algérie. L’Algérie sera ce que les Algériens voudront qu’elle soit. Le mal est en Nous et la guérison dépend avant tout des algériennes et algériens, impliquant un large Front National sans exclusive, tolérant nos divergences, source d’enrichissement mutuel. La nouvelle vision stratégique pour éviter le retour au FMI , une plus grande rigueur budgétaire, la moralité de ceux qui dirigent la Cité, de privilégier l’économie de la connaissance et le développement des libertés.
(*) Professeur des Universités, expert international Dr Abderrahmane MEBTOUL [email protected]