Durant son règne qui aura duré jusque-là 19 ans, 9 décisions hérétiques ont été prises ou reconduites qui handicapent l’économie algérienne et la condamnent à une déstructuration certaine.
Depuis son arrivée en 1999, Bouteflika a dépensé près de 1000 milliards de dollars pour financer ce qu’il appelle son programme » mais qui n’a jamais été rendu public. Au long de cette période, beaucoup de décisions ont été prises ; des bonnes, des mauvaises et des désastreuses. De son règne qui aura duré jusque-là 19 ans, 9 décisions hérétiques ont été prises ou reconduites qui handicapent l’économie algérienne et la condamnent à une déstructuration certaine.
La signature d’un accord d’association avec l’Union européenne et ses conséquences sur le régime douanier et fiscal. Ali Benouari, ancien ministre délégué du Budget, homme politique et expert international en finance, considère que cette décision est « une hérésie ». « Nous perdons la différence entre les taux de douane en vigueur avant et après l’accord d’association. Ce qui explique en partie l’énorme déficit budgétaire et le recours à la planche à billets. De plus, nos importations en provenance de l’UE ont augmenté de 400% entre 2005 (entrée en vigueur) et 2011, tandis que nos exportations hors hydrocarbures n’ont crû que de 20%, » explique-t-il.
La règle 51/49 qui permet aux étrangers de s’associer au capital et pas à l’investissement, soit qui leur permet d’être partenaire sans apporter le moindre sous est également une hérésie, selon lui. « Aucun pays émergent ne procède de la sorte. Car leur but est d’attirer les IDE. L’Iran, par exemple, ne fixe aucun seuil. L’étranger peut avoir 100% dans n’importe quel secteur, y compris la pétrochimie. Et les secteurs stratégiques utilisent le cadre des concessions de service public, qui permettent d’investir en PPP partenariat public-privé, soit en BOT, pour des durées très longues, qui assurent le retour de l’investissement », explique Ali Benouari. En précisant que les lois iraniennes facilitent l’accès au foncier, le libre transfert des dividendes et du capital, des avantages fiscaux et douaniers, etc.
La généralisation du système LMD et la massification de l’université qui détruit la formation professionnelle et pervertit la notion d’employabilité et déséquilibre le marché du travail. Selon Ali Benouari, « la massification est aussi une hérésie ». « Tous les pays du monde (Corée du Sud, Turquie, Malaisie, Tunisie, Maroc…) développent un système de formation mixte (privé-public) avec création de collèges et d’universités en langues étrangères. L’enseignement universitaire n’est plus le monopole de l’Etat. En concertation avec Saïd Sadi, j’avais proposé un tel système au gouvernement Ghozali en 1991. Ghozali était d’accord sur le principe mais a eu peur des conservateurs baathistes du gouvernement, qui eux mêmes craignaient que la privatisation du système secondaire et supérieur ne soient exploitée par les intégristes pour développer leurs propres écoles. Je maintiens ma position car on notre système d’enseignement ne doit être l’otage d’aucune considération », indique-t-il non sans rappeler que « Genève consacre 27% de son budget à la formation ».
La gestion du conseil national d’investissement et les restrictions aux investissements qu’il impose. L’ancien ministre délégué au budget estime que « le CNI est obsolète dans sa philosophie et sa méthode ». Selon lui, « il faut l’intégrer dans une politique d’encouragement de l’investissement privé, surtout des PME » avant d’aller vers « la création de banques d’affaires et d’institutions de capital risque privées, à l’instar de ce qui se passe partout, y compris chez nos voisins ». C’est tout le secteur financier qu’il faut réformer et moderniser, pour introduire des instruments et des mécanismes de gestion qui permettent de mobiliser l’épargne privée et publique, » recommande-t-il.
Le contingentement des importations. Cette décision qui été prise pour réduire la facture d’importation dans le sillage de la chute des prix du pétrole, c’est, selon Ali Benouari, une gestion par défaut, inefficace de surcroît car l’économie est largement privatisée. En effet, celui-ci considère que d’autres armes existent si on ne se focalise que sur cet objectif et pas d’autres, comme le développement des exportations, en citant l’exemple du taux de change qui est surévalué et qui est une forme de subvention déguisée. « En ajustant le taux de change, on peut diminuer sans interventionnisme les importations. De plus on rationalise par ce biais la ressource devises et on tarit une source importante du marché noir, du gaspillage et de la corruption’, appuie-t-il.
Le dopage des entreprises publiques défaillantes est analysé par Ali Benouari comme étant un gaspillage de ressources et une source de corruption et de clientélisme. Le pire est que cette situation dure depuis des décennies sans qu’on ose remettre en cause cette populiste politique qui consiste à toujours privilégier la paix sociale sur la rationalité économique. « Il faut les privatiser par le biais de la bourse, et cette privatisation doit profiter en priorité aux travailleurs de ces entreprises. Je peux vous citer l’exemple de la privatisation réussie de la Société Générale en 1986 et témoigne que j’en ai profité en tant que cadre. Les employés recevaient des actions gratuites et des actions à prix préférentiel », estime Ali Benouari qui récuse les privatisations telles qu’elles sont faites jusque-là.
Les subventions massives et leur augmentation outrancière qui détruisent les logiques marchandes. Cette problématique est, pour Ali Benouari, plus une question de pertinence que de montant car les salaires sont trop bas. M. Benouari rappelle que l’Algérien moyen consacre 80% de son salaire à se nourrir et à se soigner, les 20% qui restent ne suffisant pas à se loger, à se vêtir, à couvrir ses frais de transport, etc. « Les transferts sociaux sont là à cause de cette anomalie.On pourrait tripler les salaires sans dommage pour l’économie nationale, au contraire, si on procédait à des réformes de structure. Parmi lesquelles le réarmement douanier, la révision et la rationalisation des dépenses budgétaires (les anciens moudjahidines représentent le budget de 9 ministères importants, les dépenses de sécurité le tiers du budget total, soit l’équivalent de tous les ministères (hors l’Education nationale, qui représente 15% du budget de fonctionnement). Ajoutez à cela que le budget d’équipement lui même, n’équivaut qu’à la moitié du budget de fonctionnement et qu’il est constitué pour une bonne partie de transferts sociaux. Tout cela pour dire que notre budget est tourné non vers le développement mais vers le financement de rentes et de secteurs improductifs. », ce qui veut dire, déduit-on, que le souci principal de Bouteflika n’est pas de développer le pays mais de s’acheter la sympathie avec l’argent de l’Etat pour rester au pouvoir.
L’effacement de dettes a des pays plus riche que nous comme l’Irak et à d’autres comme certains pays africains. Cette décision ressemble à une folie. C’est ce que pense Ali Benouari qui celle-ci est tout sauf « normale ». « Nos autorités ont joué aux riches alors que nous avons tant de besoins non couverts. Le plus grave, à mon sens, a été de se priver d’un outil diplomatique et économique. Avoir des créances sur des pays tiers constitue un formidable outil de défense de notre politique étrangère, » estime-t-il en soulignant que « ces créances auraient pu servir à soutenir nos efforts d’exportation vers ces pays ». Qu’avons- nous gagné en contrepartie de l’effacement de ces dettes? Se demande-t-il en effet en rappelant que « nous avons déjà vécu cela sous Ben Bella et même sous Boumediene. « Nous avions aidé beaucoup de pays africains à s’équiper, nous leur avions offert diverses aides sans contrepartie, et au moment où nous avions besoin d’eux pour appuyer notre politique de soutien aux sahraouis, beaucoup d’entre eux nous ont tourné le dos. Je connais bien ce dossier pour l’avoir géré en 1975-1976, en tant que chef du service politique du centre d’études militaires où j’accomplissais mon service militaire. Les études que je dirigeais portaient justement sur le concept de défense nationale », conclu-t-il.
L’émission monétaire massive après lessivage du FRR. Cette décision qui a été prise récemment et défendu bec et angle par Bouteflika et son Gouvernement malgré les mises en garde de plusieurs experts et hommes politiques commence déjà à induire une inflation à deux chiffres et ce n’est, selon Ali Benouari, que le début. Qui prévoit un scénario à la Venezuela pour l’Algérie. « Encore une gestion par défaut, la solution qui reste quand on a épuisé toutes les autres. La plus mauvaise aussi car elle ne réglera aucun des problèmes structurels du pays. Pire, l’inflation qu’elle entraînera appauvrira davantage les couches modestes et laborieuses et enrichira encore plus les riches et les spéculateurs. Elle aura aussi des effets dévastateurs sur l’emploi car elle poussera les taux d’intérêt vers le haut, rendant plus coûteux les investissements. Et enfin, parce elle réduira la demande solvable des ménages, qui consommeront beaucoup moins », affirme-t-il en disant que, au fond, « le seul avantage de cette mesure est qu’elle induira une diminution des importations, mais seulement des importations des biens de première nécessité, les biens de luxe ayant toujours une clientèle assez aisée pour les acheter. »