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Algérie

Les Frères musulmans pressent les islamistes algériens à unifier leurs rangs

Par Mohamed Zenina
janvier 22, 2017
Les Frères musulmans pressent les islamistes algériens à unifier leurs rangs

Broyés par la machine politique du pouvoir, minés par les divisions, les islamistes algériens changent de cap. Ils veulent mettre fin aux divisions, sous le conseil avisé des Frères musulmans. Et du pouvoir

 

Les islamistes algériens font volte-face pour éviter le naufrage. Sous la pression de l’organisation des Frères musulmans, dont ils se disputent la représentation en Algérie, les courants légaux s’orientent vers la création d’un bloc qui dépasserait les rivalités et mettrait fin à l’effritement actuel, dans l’espoir de négocier au mieux les prochaines échéances politiques.

Après le MSP de Abderezak Makri et le Mouvement du changement de Abdelmadjid Menasra, qui ont scellé leur réunification après une décennie de brouille, c’est au tour de l’autre pôle des Frères musulmans d’annoncer la naissance d’une « alliance stratégique ».

Le Front de la Justice et du Développement, de Abdallah Djaballah, le mouvement Ennahda, son premier parti qu’il a quitté à la suite d’un conflit interne, et le Mouvement d’Edification Nationale de Mustapha Boumehdi, ont annoncé cette semaine leur décision de constituer une alliance politique et électorale, avec la volonté d’aller à terme à l’unité au sein d’une même formation.

Dans les deux cas, les partis concernés tentent de cacher des questions de rivalités et d’ambitions personnelles derrière un discours prônant l’unité et les leçons tirées des expériences passées, qui oint laminé les islamistes algériens.

Effritement

En effet, depuis deux décennies, la tendance était à l’effritement, sous l’emprise des rivalités et des ambitions, ce qui a débouché sur la naissance de six partis islamistes légaux, sans compter les multiples dissidences, les partis non agréés, et le Front Islamique du Salut (FIS), officiellement dissous en 1992.

Initialement, deux mouvements se disputaient la représentation du courant qui se revendique des Frères Musulmans, celui d’Ennahdha de Abdallah Djaballah, et le mouvement Hamas, rebaptisé MSP, de feu Mahfoudh Nahnah.

Le premier a connu une première dissidence, qui s’est soldée le départ de Abdallah Djaballah, qui a fondé une autre formation, El-Islah. Il en a été de nouveau mis à la porte, et a fini par fonder le FJD.

De son côté, Mahfoudh Nahnah avait réussi, de son vivant, à préserver l’unité de son parti. Mais à sa disparition, les clans qui composent le mouvement se sont durement affrontés pour la succession. C’est finalement Bouguerra Soltani qui l’a emporté, grâce à sa proximité avec le pouvoir. Il a notamment fait partie, avec le FLN et le RND, de « l’Alliance présidentielle », une coalition qui a soutenu le président Abdelaziz Bouteflika pendant une décennie, jusqu’à la veille de la présidentielle de 2014.

Contestations

Une première contestation, mêlant motivations politiques et personnelles, était apparue avec un courant animé par Abdelmadjid Mensara. Celui-ci a quitté le MSP pour créer le mouvement du changement, une organisation qui a peu d’audience.

Abderrezak Makri, qui a pris la suite de Bouguerra Soltani, s’est éloigné du gouvernement, pour rejoindre une coalition de l’opposition, la CNLTD. Mais cette attitude a provoqué de sérieuses divergences au sein de l’appareil du parti. Les nombreux hommes d’affaires présents en force au sein du mouvement ont fait le forcing pour revenir dans le giron du pouvoir. Bouguerra Soltani appuie discrètement cette tendance, dans l’espoir de revenir à la tête du parti. En réintégrant Abdelmadjid Menasra, Makri, en difficulté, veut trouver des appuis pour contrer Soltani. Il est contraint de rechercher des alliances au sein de la mouvance islamiste après l’échec de la CNLTD, qui n’a pu s’imposer face à la machine du pouvoir.

De son côté, Amar Ghoul avait pris les devants. Il avait fondé le parti Tadj pour soutenir le quatrième mandat du président Bouteflika, après une première et éphémère tentative de front commun des islamistes sous la bannière de « l’Alliance verte ». Celle-ci, regroupant trois partis, avaity tout de même réussi à faire élire 43 députés. Mais aujourd’hui, Amar Ghoul, qui a rejoitn avec armes et bagages le clan Bouteflika, se trouve bien esseulé. Il n’est plus au gouvernement, et se trouve face à des perspectives difficiles. Son parti n’a pas réussi son décollage, mais il n’a pas encore fait état publiquement d’une volonté de réintégrer la maison mère.

Conseils amicaux des Frères

Selon un spécialiste des mouvements islamistes, la nouvelle orientation vers la réunification des partis islamistes a été dictée par deux éléments essentiels: la chute de l’influence des Islamistes, et les pressions des Frères musulmans, qui voyaient d’un mauvais œil ce déclin, causé par la dispersion et la perte de crédibilité des partis concernés.

De fait, les islamistes n’ont plus de poids dans la vie politique du pays, malgré leur présence au parlement et dans les collectivités locales. Ils ne sont plus représentés au gouvernement, et la présence des partis islamistes légaux a fortement régressé au sein de la société, malgré une islamisation rampante de la société algérienne.

Selon ce spécialiste, des rencontres très fréquentes ont lieu entre Islamistes et Algériens et les ténors des Frères musulmans, notamment en Turquie, au Qatar et au Royaume-Uni. Ces contacts, officieux et discrets, ont amené les uns et les autres à « se rendre compte de l’attitude suicidaire » des islamistes algériens. « Ils sont si faibles que le pouvoir ne prend même plus la peine de les intégrer au gouvernement. Même pas pour donner le change », dit-il.

Peut-on aller jusqu’à dire que leur dispersion a embarrassé le pouvoir algérien, comme l’affirme un autre analyste? Selon lui, le pouvoir cherche systématiquement, depuis deux décennies, à les intégrer au jeu politique, pour faire oublier le FIS. Ce qui expliquerait l’(aveu d’un dirigeant du Mouvement du Changement, qui a reconnu que la réunification avec le MSP a été engagée « sur le conseil du pouvoir».

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