Selon Souhil Meddah, expert en économie, les différents gouvernements qui se sont succédé depuis l’arrivée de Bouteflika au pouvoir, au mieux, n’ont pas eu de politique économique et, au pire, ont fait de l’anti-économie.
Depuis son arrivée au pouvoir en 1999, Abdelaziz Bouteflika s’est engagé à construire une économie algérienne ouverte, diversifiée, performante et compétitive, y compris à l’international. Presque 20 ans plus tard, l’économie algérienne reste dépendante à 96% des recettes pétrolières, la balance commerciale du pays est déficitaire et l’Etat croule sous un stress budgétaire de plus en plus inquiétant. Cette volteface que ni Bouteflika, ni les différents gouvernements qu’il a consommés n’assument se traduit par plusieurs éléments qui, aujourd’hui encore, compliquent l’émergence économique de l’Algérie.
La première forfaiture économique sous Bouteflika est, estime Souhil Meddah, expert en économie, est «le lancement des grands projets structurants sans pouvoir mettre en place une véritable politique d’accompagnement pour l’émergence et l’élargissement d’un tissu multisectoriel très performant». En effet, « au lieu de faire de ces projets la locomotive d’une relance économique effective, Abdelaziz Bouteflika en a fait une chasse gardée pour une secte d’hommes d’affaires proches des cercles du pouvoir » dans le sens où, comme l’explique M. Meddah, « presque tous les projets se sont appuyés sur un donneur d’ordre et les entreprises d’exécution qui l’entourent. »
La deuxième c’est « la politique de soutien financier trop exagéré qui a provoqué une diminution de la cadence des valeurs transigées dans un marché financier qui était en phase de lancement », estime Souhil Meddah. « Après le bref dynamisme enregistré vers la fin des années 1990 début des années 2000, le recours à ce marché financier a été couvert par l’intervention de l’Etat dans les différents dossiers à travers l’engagement direct de ressources ou à travers des taux bonifiés», ajoute-t-il.
Le troisième mauvais choix qui retardé l’émergence de l’économie algérienne, c’est, toujours selon le même expert, « la généralisation de l’esprit de l’investissement social dans le milieu entrepreneurial qui porte un énorme préjudice à l’acte d’investir ». « La politique de soutien à l’investissement pour les jeunes avait du mal à suivre le rythme nécessaire pour les secteurs sollicités ou ciblés tout en comptant sur des valeurs monétaires non rémunératrices en amont et peu rémunératrices en aval », analyse-t-il.
Le quatrième obstacle qui a contribué à l’ajournement de la relance économique tant souhaitée du pays, c’est, affirme Souhil Meddah, le «manque d’anticipation sur les équilibres de ressources fiscales ordinaires, à partir du moment où le rôle de la fiscalité pétrolière est devenu avec le temps trop surdimensionné par rapport au potentiel du capital d’investissement intérieur. »
Le cinquième obstacle, c’est l’incompatibilité sur la nécessité de généraliser les avantages fiscaux aux projets d’investissement en incluant dans la foulée même des services non productifs, par rapport à leur retour sur les besoins des activités économiques dans une chaine qui, dans sa nature, doit être créatrice de valeurs. Autrement dit, l’Etat s’est désarmé fiscalement pour, en théorie, aider les entreprises, alors qu’il n y a eu, concrètement, aucune contrepartie notable.
Le sixième dérèglement occasionné sous le règne de Bouteflika, ce sont « les écarts progressifs et significatifs entre l’augmentation démesurée des revenus des personnes et la valeur du travail qu’ils en dégagent», estime Souhil Meddah qui explique que cette politique a crée une fausse stabilité sociale qui risque d’exploser à la figure du pays à tout moment.
Le recours au fonds de régulation des recettes sans pouvoir l’associer à d’autres instruments de financement, comme les petits emprunts obligataires périodiques a, selon Souhil Meddah, anticipé l’effondrement de ce fonds, ce qui a entrainé, entre autres, le recours à la planche à billets pour combler les déficit budgétaire de l’année en cours.
Par ailleurs, les politiques adoptées par les différents gouvernements de Bouteflika et qui ont toutes été, chacune à sa manière, défavorables à la compétitivité ont empêché le fonctionnement normal du marché et ont induit des déséquilibres fort préjudiciables à l’économie. « Les différents gouvernements qui se sont succédé depuis 1999 ont appliqué des politiques en défaveur de la compétitivité en favorisant une subvention à la source adossée sur la conversion du cours de la monnaie nationale, ce qui a sensiblement impacté le tissu industriel local naissant ou en pleine mutation», affirme Souhil Meddah.