Depuis 2014, les pouvoirs publics parlaient du nouveau souffle pour l’agriculture, l’option des mégaprojets dans le sud a été retenue comme étant la solution la plus adéquate pour donner un coup de starter au développement effectif du secteur agricole en Algérie.
Le premier ministre de l’époque faisait la promotion de cette nouvelle politique. Il ne cessait d’inviter, au cours de ses déplacements à l’intérieur du pays et à chaque occasion encore, les promoteurs locaux à créer des entreprises avec des étrangers afin d’investir dans l’agriculture dans le sud du pays en leur procurant de très grandes surfaces dans le cadre de la concession agricole. Une surface de 600 000 ha a été réservée à ces projets qui auraient été orientés vers la production de céréales, da pomme de terre et du lait.
Le projet le plus médiatisé, fruit d’un partenariat entre un opérateur privé algérien et un consortium d’entreprises américaines, s’étend sur une superficie de 20 000 ha dans la wilaya d’El Bayadh. Le projet porte sur la production de blé dur, des fourrages, de l’orge, l’ensilage de maïs et de la pomme de terre, en plus de 5000 ha pour l’élevage 20 000 vaches laitières !
Le «parrain » du partenariat algéro-américain, en l’occurrence le président du Conseil d’affaires algéro-américain s’est exprimé sur toutes les chaines de télévision, de radio et a fait la Une de plusieurs quotidiens nationaux. Il a fait la promotion du groupe américain, et a donné des projections alléchantes concernant la production et la main d’œuvre à employer.
Monsieur chikhoun affirme alors que « ce projet va éliminer les importations de poudre de lait, de céréales, et de pomme de terre, et surtout aller vers l’autosuffisance, ce qui va permettre par la suite d’aller vers l’exportation». Les premières récoltes devaient être livrées à partir du mois de mai 2017. Selon l’étude réalisée par « des experts internationaux de renom», le projet devait générer 1271 emplois directs dans la production végétale et laitière qui sera augmentée substantiellement dès le lancement du volet agro-industriel, et 1906 emplois indirects, il ya de quoi être flatté par de telles précisions !! N’est-il pas nécessaire pour le président du conseil d’affaires algero-américain de faire une appariation pour nous expliquer les raisons de ce retard et nous éclairer sur le taux d’avancement du projet ?
Le président du Conseil d’affaires algéro-américain, précurseur de l’agrobusiness américain en Algérie a pu convaincre des citoyens lambdas, des intellectuels et même des plumes qui se sont consacrées à défendre bec et ongle ce mégaprojet, et descendre en flamme tous ceux qui ont émis des réserves sur son opportunité et son succès et ont même accusé les ‘’ récalcitrants ‘’ d’être à la solde des barons de l’importation et des traitres qui ne veulent pas voir l’Algérie recouvrir son indépendance alimentaire ! Mais le temps commence à nous faire savoir que ce sont ces défenseurs farouches de la « californalisation » du désert algérien qui ont voulu servir les pseudos investisseurs pour des raisons inavouées !
Il parait que même de richissimes hommes d’affaires algériens ont bénéficié des terres agricoles avec des superficies de 10 000 ha, mais jusqu’à présent aucun investissement n’a été réalisé. Je me rappelle qu’un homme d’affaires, dans une intervention télévisée, a demandé aux pouvoirs publics de leur faciliter l’accès au foncier, leur réaliser des pistes, leur ramener de l’électricité et de les aider à réaliser des forages, puisque ce sont des investissements lourds qui ne peuvent financer !! Mieux encore il a demandé solennellement aux banques de leur faciliter l’accès au crédit !
Nous avons expliqué dans une contribution antérieure que les mégaprojets agricoles ne peuvent être une solution pour le développement de l’agriculture pour diverses raisons, des expériences similaires ont échoué un peu partout dans le monde, même une expérience locale a eu lieu dans un passé récent et a été un échec retentissant.
Les mégaprojets agricoles de par leurs effets dévastateurs sur les ressources naturelles et l’environnement, porteront un préjudice énorme à notre agriculture paysanne et nos petits exploitants seront confrontés à une concurrence ‘’ sauvage ‘’ et déloyale ! La politique agricole à inscrire doit assurer l’autosuffisance alimentaire et préserver en même temps les ressources naturelles comme stipule l’article 19 de la Constitution.
Aissa Manseur, expert, consultant en agriculture