Comme prévu et développé, à mon dernier passage à Radio M, les institutions financières internationales, essentiellement le couple FMI BIRD (1) et les agences internationales de notation, n’ont pas failli à leur réputation et à leur vocation et ont réagi en appréciant le « risque pays » et celui des entreprises algériennes ainsi qu’aux politiques publiques qu’elles conseillent de mettre en œuvre, afin de sortir notre pays d’une « impasse économique » certaine, annoncée et avérée.
Même si elles gardent bien de donner des appréciations sur le « Hirak », comme mouvement politique profond et massif, caractérisé par la non violence et le pacifisme, il n’en demeure pas moins, qu’elles recommandent son rétrécissement temporel, afin de préserver l’outil économique de débordements dommageables au pays (2). En effet, faut-il souligner, encore une fois, la vulnérabilité de notre économie et sa dépendance quasi totale au commerce extérieur, tant en importations qu’en exportations (3). Nous ne reviendront pas non plus sur les politiques publiques hasardeuses mises en œuvre par les différents gouvernements qui se sont succédés, depuis les vingt dernières années et en particulier, celles qui ont vu le jour et qui étaient sensées amortir les chocs et autres déséquilibres, sur tous les marchés nationaux, après que les cours mondiaux de l’énergie se sont effondrés, sur injonctions américaines.
Force est de constater, que notre appareil de production « tourne » au ralenti, c’est le moins que l’on puisse dire et qu’à la onzième semaine du « Hirak », toutes les solutions susceptibles de faire sortir notre pays de cette crise politique profonde, tardent à venir avec un consensus le plus large possible, pour conforter, les prochaines autorités politiques et économiques, dans leur légitimité et leur légalité. Certes, il est naïf de penser que l’on peut changer un pouvoir ancré, durant des années, dans nos mœurs rentières, politiques, économiques et sociales, après trois mois de « marches revendicatives, massives, non violentes et civilisées », les enjeux nationaux et internationaux sont beaucoup plus complexes qu’on ne le pense. Cependant, il est clair pour tous que, plus les solutions ne tardent à se mettre en œuvre, plus le danger d’un « avortement révolutionnaire » ne devient possible, avec toutes les conséquences redoutables sur lequel peut déboucher une dynamique politique inachevée. Les premiers désordres économiques et sociaux commencent à se manifester, ici et là, dans notre pays, avec plus ou moins d’intensité et avec comme première confusion, le mélange entretenu entre le « Hirak » et les grèves classiques socioprofessionnelles (4) et revendicatives qui se propagent, ce qui me semble très grave. Le droit de grève, étant un acquis constitutionnel, que personne ne conteste, il n’en demeure pas moins régi par la loi et la règlementation, sinon on entre de plein-pieds dans la désobéissance civile à travers des actes pénalement punis (5), que certains, tapis dans l’ombre, appellent de leur vœux, en attendant, l’appel à la guerre civile ! La seconde confusion généralisée réside dans les orientations idéologique et politique que devrait prendre les futures autorités économiques, sorties du « Hirak » qui, pour certains, doivent revenir à un socialisme pur et dur, alors que d’autres optent pour le néolibéralisme, avant même que le débat ne soit ouvert (par qui ?).
Entre temps, au niveau économique, le FMI conclut dans la dernière évaluation de notre économie que l’Algérie disposait d’une fenêtre d’opportunités pour «atteindre le double objectif de stabilisation macro-économique et de promotion d’une croissance durable». Il suggère la mise en œuvre de « réformes structurelles pour promouvoir l’émergence d’une économie diversifiée, tirée par le secteur privé et réduire la dépendance aux hydrocarbures ». De son côté, la Banque mondiale suggère « un ajustement budgétaire, dès 2019, par des réformes structurelles des subventions et du climat des affaires ». Les deux institutions ont révisé à la baisse le taux de croissance du PIB pour 2019 et considèrent que « ce qui est important économiquement pour l’Algérie est de préserver la stabilité économique durant cette transition politique ».
Les effets des politiques monétaires (financement non conventionnel) ont agi sur le chômage (11,7% pour 2018, 12,6% en 2019 et 13,7% en 2020) et l’inflation (4,3% en 2018, 5,6% en 2019 et 6,7% en 2020), ainsi que sur le déficit du compte courant qui passera de cette année -9,1% du PIB, à -9,3% du PIB en 2020. Toutes ces prévisions sont tributaires de la conjoncture internationale et notamment sur le marché de l’énergie. De leur côté, les agences de notation ne sont pas en reste, puisque l’agence Moody’s (6) vient de publier un rapport préliminaire, dans lequel elle analyse la situation politique et économique du pays, après les manifestations massives, du 22 Février 2019. Moody’s anticipe une « longue période d’incertitudes sur les perspectives économiques » de l’Algérie et conclut à un « wait and see », en matière d’évaluation du risque d’investissements dans notre pays, en attendant de voir plus clair dans l’évolution de la situation politique et les « solutions rapides » qui devront « sortir » du « Hirak ».
A la onzième marche du Vendredi, nous sommes toujours dans l’expectative et les perspectives de solutions sont loin de nous indiquer un rapprochement des positions entre protagonistes, chacun tentant de tirer le rapport de force vers son agenda personnel. Une bonne nouvelle, cependant, le caractère pacifique et civilisé des marches reste intact… pour l’instant.