Le niveau des réserves de change à fin 2018 sera « nettement supérieur » à celui des 60 milliards de dollars avancé récemment par la Banque mondiale (BM), notamment en raison des effets de la consolidation budgétaire sur ces réserves, a assuré dimanche la Banque d’Algérie.
« Le niveau des réserves à fin 2018 sera nettement supérieur à celui annoncé par la BM, notamment en raison des effets de la consolidation budgétaire et de l’impact de celle-ci sur les comptes extérieurs et corrélativement des réserves de change », a souligné la Banque d’Algérie dans un communiqué transmis à l’APS en réaction au rapport publié par l’institution financière internationale sur la région Mena.
« Le rapport de la Banque Mondiale (BM) sur la région Mena situant le montant des réserves de change de l’Algérie, à l’horizon 2018, à 60 milliards de dollars paraît quelque peu alarmiste et ne reposant pas sur des hypothèses probantes », a indiqué la Banque centrale algérienne.
Selon la même source, ce montant projeté à fin 2018 « est donné sans aucune autre précision sur les principales hypothèses sur lesquelles se fondent les économistes pour établir ce type de projection ».
Il s’agit dans ce sens des exportations d’hydrocarbures en volume et les prix par année, les importations par année en relation avec l’évolution des dépenses publiques et des soldes budgétaires (la dépense publique est l’un des déterminants du niveau des importations) et les déficits de la balance des paiements, a expliqué le communiqué.
De fait, poursuit la Banque d’Algérie, la projection de la BM situant les réserves de change en 2018 à 60 milliards de dollars « fait l’impasse (omet) sur les évolutions prévisibles des différents indicateurs déterminant l’évolution des réserves de change de l’Algérie », ajoutant que la seule donnée est le prix du pétrole qui devrait osciller entre 41 et 60 dollars entre 2016 et 2018.
S’agissant l’évolution des cours mondiaux de pétrole pour les deux prochaines années, les dernières prévisions du Fonds monétaire international (FMI) situent les prix moyens du pétrole à 36,6 dollars le baril en 2016, 42,8 dollars en 2017 et 46 dollars en 2018, note encore la banque centrale.
Pour ce qui est des exportations en volume des hydrocarbures, la Banque d’Algérie a observé qu’au premier semestre 2016, et pour la première fois depuis 2006, les quantités d’hydrocarbures exportées sont croissantes conformément aux prévisions du groupe Sonatrach.
Quant aux exportations en valeur, l’institution financière algérienne s’attend à une baisse continue en raison de la baisse importante du prix du pétrole par rapport à 2015.
Mais sur la base des prévisions d’augmentation des exportations d’hydrocarbures en tonnes équivalent pétrole (tep) entre 2016 et 2018 et, couplées à une croissance des prix telle que prévue par le département de la recherche du FMI, « cela se traduira par une croissance des exportations d’hydrocarbures en valeur sur cette même période ».
Concernant les importations, la même source a rappelé qu’elles ont connu une tendance baissière depuis début 2015, chutant de 11,8% (de 59,7 à 52,7 Mds USD), soit sept (07) milliards de dollars USD en moins, en 2015 par rapport à 2014.
Cette courbe baissière s’est poursuivie au premier semestre 2016 avec une diminution de 11,2% par rapport à la même période.
En effet, les importations de biens ont baissé de 27,6 à 25,1 milliards de dollars entre le premier et le second semestre de 2015 et de 25,1 à 24,5 milliards de dollars entre le second semestre de 2015 et le premier semestre de 2016.
Ainsi, ces évolutions inverses des exportations et des importations « vont réduire substantiellement les déficits de la balance commerciale et, par conséquent, les déficits des balances courante et globale », a affirmé la Banque centrale algérienne.
Les réserves de change attendues à 122 mds dollars à fin 2016
Sur le plan des dépenses publiques, la même source a fait remarquer que les projections de la BM « semblent tabler sur une totale inertie et absence de réactivité des pouvoirs publics ».
« Or, un des axes importants de la problématique du nouveau modèle de croissance fondé sur l’investissement marchand (et non plus la dépense publique), annoncée par les pouvoirs publics, est la consolidation budgétaire sur la période 2017 à 2020 », a-t-elle ajouté.
Cette consolidation budgétaire consiste, à cet horizon, à faire en sorte que l’Etat « ne dépense pas beaucoup plus qu’il n’a de recettes et devrait donc déboucher vers des déficits parfaitement soutenables, sinon vers un équilibre budgétaire ».
La Banque d’Algérie a, toutefois, tenu à préciser que cette démarche « ne signifie pas qu’il y aura des coupes drastiques dans les dépenses publiques ».
« Cette consolidation vise autant à mieux recouvrer les recettes qu’à rationaliser les dépenses », a soutenu la BA, soulignant que l’économie algérienne « recèle d’énormes gisements inexploités en matière de recettes fiscales ».
La rationalisation de la dépense signifie qu’avec des dépenses moins élevés (en pourcentage du PIB), notamment d’investissement public, il est possible de mieux soutenir et stimuler la croissance économique, a-t-elle insisté.
D’autre part, la Banque d’Algérie a noté que d’autres institutions internationales, notamment le FMI, ont fait des projections totalement différentes de celles de la BM.
Dans son nouveau cadre macroéconomique pour l’Algérie, publié en juillet dernier, sur la base des prix projetés du pétrole jusqu’en 2018, des exportations en volume et des importations, le FMI a abouti à un niveau de réserves, en 2018, nettement plus élevé que celui de la BM, rappelle-t-on.
Par ailleurs, sur la base des données disponibles à fin juin 2016, le niveau des réserves de change est estimé, à fin 2016, à près de 122 milliards de dollars.
Donc, les situer à 60 milliards de dollars en 2018 signifie « qu’elles vont baisser de 62 milliards de dollars en deux ans, soit 31 milliards de dollars de déficit annuel moyen du solde global de la balance des paiements. Ce qui paraît totalement improbable », a relevé la Banque d’Algérie, ajoutant que durant l’année 2016 où le prix du pétrole a été le plus faible, le déficit estimé de la balance des paiements sera inférieur à celui de 2015 (27,5 mds USD).
De même, toutes les prévisions, y compris celle de la BM, s’accordent à dire que les prix de pétrole vont être supérieurs en 2017 et 2018, alors que la croissance des exportations en quantité a repris en 2016 et devrait se poursuivre en 2017 et 2018.
« Il devient dès lors parfaitement intelligible que les niveaux de 31 mds USD de déficits annuels ne pourront être atteints et, par conséquent, que le niveau des réserves à fin 2018 sera nettement supérieur à celui annoncé par la BM », a insisté la Banque d’Algérie.