La décision du gouvernement algérien de relancer le développement du gisement minier de Gara Djebilet est une excellente opportunité de contribution au développement économique et social de notre pays ; cependant il faut sortir des options néo-coloniales, qui consistent à financer de gigantesques investissements pour une exportation à l’état brut de cette matière première stratégique qu’est le minerai de fer.
En 2030 et en examinant les programmes de développement de Tosyali à Oran (7 millions de tonnes d’acier par an à travers le processus de réduction directe par le gaz naturel) ,de la sidérurgie de Bellara (4 millions de tonnes d’acier par an et un process identique à celui de Tosyali) et un module de 2 millions de tonnes d’acier par réduction directe complémentaire à El Hadjar pour le développement de l’aciérie électrique, la modernisation de la tuberie sans soudure ainsi que le développement d’une autre et probablement un laminoir à rails et de poutrelles à larges ailes ; soit une production de 13 millions de tonnes d’acier utilisant la technologie de la réduction directe par le gaz naturel et l’aciérie électrique entraînant des besoins annuels de 17 à 18 millions de tonnes de minerais de fer à haute teneur(de l’ordre de 68% de points de fer) sous forme de boulettes (pellets en anglais).
La problématique de Gara Djebilet est complexe mais réalisable par les compétences algériennes pour autant qu’on les mobilise sérieusement et qu’on leur fasse confiance ; le montant des investissements, la durée des réalisations ainsi que le long avenir de Gara Djebilet, nécessitent dès le départ une option de réalisation et de gestion algérienne faisant appel sporadiquement et pour quelques cas spécifiques à l’expertise étrangère.
Le minerai de Gara Djebilet est bon, riche en fer et sa teneur en phosphore (0,8%) n’est pas un handicap puisque éliminé en métallurgie. Le développement minier doit donc viser 20 millions de tonnes de minerais qui seront broyés ,enrichis pour réduire le stérile et pelletisé (fabrication de boulettes de fer).Ce sera donc une mine géante à ciel ouvert qui nécessitera des pelleteuse géantes de l’ordre de 40 à 50 m3 par godet ,d’immenses transporteurs par bandes, des installations de broyages géantes, ainsi que trois installations de pelletisation de 6-7 millions de tonnes chacune (théoriquement, car ce sont des technologies très proches d’une capacité de production de 18 millions de tonnes de ciment à Gara Djebilet).
Il faudra aussi des installations de maintenance préventive et curative à l’image de la BCL de Béni Mered ainsi que des centrales électriques probablement au solaire photovoltaïque et solaire thermique ainsi que du gaz naturel et de l’eau à ramener peut être de l’albien.
Il s’agira aussi de ramener ce minerai pelletisé vers le Nord soit une voie ferrée de 700 KM pour rejoindre Bechar d’où ces convois de 300 wagons de 100 tonnes chacun et trois locomotives pourront prendre la voie ferrée vers Mohamedia et vers Tiaret à partir de la nouvelle voie Saida Tiaret ce qui permettrait d’alimenter les deux sites de l’Est du Pays par la rocade ferroviaire des hauts plateaux ; il est absurde économiquement de demander à rejoindre sur 500 km la côte atlantique pour transborder ce minerais et le débarquer par la suite sur les ports d’Arzew, de Djendjen et de Annaba.
Les études d’avant projet définitif de la ligne ferroviaire Gara Djebilet Bechar ont été faites à la fin des années 70 avec la firme américaine Ford Bacon et ces études financées alors par Sonatrach sont disponibles auprès de la SNTF, de Sonatrach (DOP) et du Ministère de l’Industrie. L’exemple de la réalisation par les moyens algériens de la rocade ferroviaire des hauts plateaux Ain Touta Ain Oussera Tiaret devrait servir d’exemple pour la réalisation de la voie ferrée Béchar Gara Djebilet et cela ouvrirait les futures perspectives de rallier par voie ferrée Abidjan et Accra ainsi que la transversale Lagos Dakar. C’est dire que le développement ferroviaire de la dorsale occidentale de notre pays ouvrirait d’immenses perspectives locales et africaines.
Il s’agit donc de développer Gara Djebilet pour satisfaire réellement les propres besoins incompressibles de l’Algérie et non pour une exportation somme toute absurde en termes de revenus (au mieux la tonne de minerai de fer atteindrait 100 dollars US) et surtout de dépenses d’investissements.
Rédha Amrani, consultant en Economie Industrielle