Le gouvernement d’union nationale libyen, soutenu par les Nations Unies, a signé un accord avec la Petroleum Facilities Guard (PFG), une milice armée affirmant assurer la garde des installations pétrolières en Libye, pour la réouverture des deux principaux ports pétroliers de Ras Lanouf et Es Sidr.
Cette réouverture permettrait la reprise des exportations à partir de ces deux terminaux bloqués par la PFG depuis décembre 2014 pour appuyer des revendications salariales.
La réouverture des terminaux pétroliers constituerait une grande avancée pour la Libye qui, depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en automne2011, a sombré dans le chaos qui a fait chuter sa production de pétrole à moins du quart des niveaux enregistrés avant cette date et qui avaient atteint 1,6 million de barils par jour (bpj).
Une reprise rapide peu probable du fait des dommages subis par les installations
Aucune date n’a été encore fixée pour le redémarrage des exportations, mais une reprise rapide, à pleines capacités, reste toutefois peu probable, compte tenu des dégâts engendrés, sur le plan technique, par les attaques et les combats entre factions rivales ainsi que de la position de la compagnie libyenne National Oil Corporation (NOC), qui est opposée à ce que la réouverture des ports soit conditionnée par le paiement des salaires des gardes comme l’exige la PFG.
L’accord a été signé ce week-end par le vice-Premier ministre libyen Mousa Alkouni et Ibrahim El Jathran, chef de la PFG, une des nombreuses milices armées libyennes qui contrôlent les terminaux pétroliers.
«Je suis heureux d’annoncer, au nom du Conseil présidentiel, (…) la reprise des exportations à partir de ces ports », a déclaré Moussa Alkouni à la presse. «C’est le début du rétablissement de notre pays», s’est-il réjoui.
«Je pense que la reprise dépend maintenant des questions techniques … et je pense aussi qu’elle devrait avoir lieu dans une semaine ou deux, tout au plus», a-t-il dit.
Il a indiqué que l’accord comportait une clause relative au paiement d’un montant non spécifié pour le paiement des salaires des forces d’El Jathran et que ces dernières n’ont pas perçu leurs salaires depuis 26 mois alors qu’elles ont pour mission la protection des ports pétroliers. Or, pour certains, il ne s’agirait là que d’un prétexte avancé par ces forces pour extorquer de l’argent à Tripoli.
«Les rumeurs, selon lesquelles la reprise des exportations de pétrole serait le résultat d’une extorsion d’argent ou d’un deal, sont absolument infondées», a assuré Alkouni dans un communiqué.
Après avoir combattu contre les forces du régime Kadhafi, une multitude de factions rivales et de groupes armés, se disputent le pouvoir et les richesses pétrolières du pays notamment en prenant le contrôle des installations de transport par canalisations des hydrocarbures ainsi que des terminaux d’exportation.
Un porte parole de la PFG, Ali Hassi, a déclaré qu’aucune date n’a été décidée pour la réouverture des ports, car cela dépendra de la NOC, tout en confirmant qu’un accord a été bel et bien signé entre le gouvernement et El Jathran, dont les forces imposent un blocus des ports depuis 2013. Cette milice affirme veiller à prévenir la corruption dans les ventes de pétrole, alors que beaucoup contestent cet argument. M. Hassi a également appelé à une plus grande autonomie pour sa région orientale.
La réouverture de Ras Lanouf et d’Es Sider permettrait à la Libye d’exporter à terme 600.000 bpj supplémentaires
La réouverture de Ras Lanouf et d’Es Sider pourrait permettre à la Libye d’ajouter à terme, 600.000 bpj à ses capacités d’exportations de brut, mais les experts estiment qu’il faudrait réparer les dégâts causés par les combats et par la longue période d’inactivité pour retrouver une capacité maximale. La NOC a affirmé que les dommages causés par les récentes attaques menées par »État islamique’’ et qui ont enfoncé encore plus le pays dans le chaos, font que les ports auront bien du mal à aller au-delà de 100.000 barils par jour à court terme.
Outre les problèmes techniques, le PDG de la NOC, Musstafa Sanalla, est opposé à tout accord avec El Jathran, estimant que ce serait une erreur d’accéder aux exigences de ce dernier, car cela représenterait un précédent qui encouragerait d’autres groupes à agir de la sorte pour obtenir des gains similaires.
Le Parlement basé à Tobrouk opposé à l’accord
La réouverture des deux ports est également contestée par le Parlement libyen, basé à Tobrouk dans l’est du pays, où certains militaires sont allés jusqu’à menacer de prendre pour cible les bateaux chargés d’exporter le pétrole.
Le Parlement libyen, qui considère le Gouvernement d’union nationale comme illégal, souhaite être impliqué dans l’accord. «Nous sommes dans une lutte politique et les agissements du gouvernement de Tripoli aggravent encore les choses. L’exportation ne se fera pas. Il risque d’y avoir des affrontements avec les bateaux transporteurs. Il y aura des interdictions, des manifestations, voire une occupation de ces champs pétroliers. Cela causera beaucoup de problèmes. Nous nous battrons. Les opposants n’accepteront jamais de voir le pétrole libyen s’exporter sans dire un mot», a prévenu Fethi el-Maryami, conseiller médiatique du Parlement.
Néanmoins, les analystes estiment que, contrairement aux précédentes tentatives, l’accord est susceptible d’aboutir cette fois-ci, car les deux parties y trouvent leur intérêt.
Selon eux, le gouvernement d’union nationale, confronté aux actions des groupes extrémistes et aux protestations liées aux conditions de vie, a besoin des revenus pétroliers pour améliorer les services et instaurer une certaine stabilité économique à même de renforcer sa légitimité.