Aux professions de foi des partenaires du dialogue libyen qui se déroule au Maroc ne correspond pas sur le terrain en Libye de rapprochement significatif des points de vue des principaux protagonistes militaires de la crise libyenne.
Le dénouement de l’imbroglio libyen n’est pas imminent. C’est en tous cas la déduction que nous pouvons faire des réunions des parlements libyens en conflit qui se déroulent, depuis vendredi, dans la ville de Skhirate, au Maroc.
Prévues initialement pour le 11 mars dernier, ces réunions organisées sous l’égide des Nations unies ont été reportées de dix jours à la demande la Chambre des représentants du peuple (Parlement de Tobrouk), afin de « discuter la feuille de route du prochain gouvernement d’Union nationale, ses prérogatives, les délais de son installation, ainsi que ses rapports avec le Conseil des représentants du peuple ».
A cause des opérations militaires sur le terrain et de la pression des intervenants étrangers, le dialogue entre les deux parlements en conflit (celui de Tobrouk et celui de Tripoli) est bloqué, et ce, après le brin d’espoir perçu lors de la première réunion de Skhirate (Maroc), quand ils se sont mis d’accord sur la constitution d’un gouvernement d’union nationale, et après la maigre avancée observée lors de la réunion de 15 personnalités libyennes le 10 mars à Alger. Aujourd’hui, le correspondant de l’Agence Africagate News affirme que le Conseil général national (CGN, Parlement de Tripoli) n’a participé à aucune séance du dialogue depuis son commencement le 20 mars. Le CGN, soutenu par les milices de Fadjr Libya, exige l’introduction de nouvelles clauses non prévues lors du dernier pré-accord des réunions onusiennes, notamment celles relatives au rôle de Khalifa Haftar.
Khalifa Haftar ne veut pas discuter avec les « terroristes »
Khalifa Haftar, promu au début de ce mois de mars commandant en chef de l’armée libyenne par le Parlement de Tobrouk, a déclaré, il y a dix jours, à l’agence italienne Ansa, que « ni l’Onu ni l’Union européenne ne peuvent nous obliger à nous asseoir autour d’une même table avec les terroristes et les extrémistes ». Dans cette même interview, il a invité le Premier ministre italien Matteo Renzi à convaincre la communauté internationale de lever l’embargo sur les armes pour la Libye. Il considère que l’idée « de formation d’un gouvernement d’union nationale, telle que proposée par les médiateurs, signifierait la réduction à néant de toute tentative d’emmener la Libye vers la démocratie ». Et d’inviter les grandes puissances à tenir compte du fait qu’« il existe un gouvernement et un parlement élus démocratiquement sous l’égide et le contrôle des Nations unies, et reconnus officiellement par la communauté Internationale ».
A cette crise institutionnelle libyenne, qui correspond au refus du CGN de reconnaître l’élection du Parlement de Tobrouk en juin dernier, en raison de « l’anti -constitutionnalité de l’amendement qui a conduit à son élection », s’ajoutent les menaces de retrait du dialogue de la part des Touaregs d’Obari, qui ont dénoncé samedi la qualification de leur combat d’« actes terroristes » par l’armée libyenne.
Le mufti appelle à poursuivre le « combat » contre le gouvernement de Tobrouk
L’avancée de l’armée libyenne ces derniers jours sur Tripoli, Maitka, Al Aziziya, Ourchafana, Al Zaouiya et Al Rakdaline, est accueillie ce matin par l’exhortation du mufti de Libye, Sadek Al Gharbani – qui soutient le gouvernement de Tripoli – des « révolutionnaires » à poursuivre leur combat armé.
De l’autre côté, à Tobrouk, les tribus de Barka, Fezzan et Zentan ont affirmé officiellement hier leur soutien au commandant Khalifa Haftar et au Parlement de Tobrouk, comme représentants légitimes du peuple. Ce matin, le conseil militaire de Zentan a appelé à soutenir l’armée libyenne guidée par Khalifa Haftar.
Le développement de la situation laisse présager l’entrée en combat de ces trois tribus, aux côtés de l’armée libyenne et du Parlement de Tobrouk, lesquels sont soutenus officiellement par l’Egypte et les Emirats arabes unis, contre les milices de Fadjr Libya, d’Echourouk, et autres groupes islamistes armés aux côtés du gouvernement de Tripoli, appuyé par le Qatar et la Turquie, entre autres.
L’activiste libyen Adèle Salama, rapporte à l’agence Africagate News, estime que « le dialogue libyen est désormais otage des conflits internationaux, entre l’Algérie et le Maroc d’un côté, et la France, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et les Etats Unis, de l’autre ». Devant toutes ces données, l’émissaire onusien pour la Libye, Bernardino Leon, a reconnu hier, que l’entente entre les parties libyennes en conflit « reste encore loin ».