M A G H R E B

E M E R G E N T

Maroc

Maroc: A quatre mois des législatives, le gouvernement diffère la réforme de la caisse de compensation des prix

Par Mohamed Zenina
juin 12, 2016
Maroc: A quatre mois des législatives, le gouvernement diffère la réforme de la caisse de compensation des prix

   

Entamée avec la libéralisation des prix des produits énergétiques, la réforme de la caisse de compensation, qui permet à l’état de subventionner les prix des produits de large consommation, devra attendre l’arrivée d’un nouveau gouvernement issu des prochaines législatives.

 

Mercredi dernier devant les parlementaires, Mohamed El Ouafa, ministre des affaires générales et de la Gouvernance, a clairement signifié la volonté de son gouvernement de donner un coup d’arrêt à la réforme de la caisse de compensation. Après la vérité des prix pour les produits d’hydrocarbures, le gouvernement d’Abdelilah Benkirane devait ensuite s’attaquer à la subvention du gaz butane en bouteille et du sucre. La mise en oeuvre de la réforme de la caisse de compensation  »sera prise en charge par ce gouvernement ou par celui qui sera nommé après les élections du 7 octobre », a-t-il affirmé lors d’une séance plénière au parlement consacrée à  l’examen du rapport de la Commission de contrôle des finances publiques sur la Caisse de compensation. Mais, à quatre mois des prochaines élections législatives, le gouvernement actuel, dirigé par le parti islamiste du PJD, semble temporiser et laisser la  »patate chaude » au prochain gouvernement. Car une réforme du système de subvention de la bouteille de gaz butane, et du sucre, est perçue par les partis politiques et les autorités marocaines dans cette phase de préparation aux élections législatives dangereuse sur le plan social.  Devant les députés, le ministre en charge des affaires générales a rappelé que les tentatives de réforme de la Caisse de compensation  »avaient causé deux soulèvements populaires au Maroc, en 1965 et 1981 ». Dès lors,  »le gouvernement ne veut pas s’aventurer dans la réforme des subventions destinées au gaz butane », a-t-il dit, avant de souligner que  »la compensation du gaz a permis de libérer les femmes, surtout dans les campagnes ». Pour autant, le dossier de la réforme de la caisse de compensation est prêt, selon LOuafa qui a fait état de quatre scénarios, sans en donner les détails.

L’illusion de la lutte contre la pauvreté

Pour le sucre, le ministre a indiqué le dossier est également prêt, et que la réforme serait imminente. Les montants qui seront dégagés de la décompensation ont été estimés à 3 milliards de DH, soit un peu moins de 300 millions d’euros. Avec la fin de la subvention des prix de l’essence à la pompe, le budget de la caisse est passé de 31 milliards de DH en 2015 à 15,5 Mds de Dh, soit environ 1,41 milliard d’euros. Selon le gouvernement, ces crédits sont destinés notamment à soutenir les prix à la consommation du gaz butane, de la farine nationale de blé tendre et du sucre. Salahedine Mezouar, chef de file du RNI (rassemblement des indépendants), et chef de la diplomatie marocaine, avait, lorsqu’il était en charge du ministère des Finances sous le gouvernement de Abbas El Fassi (Istiqlal), estimé que  »la lutte contre la pauvreté via la compensation est une illusion, d’autant plus que tout le monde en profite : qu’ils soient riches, grands propriétaires terriens, industriels, ou pauvres. » Car en fait, la caisse de compensation des prix, instaurée en 1941 au Maroc, avait un autre objectif: celui de stabiliser les prix au plus fort de la seconde guerre mondiale, et non pas soutenir les prix

Chouhadas El Koumira

Théoriquement, la réforme de la caisse de compensation séduit plus d’un économiste, mais pas les politiques. Un lointain souvenir des années 80, celles que l’on appelait à l’époque ‘’les années de plomb’’, fait craindre un ‘’remake’’ des émeutes du pain de Casablanca, lorsque des dizaines de manifestants ont été tués par balles, et enterrés dans des fosses communes. L’ex-ministre de l’Intérieur, Driss Basri, avait qualifié ces manifestants morts sous les balles de l’armée et de la police de  »chouhadas el Koumira » (martyrs de la baguette de pain). Un argument de poids qui fait pencher la balance vers la seule issue possible : une meilleure maîtrise des dépenses publiques, selon des économistes. Car, si la réalité des prix est appliquée au Maroc, cela équivaudrait à ce que les marocains achètent la bouteille de gaz butane à 110 dirhams (11 euros) au lieu des 40 dh actuels, et la baguette de pain à plus de 3 dirhams. Et, avec des salaires moyens de moins de 2.000 dirhams par mois, la perspective de la suppression du système de compensation équivaut à amorcer, une nouvelle fois la bombe sociale dans un pays où plus de 2,5% de la population vit avec moins de 2 dollars par jour, selon le PNUD.

Retour sur l’histoire de la Caisse

 »On dit que la compensation a pour rôle de sauvegarder le pouvoir d’achat des Marocains mais c’est faux, ce n’est pas le rôle qui lui a été attribué lors de sa création », expliquait Salima Bennani, directrice de la Caisse, lors d’une conférence.  »A l’origine, le mécanisme a été mis en place pour stabiliser les prix et assurer l’approvisionnement des marchés, dans un contexte de post Guerre mondiale où les prix flambaient à cause de la pénurie. On se disait que la subvention était justifiée parce qu’elle incitait à la consommation interne et donc soutenait la croissance économique du pays », ajoute t-elle. Actuellement, la caisse de compensation verse des subventions à la filière sucrière, à celle de la farine de blé tendre et celle du butane. Un prix fixe est établi par l’Etat. Si le prix du cours est supérieur à celui-ci, la caisse paie la différence au professionnel (l’importateur de sucre par exemple).

 

 

ARTICLES SIMILAIRES

Actualités Maghreb

Décideurs : qui est Aziz Akhannouch, le « Rebrab » marocain devenu chef du gouvernement ?

A Rabat, les dernières élection législatives remportées par Rassemblement national des indépendants (RNI) avec 102 des 395 sièges de la Chambre des représentants, ont rebattu les cartes du jeu politique en installant… Lire Plus

Actualités Maghreb

Un rapport du Département d’Etat sur les droits de l’Homme accable le Maroc

Un rapport du Département d’Etat américain sur les droits de l’Homme pointe une situation peu reluisante au Maroc, et dévoile des cas de torture, disparitions forcées, et graves restrictions à… Lire Plus

Maroc

Maroc : le gouvernement continue de faire face à une campagne de boycott de trois produits de consommation

Du « hirak » du Rif (nord) en octobre 2016 à celui de Jerada (nord-est) début 2018, le Maroc connaît une série de mouvements de contestation, où les médias sociaux servent d’élément… Lire Plus

Maroc

Energie : Les revenus du Maroc tirés du transport du gaz algérien vers l’Europe en hausse de 52%

Les revenus du Maroc tirés du transport du gaz algérien vers l’Europe, qui traverse  les territoires marocains, ont augmenté de 52 % au cours des quatre premiers mois de 2018, selon… Lire Plus