Entamé il y a près de 4 ans, le chantier de la réforme de la compensation avançait doucement mais sûrement durant l’année 2016, avec comme ambition de continuer à maîtriser l’évolution de la charge de compensation des principaux produits énergétiques et alimentaires, passée à des pics alarmants avant le lancement de la refonte de ce système.
Un tour d’horizon de ce chantier magistral ayant marqué l’année qui tire à sa fin illustre les résultats d’une grande opération de réajustements engagées par le Maroc, qui a décidé de prendre le train en marche et apurer les arriérés accumulés par la compensation, tout en tentant à ramener les dépenses aux seuils autorisés par la loi de finances 2016.
En effet, la charge prévisionnelle de compensation relative à la subvention des prix devrait avoisiner au titre de l’année 2016 les 11,4 milliards de dirhams (MMDH), au lieu des 15,55 MMDH inscrits dans ladite loi, d’après un rapport sur la compensation émanant du ministère de l’Economie et des Finances et accompagnant le Projet de loi des finances 2017 (PLF 2017).
Au départ, la loi de finances 2016 avait prévu cette enveloppe au titre de la compensation, dont 12,05 MMDH pour les subventions des prix à la consommation du gaz butane, du sucre et de la farine nationale de blé tendre (FNBT), et 3,5 MMDH au titre des mesures d’accompagnement.
L’impact de ce chantier s’est, ainsi, traduit en 2016 par des économies au niveau des dépenses ordinaires et donc un allègement du déficit budgétaire global, a fait remarquer Mohamed Karim, Professeur d’économie et de finances à l’Université Mohammed V de Rabat.
L’application de cette réforme au Maroc, qui a porté notamment sur des mesures ayant pour objectif d’alléger la charge budgétaire, est intervenue à “un timing bien pensé”, coïncidant avec la baisse des prix des produits sur le marché étranger, a estimé M. Karim dans une déclaration à la MAP.
“Il était prévisible, au cours de l’année 2016, de réaliser des économies importantes du PIB suite au rythme de la décompensation. Le déficit budgétaire est ainsi ramené à 3,5% du PIB pour fin 2016″, a rappelé l’expert.
De surcroît, l’année 2016 est encore celle de la mise en marche, et pour la première fois au Maroc, de l’opération de libéralisation des prix à la pompe, qui obéissent désormais au libre jeu de l’offre et de la demande du marché.
Il s’agit encore une fois d’une traversée audacieuse s’inscrivant dans les orientations stratégiques poursuivies par un Maroc qui prône l’ouverture de l’économie et l’instauration de manière durable des bases d’une économie autonome et de plus en plus robuste.
Pourtant, si les prix des carburants sont restés relativement élevés à l’intérieur au cours de cette année, alors que le cours du pétrole brut enregistrait une moyenne de 40 dollars US le baril à l’international, cette situation pourrait être le résultat notamment de la fiscalité appliquée aux prix des produits pétroliers pour chaque litre de pétrole vendu, a tenu à expliquer l’Universitaire.
S’agissant de la part subventionnée du gaz butane, elle a connu un allègement en passant de près de 52% du prix réel en 2015 à 45% en 2016, alors que la charge de compensation relative à la consommation de ce produit à fin novembre 2016 s’élevait à 5,43 MMDH, contre 6,57 MMDH une année auparavant, soit une baisse de 17%, d’après la Caisse de Compensation qui vient de dévoiler ses statistiques au titre du mois d’octobre.
“Je crois que le recul de la charge de compensation pour le gaz butane est lié à la chute des cours sur le marché international. Le montant de la subvention du gaz butane est aujourd’hui de 2.760 DH la tonne, soit 32,6 DH par bonbonne de 12 kg et 8,8 DH par bonbonne de 3 kg, alors qu’il atteignait plus de 80 DH par bonbonne de 12 kg jusqu’à 2014″, a commenté M. Karim.
A leur tour, les prix de subvention unitaires ont connu un recul de l’ordre de 23% au titre de la même période. Plus de 82% de la subvention du gaz butane concerne la bonbonne de 12 kg, contre seulement 14% pour la bonbonne de 3 kg et 4 % pour la bonbonne de 6 kg.
En effet, pour approvisionner le marché en butane au prix de vente de base fixé à 3.333 DH/T, l’Etat prend en charge une partie importante de son coût de revient tout en absorbant les fluctuations quotidiennes du cours de ce produit sur le marché international. Ainsi trois niveaux d’interventions ont été adoptés jusqu’au mois de mai 2016.
Ensuite, dès le 1er juin 2016 et en vertu de l’arrêté du ministre délégué auprès du Chef du gouvernement chargé des affaires générales et de la Gouvernance N 1242/2016, les frais relatifs à la régularisation ont été forfaitisés en les incluant au niveau des postes de la structure du prix du gaz butane. Désormais, l’intervention de l’Etat s’est limitée à partir de cette date au remboursement des frais de transport du butane en vrac et du soutien du prix au niveau de la distribution.
Au volet de le réforme de la FNBT, il a été procédé en 2016 à la réduction d’un contingent de 1 million de quintaux. Ainsi le contingent global annuel de la FNBT est passé à fin 2016 à 6,5 millions de quintaux.
Dans ces conditions, la charge de compensation de la FNBT pourrait basculer à 1,2 MMDH au titre de 2016 après 1,52 MMDH l’année dernière, soit un repli de 28% et 55% par rapport à l’année 2011.
Pour sa part, la charge de compensation relative au sucre s’est élevée, entre janvier et octobre 2016, à 2,85 MMDH, contre 2,88 MMDH pour la même période en 2015. Ainsi, la valeur de la subvention des importations du sucre a été de 172 millions de dirhams entre janvier et octobre 2016, contre une recette en faveur de la Caisse de Compensation de 140 millions de dirhams pour la même période en 2015.
L’année 2016 se veut donc une année nodale dans l’histoire des réformes économiques marocaines, y compris le réajustement du système de compensation. Lequel chantier a permis d’une part de dépasser les plafonds arrêtés par les lois de finances et d’autre part d’apurer les arriérés des années antérieures à la compensation.
Continuant sur cet élan, le Maroc prévoit déjà au titre de son PLF 2017 une dotation totale en matière de compensation ne dépassant pas les 14,65 MMDH, ces crédits sont destinés d’une part à soutenir les prix à la consommation du gaz butane, de la FNBT et du sucre et d’autre part à financer les mesures d’accompagnement.