Des banques islamiques qui font la même chose que les autres commerciales ne permettent plus le développement rapide de la CFC. La finance participative est une alternative.
Jadis pièce manquante à la place financière de Casablanca Finance City (CFC), la finance participative, qui offre de nombreuses opportunités aux banques et à leurs clients, s’avère un facteur déterminant dans le développement et le rayonnement du système financier marocain.
Dans un contexte marqué principalement par l’absence de toute place financière internationale en Afrique du Nord et le choix du Maroc de s’orienter vers l’investissement en Afrique, l’introduction de ce mode de financement devrait améliorer l’attractivité de la capitale économique, Casablanca, à même d’en faire une plateforme de premier plan à l’échelle nationale et continentale.
Selon Omar El Kettani, professeur universitaire en économie, la finance alternative permettra au Maroc de devenir un nouveau modèle de croissance en Afrique et de concrétiser davantage son orientation vers un développement sud-sud.
“Nous avons plus besoin de banques islamiques d’investissement et non seulement d’un duplicata islamique des banques commerciales conventionnelles”, a indiqué M. Kettani dans une déclaration à la MAP, notant que ce type de financement profitera également aux petites et moyennes entreprises (PME), qui représentent environ 90% du tissu économique marocain.
Il a, dans ce sens, relevé l’existence de plusieurs contraintes qui entravent le lancement de la finance alternative au Maroc, notamment l’absence d’une loi réglementant l’assurance takaful, la non-existence de la notion halal dans la culture bancaire conventionnelle et la quasi ignorance du client marocain des techniques de financement que pourraient lui proposer les banques participatives.
M. Kettani a également mis l’accent sur la nécessité de programmer des formations bancaires et financières de haute qualité pour les cadres de ces institutions, afin de les initier aux techniques de financement islamique.
En effet, “c’est un long processus qui ne peut être mené correctement que si on raisonne en terme de modèle financier de développement et pas simplement en terme de réussite bancaire”, a précisé l’expert économiste.
De son côté, M. Mohamed Talal Lahlou, consultant en finance participative, estime que cette finance est une pièce manquante dans le puzzle de Casa Finance City qui ambitionne d’être un hub financier régional et continental.
Cette nouvelle finance, qui jouit d’un taux de croissance à deux chiffres, bénéficiera à l’ensemble des acteurs de l’économie marocaine, à travers notamment la relance de la consommation et de l’investissement, a-t-il indiqué, ajoutant que la finance alternative a également pour objectif d’intégrer dans le circuit économique de nouvelles épargnes de certains agents économiques qui évitent des banques conventionnelles pour des raisons religieuses.
Alors que la population s’attendait à des acteurs totalement étrangers, les banques marocaines ont choisi un modèle de joint-venture plutôt que d’ouvrir le marché à de nouvelles banques.
Dans ce cadre, M. Lahlou a estimé que cette approche permettra aux banques de ne pas perdre des parts de marché au détriment de nouveaux opérateurs entrants, tout en profitant des innovations importées.
Dans un contexte où la réserve obligatoire fut à plusieurs reprises baissée pour augmenter les liquidités dans le marché, la finance participative, a-t-il poursuivi, permettra de drainer des capitaux étrangers en devises à travers les partenariats et de relancer la concurrence dans un secteur dominé par quelques acteurs majeurs.
M. Lahlou a noté que malgré l’émission de cinq agréments par Bank Al-Maghrib (BAM), il reste néanmoins certaines étapes cruciales avant un bon démarrage des banques participatives, précisant que la première phase porte sur la finalisation par l’ACAPS (Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale) des dispositions relatives à l’assurance Takaaful conforme à la sharia, nécessaire pour les contrats participatifs, tandis que la deuxième phase sera marquée par le lancement de sukuks souverains afin de jeter les jalons d’un marché monétaire conforme aux avis du conseil supérieur des Oulémas.
S’agissant de la troisième phase, elle s’articule autour de la publication des circulaires par BAM concernant certains contrats et procédures primordiaux pour les banques participatives, a-t-il ajouté.
Le lancement de produits participatifs devrait conduire à certains frottements au niveau des parts de marché, selon M. Lahlou qui rappelle que le marché réserve bien souvent des surprises, comme ce fut le cas des télécoms.
“A chaque fois qu’un nouvel acteur fut introduit, ce n’est pas le volume d’affaires de l’ancien qui en souffre, mais c’est plutôt l’ensemble du volume d’activité qui a augmenté, bénéficiant à l’ensemble des acteurs. Au final, le principal bénéficiaire de la concurrence transparente est le consommateur”, a expliqué l’expert.
Comme tout modèle de financement, les banques participatives ne sont pas sans risques, a-t-il fait remarquer, ajoutant qu’elles partagent avec les banques conventionnelles plusieurs risques, tels que ceux de liquidité, de marché, de change et de crédit.
De plus, ces banques feront également face à des risques propres à leurs activités, notamment ceux en relation avec la conformité à la Sharia.
En début de janvier 2017, le Comité des établissements de crédit a émis un avis favorable à cinq demandes d’agrément pour la création de banques participatives, ainsi qu’à trois banques pour les autoriser à offrir des produits participatifs, mettant fin à plusieurs années de suspens.
Avant de procéder à un benchmark des meilleures pratiques qui pouvaient se faire en la matière, l’écosystème de la finance participative au Maroc a impliqué plusieurs études et échanges avec un certain nombre d’instances internationales et de régulateurs à travers le monde.