Selon Helena Schweiger, senior économiste à la BERD, »près de 37% des entreprises ont été confrontées au moins une fois à une demande de pot-de-vin après avoir sollicité des services publics (branchement électrique, raccordement à l’eau, réunion avec des agents des impôts…), des autorisations (liées à la construction) ou des permis (importation, permis d’exploitation).
Au Maroc, la corruption est le principal obstacle au développement des affaires, estiment des entreprises locales qui ont dû payer des pots-de-vin pour faire avancer leurs projets : c’est ce que révèle une enquête portant sur la région Mena et réalisée conjointement par la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), la Banque européenne d’investissement (BEI) et la Banque mondiale.
Intitulée »Qu’est-ce qui retient le secteur privé dans la région Mena? », cette enquête, classe le Maroc parmi les pays de cette région les plus touchés par le phénomène de la corruption.
Helena Schweiger, senior économiste à la BERD à Londres, dans un entretien au journal marocain L’Economiste, indique que »21% des entreprises du secteur privé marocain identifient la corruption comme leur principal obstacle, comparé à une moyenne de la région Mena de seulement 8% ». Elle ajoute : »Près de 37% des entreprises ont été confrontées au moins une fois à une demande de pot-de-vin après avoir sollicité des services publics (branchement électrique, raccordement à l’eau, réunion avec des agents des impôts…), des autorisations (liées à la construction) ou des permis (importation, permis d’exploitation).
»Une corruption profonde »
»Le Maroc a également un des indicateurs de profondeur de corruption le plus élevé dans la région Mena, atteignant 29% (comparé à la moyenne Mena de 19%) », explique cette analyste de la BERD, selon laquelle »la perception de corruption peut décourager des entreprises d’interagir avec des fonctionnaires » et affecte leur »volonté (de) se lancer dans des activités qui exigent des permis et des autorisations. »
Plus grave, l’enquête »montre que les entreprises qui perçoivent la corruption comme un obstacle majeur tendent à connaître des taux de croissance inférieurs tant au niveau du chiffre d’affaires que de l’emploi, et une productivité moins élevée », explique Shweiger.
L’ONG Transparency International a classé le Maroc dans son 21eme rapport annuel publié en janvier 2016 sur l’indice de perception de la corruption dans le monde à la 88eme place sur 168 pays, avec un score de 36 points sur 100. Ce pays a ainsi perdu 8 places et 3 points par rapport à 2014. Le gouvernement a, à plusieurs reprises, annoncé sa volonté de lutter contre la corruption. Sans résultats.
Terrible constat
Au Maroc, la corruption dans les administrations publiques n’est un secret pour personne. La tentative de nettoyage opérée en 2010 sous le gouvernement de Abbas El Fassi (Istiqlal) n’a rien donné. Plus grave, un rapport de la Cour des Comptes pour l’année 2008 et rendu public en avril 2010 épingle des entreprises publiques et des administrations. Parmi elles, il cite la Marocaine des jeux et des sports, la Société nationale de transport et de logistique (SNTL), l’Université Cadi Ayyad de Marrakech, l’Office national des aéroports (ONDA) ou encore le ministère de l’Energie et des Mines.
A plusieurs reprises ces dernières années, Transparency Maroc a recommandé aux autorités marocaines de prendre toutes les mesures de prévention, notamment la moralisation des procédures de passation des marchés publics, la mise en place d’une agence de lutte contre la corruption et le blanchiment du produit de la corruption. Le nombre des affaires de corruption enregistrées depuis les années 2003 dépasse les 15.000 dossiers déposés devant les tribunaux marocains.