Le choix répressif du gouvernement marocain contre le « Hirak » du Rif est critiqué et contesté aussi bien par des députés que par des militants associatifs qui appellent à la libération des militants arrêtés.
Pour le gouvernement marocain, la récente vague d’arrestation des militants du mouvement Hirak, qui poursuivent leurs manifestations de protestation, est »justifiée ». Pour les associations et ONG des droits de l’Homme, le pouvoir à Rabat doit les libérer.
En attendant, l’impasse est totale sur le dossier des grandes revendications sociales et économiques des populations rifaines. Mardi, le ministre de l’Intérieur Abdelouafi Lahfit a justifié devant le Parlement la vague de répression suivie d’arrestations, 87 au total, des leaders et membres du mouvement de contestation »Hirak » dans le Rif, où les manifestations de protestation se poursuivent chaque jour.
« L’État est mobilisé pour répondre aux revendications sociales et économiques de la population dans la ville d’El Hoceima » », a-t-il dit en réponse à des questions de députés. Il ajouté cependant que »l’état n’avait d’autre choix que de faire respecter la loi. »
Selon lui, »les arrestations se sont faites dans la transparence et le respect de la présomption d’innocence. » Nasser Zefzafi, leader du mouvement Hirak, et d’autres militants ont été arrêtés, dont le N2 Nabil Amajik et Mohamed Arishi, animateur du compte Facebook Rif24, une des voix du mouvement les réseaux sociaux.
La version policière contestée
Au total, près de 87 personnes ont été arrêtées depuis vendredi 26 mai, date de la reprise des manifestations à Al Hoceima, par les services de sécurité, et certains, comme Nasser Zefzafi, sont isolés dans des locaux de la BNPJ à Casablanca et n’ont pas pu rencontrer leurs avocats.
L’intervention du ministre marocain de l’Intérieur a été contestée par deux députés. »Le Hirak’ est un mouvement pacifique, qui s’est toujours montré exemplaire. Les accusations selon lesquelles il servirait un agenda extérieur sont fausses », estime un représentant du parti Istiqlal, qui a appelé à la »libération des détenus » et à un »véritable dialogue ».
Un député du PJD (Parti justice et développement) a lui aussi rejeté les accusations de »trahison » lancées contre les manifestants, et a remis en question la couverture des événements par les télévisions publiques. Il a également demandé aux responsables politiques de »jouer leur rôle » dans la gestion de la crise.
Les ONG s’impliquent
De son côté, Ahmed Assid, militant amazigh, un des initiateurs du mouvement berbère et partisan des réformes démocratiques au Maroc, appelle lui au dialogue pour dépasser la crise actuelle dans le Rif. Mais, selon lui et contrairement aux affirmations du ministre de l’Intérieur, » les autorités n’ont pas respecté les procédures » dans la gestion des manifestations à Al Hoceima.
»Faire disparaître les jeunes du jour au lendemain ou ne pas autoriser les avocats à voir leurs clients constituent, à mes yeux, une faute grave », a-t-il souligné, avant d’affirmer qu »’il faut libérer les détenus et arrêter de véhiculer ces théories du complot et de la trahison qui n’ont fait qu’envenimer la situation. »
Il a ainsi annoncé que des membres d’une coalition de 20 ONG marocaines de défense des droits de l’homme vont se déplacer dans les prochains jours dans le Rif pour discuter avec les populations, et situer les responsabilités dans la détérioration de la situation sociale et sécuritaire dans la région. »Leurs investigations seront sanctionnées par un rapport », a-t-il assuré dans des déclarations à la presse.
La mort d’un poissonnier dans un camion-benne au mois d’octobre dernier à Al Hoceima, alors qu’il voulait sauver sa marchandise saisie de la destruction, avait mis le feu aux poudres dans une région marginalisée, manquant de tout.
A l’appui des manifestations qui ont suivi la mort de Mohcine Firki, les revendications des populations rifaines, dont le mouvement ‘’HIrak’’ est le porte flambeau, portent en particulier sur la fin du régime militaire de la région, et l’amélioration des conditions sociales et économiques dans la région, dont la construction d’infrastructures (hôpital, routes, écoles, ..).